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Notions clés

Devant le Parlement réuni en Congrès, le 3 juillet 2017, le Président de la République a pris l’engagement solennel de réformer les institutions. A cette fin, il a annoncé sa volonté de mettre en œuvre trois mesures : la réduction du nombre de parlementaires, l’élection d’une partie des députés au scrutin de liste à la représentation proportionnelle et la limitation du cumul des mandats dans le temps, pour les parlementaires et pour les titulaires de fonctions exécutives locales.

Cette réforme s’est étoffée avec le temps. Elle comporte désormais trois volets : constitutionnel, organique et législatif.

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Devant le Parlement réuni en Congrès, le 3 juillet 2017, le Président de la République a pris l’engagement solennel de réformer les institutions. A cette fin, il a annoncé sa volonté de mettre en œuvre trois mesures : la réduction du nombre de parlementaires, l’élection d’une partie des députés au scrutin de liste à la représentation proportionnelle et la limitation du cumul des mandats dans le temps, pour les parlementaires et pour les titulaires de fonctions exécutives locales.

Cette réforme s’est étoffée avec le temps. Elle comporte désormais trois volets : constitutionnel, organique et législatif.

Le premier a pris la forme du projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace adopté en Conseil des ministres le 9 mai, le second, se traduit par le projet de loi organique pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace, et le troisième est porté par le projet de loi pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace. Ces deux derniers textes ont été adoptés le 23 mai en Conseil des ministres.

Les dispositions de la réforme les plus connues parce qu’annoncée depuis le début du quinquennat (diminution du nombre de parlementaires, introduction d'une dose de proportionnelle et limitation du cumul des mandats dans le temps) relèvent des projets de loi organique et ordinaire et non pas d'une modification de la Constitution.

Mais cette réforme comprend également des mesures importantes relatives au fonctionnement du Parlement ainsi qu’à la justice en général et enfin aux collectivités territoriales et notamment à la Corse. Toutes ces mesures nécessitent une révision de la Constitution, d’où la loi constitutionnelle.

La révision constitutionnelle sera si elle aboutit, la vingt cinquième, dix ans après la dernière en date. Des doutes existent cependant quant à ses chances de réussite. En effet, la loi constitutionnelle nécessite pour son adoption, selon l’article 89 de la Constitution, l’accord des deux assemblées et donc du Sénat, l’Assemblée nationale ne posant pas de problème à cet égard et pour son adoption définitive au Congrès le vote favorable des trois cinquièmes de ses membres. Or le Sénat à travers son Président, Gérard Larcher, a tracé des lignes rouges qui semble-t-il ont été franchies. Il s’agit notamment de la limitation des mandats dans le temps.

Pour ce qui est de la loi organique l’accord du Sénat est également obligatoire puisque selon l’article 46 de la Constitution « Les lois organiques relatives au Sénat doivent être votées dans les mêmes termes par les deux assemblées ». Dans son rapport le Conseil d’Etat l’a rappelé pour dissiper un doute que certains avait laissé planer sur ce point. Seule la loi ordinaire instillant une dose de proportionnelle pourrait être adoptée par l’Assemblée nationale seule. Ce serait là une victoire à la Pyrrhus.

Si le Sénat s’oppose à la réforme, le Président de la République pourrait-il se tourner vers le peuple et recourir au référendum prévu par l’article 11 de la Constitution ? La très grande majorité de la doctrine considère que cela n’est pas possible. Mais on sait que le général De Gaulle y a recouru avec succès pour modifier le mode d’élection du Président de la République en 1962, puis en 1969 pour modifier le Sénat notamment, mais ce fut un échec.

Le Conseil constitutionnel s'est déclaré incompétent pour examiner la constitutionalité de la loi référendaire (CC, 62-20 DC du 6 novembre 1962 et CC, 92-313 DC du 23 septembre 1992 Maastricht). Dans ces conditions le Président de la République pourrait, comme le général De Gaulle y recourir. Mais ce serait risqué, car il pourrait perdre la consultation. On sait en effet que depuis quelque temps déjà les électeurs ont tendance à se prononcer sur celui qui pose la question dans un référendum plutôt qu’à la question posée. C’est ainsi qu’en Italie, Matteo Renzi a perdu, en 2016, un référendum constitutionnel qu’il imaginait gagner facilement.

1 LES PROPOSITIONS RELATIVES AUX ASSEMBLÉES

1.1 Les membres du Parlement

1.1.1 La réduction du nombre de parlementaires

Cette question est posée depuis quelques années déjà et semble admise de tout côté si l’on en juge notamment par les déclarations des candidats à la dernière élection présidentielles.

Il est vrai qu’en France le nombre de parlementaires est relativement élevé, en comparaison des démocraties parlementaires des pays développés. La France compte aujourd’hui 925 parlementaires, alors que les Etats-Unis n’en disposent que de 535 pour un pays presque 5 fois plus peuplé et l'Allemagne 700 pour 1,25 fois notre population. La France compte 14 parlementaires (députés et sénateurs) par million d’habitants, contre 1,7 aux Etats-Unis. La France se positionne cependant dans la moyenne des démocraties occidentales.

A priori, la mesure pourrait sembler s’inscrire dans une démarche antiparlementaire et populiste, dictée par la volonté de réduire le coût de l’Etat et de ses institutions. En réalité, ce n’est pas l’objectif financier qui est mis en avant. L’idée n’est pas tant de faire des économies que de redéployer le budget des assemblées pour les parlementaires qui restent. Moins nombreux, ils seraient mieux équipés et plus puissants. C’est d’ailleurs ce que pense le Président de la République lorsqu’il déclare « un Parlement moins nombreux mais renforcé dans ses moyens c’est un Parlement où le travail devient plus fluide, où les parlementaires peuvent s’entourer de collaborateurs mieux formés et plus nombreux, c’est un Parlement qui travaille mieux. ».

Aussi, le projet de loi organique réduit-il de 30% le nombre de parlementaires. L’Assemblée nationale ne comptera plus que 404 députés contre 577 aujourd’hui. Quant au Sénat il ne sera plus composé que de 144 membres contre 348 actuellement. Qui plus est son renouvellement se ferait en 2021 en totalité et non pas par moitié. Toutefois, le Conseil d’État précise que le principe du renouvellement partiel sera remis en application dès le renouvellement suivant.

Avec moins de députés, il faudra redessiner les circonscriptions. Il n'y en aura plus que 340 environ soit une réduction de plus de 40%. A cette fin, le projet de loi ordinaire habilite le Gouvernement, « dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la loi, à procéder par ordonnances » au redécoupage des circonscriptions législatives, avec pour règle de garantir « l’élection d’au moins un député et un sénateur par département ».

Il faut ajouter que l’article 25 de la Constitution prévoit qu’« Une commission indépendante … se prononce par un avis public sur les projets de texte et propositions de loi délimitant les circonscriptions pour l'élection des députés ou modifiant la répartition des sièges de députés ou de sénateurs. ». Dans sa décision du 8 janvier 2009, le Conseil constitutionnel a admis que la consultation de cette commission puisse être réalisée seulement au stade des ordonnances et non dès celui de l’habilitation, en relevant que cette dernière ne privait pas, en l’espèce, la commission de « pouvoir formuler utilement un avis » sur les projets d’ordonnance qui lui seraient soumis.

Le texte précise que les circonscriptions sont constituées par un territoire continu. Elles comprennent un nombre variable de cantons qui ne pourront pas être découpés à l’exception de ceux de plus de 60 000 habitants, de même que le territoire des communes sans qu’aucune exception ici ne soit admise. Le découpage doit se faire sur des bases essentiellement démographiques, sous réserve des adaptations justifiées par des motifs d’intérêt général, cela signifie qu’en aucun cas la population d'une circonscription ne peut s'écarter de plus de 20 % de la population moyenne des circonscriptions du département.

1.1.2 L’introduction de la proportionnelle

Là encore cette question a été mise en avant depuis longtemps et a fait l’objet de nombreuses promesses électorales qui n’ont pas été tenues. Nicolas Sarkozy l’avait annoncé dès 2006 comme président de l’UMP, puis lors de campagne présidentielle de 2012. François Hollande l’avait promis également lors de sa campagne électorale.

Le 3 juillet, Emmanuel Macron a répété ce qu’il avait déjà annoncé lors de la campagne « Je proposerai que le Parlement soit élu avec une dose de proportionnelle pour que toutes les sensibilités y soient justement représentées ». Mais quelle dose de proportionnelle doit on introduire dans le scrutin, 50% comme le demandent les plus favorables à ce mode de scrutin ou seulement 10% comme le réclament les plus frileux ?

Il faut dire qu’à l’exception de la huitième législature de 1986 à 1988, la proportionnelle a été bannie sous la Cinquième République comme trop liée à la IVe République et à ses dysfonctionnements. Le scrutin uninominal majoritaire à deux tours est donc devenu emblématique de la nouvelle République et ce d’autant plus qu’il garantissait l’existence d’une majorité à l’Assemblée nationale. L’efficacité que l’on reconnait à ce mode de scrutin réside bien là. Mais c’est au prix d’une injustice puisque les grands partis sont sur représentés et les petits partis sont sous représentés. Ainsi, lors des dernières élections législatives, avec 32% des voix au premier tour, la majorité présidentielle a obtenu plus de 53% des sièges de députés et qu’avec 11% des voix, la France insoumise en a moins de 3%.

Le projet de loi introduit une dose de proportionnelle dans le scrutin législatif à hauteur de 15%. Cela signifie que sur les 404 députés restants, 61 seront élus à la représentation proportionnelle sur une liste nationale. S’y ajouteront les députés élus par les Français établis hors de France, aujourd’hui au nombre de onze mais qui devraient voire leurs effectifs diminuer eux aussi de 30%.

C’est la proportionnelle à la plus forte moyenne, qui sera appliquée avec un seuil d’accès à la répartition des sièges fixé à 5 % des suffrages exprimés. Les listes seront nationales pour les 61 sièges, locales pour les Français établis hors de France. Elles seront paritaires.

Le scrutin proportionnel aura lieu le même jour que le premier tour du scrutin uninominal majoritaire, chaque électeur disposant pour voter de deux bulletins, le premier pour le député de sa circonscription, le second pour une liste nationale. En conséquence, il y aura deux urnes. Une semaine plus tard, les électeurs reviendront voter pour le second tour de l'élection des députés au scrutin majoritaire.

Avec 15 % des sièges pourvus à la proportionnelle il n'y a pas une remise en cause de l'élément « efficacité ». En revanche, il y a l'introduction d'une justice puisque des courants politiques qui ne sont pas représentés à l'Assemblée proportionnellement à leur influence électorale trouveront là le moyen d'être mieux représentés.

Il n’en demeure pas moins que même avec seulement 15 % de députés élus à la proportionnelle on accroit les risques de se retrouver sans majorité à l’Assemblée nationale. Et comme le système de partis a évolué, d’une bipolarisation à un multipartisme indiscipliné, on se retrouverait dans la même situation que nos voisins belges, espagnols, allemands, et plus récemment italiens qui ont eu bien du mal à former des alliances plus ou moins cohérentes et solides.

Une autre difficulté doit être soulignée, celle de la représentions des électeurs. Certes la proportionnelle permet de mieux représenter les courants politiques, mais les électeurs eux-mêmes ?

Ainsi les soixante-et-un députés élus sur une liste nationale n’auront aucun lien avec leurs électeurs. Ce seront le plus souvent des recalés de telle ou telle fonction ou élection que leurs partis sauveront en les inscrivant en bonne place sur leurs listes. N’oublions pas qu’avec la proportionnelle comme le disait Jean-Luc Chabot « l’électorat croit se prendre en photographie et ce sont les appareils des partis qui en assurent le tirage ».

Bien sûr, en vertu de la Constitution, les députés ne sont pas les élus de leur circonscription, mais les élus de la Nation. Ils sont élus dans une circonscription, mais ils ne représentent pas leur circonscription. Ils représentent la Nation toute entière. Toutefois dans la réalité ce lien s’est développé et existe réellement. Les autres députés élus au scrutin majoritaire ne seront pas « hors sol », mais ils seront élus dans des circonscriptions beaucoup plus grandes ce qui distendra d’autant leur lien avec leurs électeurs.

1.1.3 Le cumul de mandat dans le temps

Le cumul des mandats pour les parlementaires et les chefs d’exécutifs locaux est limité dans le temps à trois mandats complets et consécutifs. Les communes de moins de 9000 habitants échappent toutefois à cette mesure, soit la quasi-totalité des maires de France (97%) de même que les présidents d’établissements publics intercommunaux (EPCI) de moins de 25 000 habitants, soit 52 %. Mais tous les membres des exécutifs départementaux et régionaux seront concernés.

Le non-cumul dans le temps ne s’appliquera pas à partir du prochain renouvellement mais comptabilisera bien le mandat en cours pour limiter à trois mandats consécutifs complets effectués. La mesure ne s’appliquera donc qu’en 2032 pour les exécutifs du bloc communal, en fonction depuis mars 2014, et en 2033 pour les présidents et vice-présidents des conseils départementaux et régionaux, renouvelés respectivement en mars et décembre 2015. Pour les députés la date fatale sera 2032 comme pour les sénateurs élus en 2014. Ce sera 2035 et pour ceux élus en 2017.

Enfin, dans un domaine voisin mais différent, le projet de loi constitutionnelle précise dans son article premier que sont incompatibles les fonctions de membre du Gouvernement avec l’exercice d’une fonction exécutive ou de présidence d’assemblée délibérante au sein des collectivités territoriales, de leurs groupements et de certaines personnes morales qui en dépendent.

1.2 La procédure législative

1.2.1 L’ordre du jour

La Constitution de 1958, avait innové en introduisant la distinction entre l’ordre du jour prioritaire et l’ordre du jour complémentaire. Le premier étant fixé par le Premier ministre et le second par la Conférence des Présidents de chaque assemblée. En réalité, ce système aboutissait à priver chaque assemblée de la maîtrise de l’ordre du jour qui était la règle en France traditionnellement sous les IIIe et IVe.

Si l’article 39 reconnaît le droit d’initiative aux membres du Parlement, c’est donc en concurrence avec le Premier ministre. Or cette concurrence n’est pas bien loyale puisqu’en vertu de la priorité accordée au gouvernement dans la fixation de l’ordre du jour, celui-ci choisit d’abord les textes que le Parlement va examiner. Bien entendu, il inscrit ses propres textes, les projets de loi. Comme le temps n’est pas extensible, les propositions de loi ne sont généralement pas inscrites à l’ordre du jour et par conséquent ne sont pas examinées.

La révision constitutionnelle de 2008 est revenue sur ce système. En effet, l’ordre du jour est désormais partagé de manière égale entre le gouvernement et les parlementaires. Le gouvernement dispose de deux semaines et le Parlement des deux suivantes. La première de ces deux semaines étant consacrée aux travaux législatifs et la seconde au contrôle et à l’évaluation des politiques publiques.

Cette égalité n’est en fait qu’une apparence puisque le Gouvernement peut exceptionnellement intervenir dans les semaines accordées au Parlement. Il peut inscrire à l’ordre du jour des textes prioritaires comme les projets de loi de finances, les projets de loi de financement de la sécurité sociale ainsi que les textes transmis par l’autre assemblée depuis six semaines au moins, les projets relatifs aux états de crise et les demandes d’autorisation d’intervention armée.

Tous ces textes, et ils sont nombreux notamment en automne, s’inscrivent « par priorité », ils limitent ainsi la quinzaine dont disposent les parlementaires.

Le projet de loi constitutionnelle renforce l’intrusion de l’exécutif dans le soi-disant pré carré parlementaire. Outre les textes déjà mentionnés, s’ajoutent d’abord, ceux qui sont relatifs à la politique économique, sociale ou environnementale. Ensuite, au cours des semaines de contrôle, le Gouvernement pourra également inscrire des textes qui résultent de l’évaluation des politiques publiques.

Le Gouvernement, qui disposait déjà de plus de la moitié de l’ordre du jour, s’en assure ainsi un contrôle quasi-total. De plus la semaine prioritairement dédiée au contrôle et à l’évaluation pourra être largement consacrée à l’examen de textes législatifs dit prioritaires, ou de ceux résultant des travaux d’évaluation et de contrôle conduits par les assemblées.

Certes, les conférences des Présidents des deux assemblées pourront conjointement s’opposer à cette nouvelle déclaration de « priorité », mais cette faculté, déjà existante pour la procédure accélérée et qui n’a jamais abouti, ne saurait être utilisée dès lors qu’existe le fait majoritaire.

Il faut dire que l’instauration de la semaine consacrée au contrôle n’a pas entrainé depuis qu’elle existe une revalorisation réelle de la fonction parlementaire de contrôle. Pour certains parlementaires, même la semaine de contrôle est souvent synonyme de relâche. C’est pourquoi, le Conseil d’Etat s’interroge sur l’opportunité de maintenir la distinction entre la semaine d’initiative législative parlementaire et la semaine d’évaluation et de contrôle.

Le Gouvernement explique sa position par le fait que les parlementaires eux-mêmes estiment que l’organisation de ces semaines est peu satisfaisante. Mais surtout il met en avant le fait que les nombreuses réformes annoncées doivent être menées rapidement en début de mandat présidentiel et législatif, et qu’il est nécessaire, dans un second temps, que ces réformes puissent être évaluées dans leurs effets réels.

Il n’en demeure pas moins que cette mesure constitue un pas en arrière dans la reconnaissance d’une plus grande autonomie du Parlement.

1.2.2 Le droit d’amendement

Article 3 du projet de loi constitutionnelle

I. – L’article 41 de la Constitution est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :

« Les propositions de loi ou les amendements qui ne sont pas du domaine de la loi ou qui, hors le cas des lois de programmation, sont dépourvus de portée normative, et les amendements qui sont sans lien direct avec le texte déposé ou transmis en première lecture ne sont pas recevables.

« S’il apparaît au cours de la procédure législative qu’une proposition de loi ou un amendement est contraire à une habilitation accordée en vertu de l’article 38, le Gouvernement ou le président de l’assemblée saisie peut opposer l’irrecevabilité. » ;

2° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

a) Après le mot : « intéressée » sont insérés les mots : « sur une irrecevabilité au titre de l’un des cas prévus aux deux alinéas précédents » ;

b) Les mots : « huit jours » sont remplacés par les mots : « trois jours pour les amendements et de huit jours pour les propositions de loi, dans les conditions fixées par la loi organique ».

II. – La seconde phrase du premier alinéa de l’article 45 est supprimée.

Le droit d’amendement est indéniablement un droit important pour les parlementaires. Il leur permet en effet d’exercer leur pouvoir d’initiative législative de manière indirecte et ponctuelle. Cependant l’usage de ce droit peut conduire à des dérives importantes. Ainsi, c’est par ce biais que les lois adoptées gonflent en volume et prennent des proportions considérables. Ainsi, la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté du 27 janvier 2017 est passé de 41 articles à 224, le Conseil constitutionnel en annulera 41. La loi NOTRe sur la réforme territoriale comportait 37 articles, elle en comptera finalement 136. La loi Macron est passée de 106 articles à 308.

Dans ces conditions un encadrement du droit d’amendement est nécessaire. Le gouvernement avait annoncé une limitation du droit d’amendement proportionnelle aux effectifs des groupes parlementaires. Cette mesure a été fort heureusement abandonnée. Mais, le projet de loi constitutionnelle comporte d’autres dispositions restrictives quant à l’exercice de ce droit.

D’abord, il précise le contenu des amendements. Ils doivent avoir un lien direct avec le texte déposé et ne pas être dépourvus de portée normative.

Depuis 1985, le Conseil constitutionnel vérifie que les amendements ne sont pas dépourvus de tout lien avec les dispositions figurant dans le projet de loi initial. Dans le cas contraire, il s’agit de « cavaliers législatifs » (décision n° 85-191 DC du 10 juillet 1985 puis n° 85-198 DC du 13 décembre 1985 et surtout décision n° 85-199 DC du 28 décembre 1985). Depuis 2008, l’article 45 de la Constitution avait repris cette exigence en précisant que l’amendement doit avoir un lien direct ou indirect avec le texte. La future révision, en reprenant la démarche du Conseil constitutionnel va encore plus loin en précisant que le lien de l’amendement avec le texte ne peut plus être indirect, mais seulement direct. La révision pourra ainsi contribuer à simplifier et à clarifier les textes législatifs.

Quant à la portée normative des lois et donc des amendements elle a également été mise en avant par le Conseil constitutionnel qui veille depuis longtemps à son respect. Là encore la Constitution, si le projet de loi est adopté, reprendra explicitement cette exigence.

L’encadrement du droit d’amendement résulte également du renforcement des procédures de contrôle qui peuvent être exercées. Deux procédures sont prévues par la Constitution. Il s’agit des irrecevabilités de l’article 40 et celle de l’article 41. La loi constitutionnelle aligne la dernière sur la première.

Les propositions de loi et amendements qui ne sont pas du domaine de la loi, ainsi que, désormais, les dispositions dépourvues de portée normative, « ne sont pas recevables » ce qui constitue un irrecevabilité absolue alors qu’auparavant, il était simplement loisible au Gouvernement ou au président de l’assemblée saisie d’«opposer l’irrecevabilité » ce qui constituait une irrecevabilité relative. On passe ainsi d’un contrôle qui pouvait être réalisé (facultatif) à un contrôle qui doit être réalisé (obligatoire).

Il le sera par les Présidents des assemblées et en cas de désaccord entre et le Président de l'assemblée intéressée et le Gouvernement, le Conseil constitutionnel, à la demande de l'un ou de l'autre, statue dans un délai de « trois jours pour les amendements et de huit jours pour les propositions de loi, dans les conditions fixées par la loi organique ».

Le projet de loi constitutionnelle raccourcit donc le délai de recours au Conseil constitutionnel en ce qui concerne les amendements, ce qui devrait favoriser l’usage de cette procédure sans pour autant ralentir le débat parlementaire.

Toutefois, comme le souligne le Conseil d’Etat : « pour que le Conseil constitutionnel puisse se prononcer dans le nouveau délai, par exemple en permettant que cette compétence soit exercée par une formation restreinte du Conseil, voire par un seul de ses membres ».

Avec le professeur Jean-Philippe Derosier, on peut dire qu’« il est temps que le droit d’amendement s’exerce de façon raisonnée et raisonnable, afin d’éviter les lois trop longues, peu compréhensibles et les détournements de procédure, consistant à passer par amendement ce qui aurait dû être soumis au Conseil d’État, dans un projet de loi. Car cette restriction s’appliquera également à l’Exécutif… »

1.2.3 La procédure de législation en commission

Article 4 du projet de loi constitutionnelle

L’article 42 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La loi organique détermine les conditions dans lesquelles les projets et les propositions de loi adoptés, en présence du Gouvernement, par la commission saisie en application de l’article 43 sont, en tout ou partie, seuls mis en discussion en séance. Le droit d’amendement sur les articles relevant de cette procédure s’exerce uniquement en commission. »

Cet article du projet de loi constitutionnelle renforce le rôle des commissions parlementaires à l'Assemblée nationale en partageant mieux le travail entre celles-ci et la séance plénière. En d’autres termes des projets ou des propositions de loi adoptés en commission seraient validés en séance publique sans modifications. (ce qui se fait déjà au Sénat).

Dans la mesure où tout parlementaire peut participer à une commission dont il n’est pas membre et présenter un amendement, sans toutefois le voter, le projet de loi constitutionnelle autorise en effet, la loi organique à déterminer les conditions dans lesquelles les projets et les propositions de loi adoptés en commission en présence du Gouvernement sont discutés en séance publique.

De la sorte, un gain de temps important pourrait être réalisé tout en garantissant les droits de tous les députés et ceux du gouvernement.

1.2.4 L’examen et le contrôle de l’exécution des textes financiers

L’une des grandes nouveautés en matière de procédure législative concerne la discussion des textes financiers : loi de finances et loi de financement de la sécurité sociale. Afin d’éviter l’enlisement de la discussion budgétaire comme c’était souvent les cas sous la IVe République, la Constitution de 1958 a prévu des délais encadrant cette discussion : 40 jours pour l’Assemblée nationale et 70 jours en tout pour les deux assemblées. Un système semblable a été mis en place en ce qui concerne les lois de financement de la sécurité sociale mais avec des délais plus courts : l’Assemblée nationale dispose de 20 jours et le Parlement tout entier de 50 jours.

S’ils ne sont pas respectés, le gouvernement peut se substituer au Parlement et par ordonnance mettre en vigueur les dispositions du budget.

Les délais en question ont toujours été respectés, aucune ordonnance prévue par l’article 47 ou 47-1 de la Constitution n’a été prise depuis 1958. C’est pourquoi les articles 6 et 7 du projet de loi constitutionnelle réaménagent la discussion des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, en alignant, voire en joignant les deux procédures.

Pratiquement inchangés pour la loi de financement de la sécurité sociale, ils sont raccourcis pour la loi de finances en passant à 50 jours. Pour ce qui est de la première lecture devant l’Assemblée nationale le délai relatif à l’examen du projet de loi de finances passe de 40 à 25 jours et en ce qui concerne le projet de loi de financement de la sécurité sociale il passe de 20 à 25 jours. Le raccourcissement des délais en matière de loi de finances était demandé depuis quelque temps par la doctrine et était formulé par les groupes de travail mis en place au sein de l’Assemblée nationale dans les projets qu’ils avaient élaborés au début de cette année. Non seulement ce raccourcissement devrait permettre un gain de temps et donc une plus grande efficacité, mais de plus il pourra faciliter la jonction des procédures d’examen des deux textes.

Certes, l’un concerne l’Etat et l’autre la sécurité sociale, mais aujourd’hui en la matière il faut avoir une vision globale, une vision consolidée des finances publiques. Ces deux mondes financiers sont bien sûr différents, mais ils sont liés et dans ces conditions, examiner en même temps, de manière conjointe les deux textes ne peut qu’aller dans le bon sens.

Reformater l’élaboration des budgets de l’Etat et de la sécurité sociale est une bonne chose, mais tout aussi important sinon plus est l’amélioration du contrôle de l’exécution de ces deux textes. Les groupes de travail mis en place au sein de l’Assemblée nationale ont proposé de rééquilibrer le débat budgétaire, jugé aujourd’hui beaucoup trop concentré sur la prévision et l’autorisation, en faveur du contrôle et de l’évaluation de son exécution. Cette volonté est semble-il réaffirmée par le Gouvernement qui veut mettre en place un « printemps de l'évaluation » qui s’organisera autour de l’examen du projet de loi de règlement. C’est pourquoi le projet de loi constitutionnelle précise qu’à cette occasion, les ministres devront présenter en commission l'exécution de leur budget. L’organisation de ces travaux de contrôle et d’évaluation sera précisée par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).

Ainsi, le débat sur la loi de règlement serait revalorisé en prenant place, dans ce « printemps de l’évaluation » qui pourrait conclure le débat d’orientation des finances publiques prévu par la LOLF, faisant ainsi un lien direct entre les exercices budgétaires successifs qui amorcerait un cercle vertueux.

Il n’en reste pas moins que l’efficacité de ces mesures dépendra davantage de la volonté des membres du Parlement de procéder à un examen approfondi de l’exécution budgétaire que de l’obligation faite aux ministres de présenter cette exécution comme le rappelle le Conseil d’Etat.

1.2.5 Réforme de la procédure applicable en cas d’échec de la commission mixte paritaire

Article 5 du projet de loi constitutionnelle

Le quatrième alinéa de l’article 45 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Si la commission mixte paritaire ne parvient pas à l’adoption d’un texte commun ou si ce texte n’est pas adopté par l’une des assemblées dans les conditions prévues à l’alinéa précédent, le Gouvernement peut demander à l’Assemblée nationale de statuer définitivement. Dans ce cas, le Sénat statue dans les quinze jours suivant cette demande sur le dernier texte voté par l’Assemblée nationale. L’Assemblée nationale statue sur le dernier texte voté par elle dans les huit jours suivant la date à laquelle le Sénat a statué. Hors les amendements adoptés par le Sénat, seuls sont alors recevables, avec l’accord du Gouvernement, les amendements déposés au Sénat. »

En principe, en cas de désaccord entre les deux assemblées la navette continue, mais le Premier ministre peut après deux lectures au moins ou une lecture si la procédure accélérée a été déclarée, convoquer la commission mixte paritaire (CMP) à condition que les Conférences des présidents ne s’y opposent pas.

Si après l’intervention de la CMP le désaccord subsiste entre les deux assemblées, soit parce que la CMP n’est pas parvenue à rédiger un texte de compromis, soit parce que le texte de la CMP n’a pas été entériné par les deux assemblées, le Gouvernement peut donner le dernier mot à l'Assemblée nationale.

Si cette décision est prise, une dernière lecture doit alors avoir lieu dans chaque assemblée : en quelque sorte, il s’agit d’une « lecture de la dernière chance ». Si le désaccord subsiste après cette lecture, l’Assemblée nationale se prononce seule.

Bien qu’ayant le « dernier mot », l’Assemblée Nationale ne peut pas pour autant adopter n’importe quel texte. Deux possibilités s’offrent à elle, soit elle se prononce sur le texte adopté en CMP, soit elle se prononce sur le dernier texte qu’elle a adopté en retenant éventuellement un ou plusieurs amendements du Sénat.

Cette procédure est particulièrement longue puisqu’elle se décompose en trois phases. Le Gouvernement recherchant une plus grande rapidité dans l’élaboration des lois a voulu la raccourcir en supprimant l’une de ces trois phases. Ainsi, le projet de loi constitutionnelle fait disparaitre l’étape de la « lecture de la dernière chance ». « Cette suppression de la nouvelle lecture est positive : telle qu’elle était conçue, elle ne servait à rien, sauf à perdre du temps » remarque Jean-Philippe Derosier

De façon à perdre moins de temps encore le projet de loi constitutionnelle ajoute des délais puisque lors de la dernière étape le Sénat doit se prononcer dans les quinze jours sur le dernier texte voté par l’Assemblée nationale. Celle-ci dispose ensuite de huit jours pour statuer définitivement sur le même texte.

Ces nouvelles dispositions illustrent, là encore, la volonté du Gouvernement de simplifier et d’accélérer la procédure législative, tout en conservant la possibilité pour chacune des deux assemblées de se prononcer à nouveau après l’échec de la procédure de conciliation. Mais les sénateurs et notamment leur président voient dans ces nouvelles dispositions une atteinte grave au bicamérisme car avec la réforme constitutionnelle, la dernière lecture qui revient à l’Assemblée nationale se ferait sur le dernier texte voté par elle en tenant compte éventuellement et avec l’accord du Gouvernement, des amendements déposés au Sénat. Ce qui disparait avec la réforme c’est la possibilité pour l’Assemblée nationale d’adopter le texte de la CMP.

Dans ces conditions l’atteinte au bicamérisme semble plutôt un prétexte qu’un argument de fond.

1.2.6 Le domaine de la loi

Le projet de loi constitutionnelle élargit le domaine de la loi en précisant que certes comme le dit déjà l’article 34 de la Constitution la loi détermine les principes fondamentaux de la préservation de l’environnement, mais aussi « de l’action contre les changements climatiques ».

En soi cet ajout ne change pas fondamentalement les choses puisque la lutte contre les changements climatiques est déjà contenue dans la « préservation de l’environnement » qui avait été introduite dans la Constitution lors de la révision de 2008, mais c’est une manière symbolique après le retrait américain du traité de Paris d’insister sur le rôle de la France dans la lutte contre le réchauffement climatique.

1.3 La création d’une Chambre de la participation citoyenne en remplacement du CESE

Le projet de loi constitutionnelle prévoit la transformation du Conseil économique, social et environnemental (CESE) en Chambre de la participation citoyenne. Par sa composition elle a vocation à représenter la société civile. Mais les informations quant à sa composition précise seront données ultérieurement par une loi organique. Quoiqu’il en soi le nombre de ses membres ne pourra pas dépasser 155, contre 233 actuellement pour le CESE.

La Chambre a une double mission. D’abord vis-à-vis des pouvoirs publics, elle est chargée d’éclairer par ses avis le Gouvernement et le Parlement sur les enjeux économiques, sociaux et environnementaux, en particulier sur les conséquences à long terme de leurs décisions.

Les cas de consultation obligatoire de la Chambre de la participation citoyenne sur des projets de loi sont bien plus nombreux que pour le Conseil économique, social et environnemental. En effet, ce dernier n’est obligatoirement consulté que sur les plans et les projets de loi de programmation à caractère économique, social ou environnemental, alors que la Chambre de la participation citoyenne doit l’être sur tous les projets de loi ayant un objet économique, social ou environnemental.

Il en va de même pour ce qui est de la consultation facultative puisque la compétence du CESE est limitée aux projets de loi de programmation définissant les orientations pluriannuelles des finances publiques, alors que la Chambre peut en outre être consultée par le Gouvernement sur tout projet de loi, y compris les projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale, et sur tout projet d’ordonnance ou de décret. Elle peut également être consultée par les assemblées parlementaires sur les propositions de loi.

En second lieu et c’est sans doute ce qui justifie sa nouvelle appellation de Chambre de la participation citoyenne, elle doit devenir le trait d’union entre le peuple et l’Etat et ce de deux manières. D’abord en organisant la consultation du public, mais aussi en second lieu en recueillant des pétitions.

Rien n’est dit dans le projet de loi constitutionnelle sur la façon précise dont ces deux modalités de participation citoyenne seront mises en œuvre. C’est une loi organique qui le dira.

Mis à part le nom et un élargissement de ses compétences, ce nouvel organe ne semble pas très différent du CESE qu’il remplace, mais sa création risque de poser quelques problèmes. Comme le Conseil d’Etat le constate dans son rapport « un allongement inévitable de la procédure d’adoption des projets de loi qui en résultera va à l’encontre de l’objectif d’accélération de leur adoption recherché par le projet ». Si pour limiter ce défaut des délais d’examen étaient mis en place cela rendrait l’examen des projets de loi difficile d’autant plus que les avis de la Chambre devraient être rendu en tout début de la procédure législative soit avant même l’avis du Conseil d’Etat. Il faut également ajouter que les effectifs réduits de la Chambre n’iront pas non plus dans le sens d’une l’accélération de la procédure législative.

2 LES PROPOSITIONS RELATIVES A LA JUSTICE

2.1 La composition du Conseil constitutionnel

Le projet de loi constitutionnelle reprend une proposition relativement ancienne concernant la composition du Conseil constitutionnel à savoir la suppression de la présence de droit et à vie des anciens Présidents de la République.

Le projet d'exclure les anciens Chefs d’Etat du Conseil n'est pas nouveau : François Hollande l'avait déjà promis en 2012. En avril 2016, Laurent Fabius, actuel président du Conseil, déclarait déjà qu'il s'agirait d'une décision « logique ».

Cette présence des anciens Présidents remonte aux origines de la Constitution. A cette époque le Conseil constitutionnel était considéré comme un organe secondaire qui n’avait de rôle que comme auxiliaire de l’exécutif.

Par la suite, la décision « Liberté d’association » (CC 71-44 DC 16 juill. 1971), puis l’instauration de la saisine de l’opposition (loi constitutionnelle du 29 octobre 1974) et enfin la création de la Question prioritaire de constitutionnalité (QPC) (Loi constitutionnelle du 23 juillet 2008) ont renforcé l’autonomie de l’institution et contribué à lui donner et à renforcer son caractère juridictionnel.

Dans ces conditions la présence des anciens Présidents de la République devenait incongrue puisqu’ils pouvaient être amenés à examiner des lois adoptées sous leur présidence, devenant ainsi juges et parties.

En réalité ce n’est pas cet argument qui justifie le mieux cette suppression de la présence des anciens chefs d’Etat, mais plutôt le fait qu’ils soient membres de droit et à vie de l’institution. Car si c’est leur présence qui pose problème, il faut interdire de nommer au Conseil, d’anciens Premiers ministres comme Laurent Fabius qui préside le Conseil ou encore Lionel Jospin. En réalité il faudrait revoir les conditions à remplir pour faire partie du Conseil : exiger par exemple un minimum de formation juridique, limiter le nombre de politiques, ce qui accentuerait son caractère juridictionnel.

Mais cette mesure ne sera pas applicable aux membres de droit qui ont siégé au Conseil constitutionnel l’année précédant la délibération en conseil des ministres du projet de loi constitutionnelle, soit la période du 9 mai 2017 au 9 mai 2018 . Finalement cette disposition ne changerait rien à la situation actuelle puisque le seul ancien Président de la République qui a siégé effectivement au Conseil pendant l’année en question est Valéry Giscard d’Estaing, tous les autres y ont renoncé.

Une autre disposition du projet de loi constitutionnelle concerne le Conseil constitutionnel. Elle est liée à la diminution de 30 % du nombre de parlementaires. Il s’agit de la réduction du nombre de députés ou de sénateurs nécessaire pour saisir le Conseil constitutionnel. Le projet réduit en effet d’un tiers, pour le ramener de soixante à quarante, le nombre de parlementaires nécessaire pour saisir le Conseil constitutionnel, soit pour lui demander de vérifier, après 30 jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels, si les conditions de leur mise en œuvre demeurent réunies (article 16 de la Constitution), soit pour lui demander d’examiner si un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution (article 54 de la Constitution), soit pour lui déférer une loi avant qu’elle soit promulguée (article 61 de la Constitution).

De la même manière, est réduit le nombre de parlementaires nécessaire pour former un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) contre un acte législatif européen qui violerait le principe de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution).

2.2 La suppression de la Cour de justice de la République

Article 13 du projet de loi constitutionnelle

Les articles 68-1 à 68-3 de la Constitution sont remplacés par un article 68-1 ainsi rédigé :

« Art. 68-1. – Les membres du Gouvernement sont responsables, dans les conditions de droit commun, des actes qui ne se rattachent pas directement à l’exercice de leurs attributions, y compris lorsqu’ils ont été accomplis à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions.

« Ils sont pénalement responsables des actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions et qualifiés crimes ou délits au moment où ils ont été commis. Leur responsabilité ne peut être mise en cause à raison de leur inaction que si le choix de ne pas agir leur est directement et personnellement imputable.

« Ils sont poursuivis et jugés devant les formations compétentes, composées de magistrats professionnels, de la cour d’appel de Paris.

« Le ministère public, la juridiction d’instruction ou toute personne qui se prétend lésée par un acte mentionné au deuxième alinéa saisit une commission des requêtes comprenant trois magistrats du siège à la Cour de cassation, dont l’un préside la commission, deux membres du Conseil d'Etat et deux magistrats de la Cour des comptes. La commission apprécie la suite à donner à la procédure et en ordonne soit le classement, soit la transmission au procureur général près la cour d’appel de Paris qui saisit alors la cour.

« La loi organique détermine les conditions d’application du présent article. »

Les ministres sont non seulement responsables politiquement devant l’Assemblée nationale (articles 49 et 50 de la Constitution), mais aussi pénalement. Pour les crimes et délits commis en dehors de l’exercice de leurs fonctions, ils le sont comme n’importe quel citoyen devant les juridictions ordinaires, c’est-à-dire le Tribunal correctionnel pour les délits et la Cour d’assises pour les crimes. Mais les crimes et délits commis dans l’exercice de leurs fonctions sont jugés par une juridiction spéciale : la Cour de justice de la République. Ainsi ils bénéficient d’un privilège de juridiction qui est sensé les mettre à l’abri de procédures abusives.

Dans un climat de critique et de contestation de la classe politique, la suppression de la Cour de justice de la République paraissait nécessaire. D’autant plus que sa composition : douze parlementaires et trois magistrats du siège à la Cour de cassation, dont l’un préside la Cour, pouvait laisser penser que la juridiction était taillée sur mesure au bénéfice des ministres.

Cette suppression était déjà proposée dans le rapport de la Commission Jospin en 2012 et plus récemment en 2015 dans le rapport Bartolone-Winock.

Le projet de loi constitutionnelle précise que les ministres seront jugés pour les crimes et délits commis dans l’exercice de leurs fonctions par la Cour d’appel de Paris.

Comme le constate le Conseil d’Etat dans son rapport, « Le recours à un juge de premier et dernier ressort, s’il prive la personne poursuivie de la possibilité de faire appel, permet de traiter plus rapidement ces affaires, alors qu’une longue procédure pourrait avoir un effet déstabilisant sur l’ensemble du Gouvernement ».

Toutefois la commission des requêtes comprenant trois magistrats du siège à la Cour de cassation, dont l’un préside la commission, deux membres du Conseil d’État et deux magistrats de la Cour des comptes continue à jouer son rôle de filtre afin d’éviter des poursuites abusives ou dictées par des considérations partisanes.

2.3 La nomination des membres du parquet

Article 12 du projet de loi constitutionnelle

L’article 65 de la Constitution est ainsi modifié :

1° Le cinquième alinéa est remplacé par un alinéa ainsi rédigé :

« Les magistrats du parquet sont nommés sur l’avis conforme de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du parquet. » ;

2° La première phrase du septième alinéa est remplacée par une phrase ainsi rédigée :

« La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du parquet statue comme conseil de discipline des magistrats du parquet. »

Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), prévu par l’article 65 de la Constitution a fait l’objet de nombreuses révisions constitutionnelles abouties ou non. Celles de 1993 et de 2008, avaient accru les prérogatives du Conseil supérieur de la magistrature à l’égard des magistrats du parquet. En 2013, le projet de loi constitutionnelle relatif à la justice, qui avait été adopté dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale et par le Sénat, mais que le Congrès n’avait jamais examiné, contenait déjà une mesure semblable à celle que propose le projet de loi constitutionnelle, à savoir la nomination des magistrats du parquet sur l’avis conforme de la formation compétente du CSM. Celle-ci statuera également à leur égard comme conseil de discipline.

Le régime de nomination et de sanction des magistrats du parquet se rapproche ainsi de celui des magistrats du siège. Ainsi, ceux-ci sont nommés sur avis conforme de la formation compétente à leur égard, mais en ce qui concerne les nominations des magistrats de la Cour de cassation, des premiers présidents de cour d’appel et des présidents de tribunal de grande instance la formation compétente ne fait qu’émettre des propositions pour les nominations qui ne doivent pas nécessairement être suivies par le Président de la République.

L’indépendance des magistrats du parquet est ainsi renforcée, même s’ils peuvent notamment recevoir des instructions de politique pénale, de la part du Ministre de la justice sous l’autorité duquel il reste placé et ce en vertu de l’article 20 de la Constitution prévoyant que « le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation ».

3 LES PROPOSITIONS RELATIVES AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

La révision constitutionnelle de 2003 avait apporté aux collectivités territoriales des avancées non négligeables. Le projet de loi constitutionnelle les prolonge et les approfondit.

3.1 Les collectivités territoriales en général

L’article 15 du projet de loi constitutionnelle introduit un droit à la différenciation pour les collectivités territoriales en permettant à certaines communes, départements ou régions, y compris d’outre-mer, d’exercer des compétences, en nombre limité, dont ne disposent pas l’ensemble des collectivités de la même catégorie à condition qu’elles ne mettent pas en cause les conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique ou d'un droit constitutionnellement garanti. C’est la loi qui autorise cette possibilité dans le cadre d’une loi organique qui en précisera les conditions.

Pour le Conseil d’Etat ces dispositions permettent de « donner son effectivité au principe de subsidiarité énoncé au deuxième alinéa de l’article 72 » il ajoute « la limitation du nombre de compétences qui peuvent être attribuées à une même collectivité préserve la cohérence de l’article 72 de la Constitution et de son titre XII ».

De manière symétrique, mais inverse ce même article 15 permet aux collectivités territoriales et à leurs groupements, de déroger pour un objet limité aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l’exercice de leurs compétences lorsque la loi ou le règlement le prévoit à condition qu’elles ne mettent pas en cause les conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique ou d'un droit constitutionnellement garanti. Il est à noter que cette dérogation peut être décidée, éventuellement, après l’expérimentation déjà prévue à l’article 72.

3.2 La Corse

Article 16 du projet de loi constitutionnelle

Après l’article 72-4 de la Constitution, il est inséré un article 72-5 ainsi rédigé :

« Art. 72-5. – La Corse est une collectivité à statut particulier au sens du premier alinéa de l’article 72.

« Les lois et règlements peuvent comporter des règles adaptées aux spécificités liées à son insularité ainsi qu’à ses caractéristiques géographiques, économiques ou sociales.

« Sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d'exercice d’une liberté publique ou d'un droit constitutionnellement garanti, ces adaptations peuvent être décidées par la collectivité de Corse dans les matières où s'exercent ses compétences et si elle y a été habilitée, selon le cas, par la loi ou le règlement. Ces adaptations sont décidées dans les conditions prévues par la loi organique. »

L’article 16 du projet de loi constitutionnelle reconnait à la Corse le statut de collectivité à statut particulier au sens du premier alinéa de l’article 72. Elle figurera dans la Constitution dans un article 72-5, soit avant les départements et régions d’outre-mer (article 73) et les collectivités d’outre-mer (article 74), la Corse a ainsi vocation à s’en distinguer et à disposer d’un statut de moindre autonomie.

Ce statut lui permettra de bénéficier de règles de droit posées par une loi ou des règlements, adaptées à ses spécificités liées à l’insularité et aux caractéristiques géographiques, économiques ou sociales de la Corse. Elles ne pourront cependant porter atteinte au principe d’égalité entre les personnes auxquelles elles s’appliquent, ni mettre en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti.

L’adaptation des règles de droit aux spécificités de la Corse pourra à l’inverse être fixée par la collectivité elle-même si elle y est habilitée par la loi ou le règlement à condition qu’il ne soit pas porté atteinte aux conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti.

Mais cela ne sera possible que dans les matières où la Collectivité Corse est compétente ce qui exclut une habilitation dans un domaine relevant de la compétence de l’Etat, des communes ou de leurs groupements.

3.3 Les départements et régions d’outre-mer

Les régions et département d’outre-mer à l’exception de la Réunion ont la possibilité de fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi et énumérées par la Constitution. Encore faut-il qu’elles soient habilitées par la loi ou le règlement.

Le projet de loi constitutionnelle précise que cette habilitation pourra être donnée uniquement par décret en conseil des ministres après avis du Conseil d’Etat. Cependant, les actes pris dans le domaine de la loi sont ratifiés par le Parlement dans les vingt-quatre mois suivant l’habilitation, à peine de caducité.

« Représentativité, responsabilité, efficacité. Telles sont donc les lignes directrices de la révision constitutionnelle qui est soumise à la Représentation nationale ». C’est en ces termes que la réforme est présentée par le Gouvernement. Il semble que les lois qui la portent vont bien dans cette triple direction. Mais qu’adviendra -t-il de ces textes après leur discussion par les deux assemblées. Dans quelle mesure seront-ils modifiés, dans quelle mesure seront-ils adoptés ?

Auteur(s) :

FERRETTI Raymond

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