Le domaine des collectivités territoriales

Modifié le 16 mai 2023

Famille :

Les concours de la FPT

Par François Dietsch et François Meyer
Mise à jour par Karim Douedar : janvier 2019

L’activité des collectivités territoriales nécessite de disposer de biens meubles et immeubles. Il n’y a pas de raison pour qu’une collectivité territoriale ne possède pas comme l’Etat des propriétés dans les mêmes conditions que des particuliers. Mais les notions de service public et d’utilité publique nécessitent pour l’administration locale de satisfaire les besoins du public. Il faut que ces biens consacrés à ces activités présentent des caractères qui nécessitent un régime particulier. C’est ce qui amène les administrations locales à avoir un domaine public et un domaine privé.

1. Le domaine public

1.1. L’étendue du domaine public

1.1.1. Les critères du domaine public

Pendant longtemps, c’est la jurisprudence administrative qui a dégagé les critères d’identification des biens appartenant au domaine public.

Pour qu’un bien appartienne au domaine public, il devait être la propriété d’une personne publique. Après des débats fort longs il est admis que les établissements publics peuvent disposer d’un domaine public sauf si un texte spécifique en dispose autrement.

Ensuite l’appartenance d’un bien au domaine public supposait son affectation à l’utilité publique c’est-à-dire qu’il devait être affecté à l’usage direct du public ou affecté aux besoins d’un service public quelle que soit sa nature administrative ou industrielle et commerciale.

À ces critères nécessaires mais non suffisants venait s’ajouter celui de l’aménagement spécial, notion aux contours incertains mais utilisée pour éviter l’extension du domaine public. Depuis l’adoption du code général de la propriété des personnes publiques en 2006, la notion « d’aménagement spécial » a été remplacée par celle « d’aménagement indispensable ».

Par ailleurs, le domaine public peut se voir étendu par le bais de la théorie de la domanialité publique par accessoire. En effet, celle-ci est consacré par le nouveau code qui dispose que : « font également partie du domaine public les biens des personnes publiques qui, concourant à l'utilisation d'un bien appartenant au domaine public, en constituent un accessoire indissociable ». Ces liens physiques et fonctionnels permettent lorsqu’ils sont cumulés d’étendre le champ d’application du régime de la domanialité publique (talus, trottoirs, etc.)

1.1.2. La consistance du domaine public

Désormais, le code de propriété des personnes publiques définit les divers domaines publics. Le domaine public naturel est celui qui tire son origine de phénomène naturel. Sont maintenant codifiés et énumérés les domaines publics maritimes naturels ; fluvial naturels ; il en va de même pour le domaine public artificiel composé du domaine public maritime artificiel, du domaine public fluvial artificiel, des domaines publics routiers, ferroviaires, aéronautiques et hertziens.

1.1.3. Le voisinage du domaine public

Le domaine public peut évidemment avoir des rapports avec le voisinage et deux points méritent attention : la délimitation du domaine public et les charges de voisinage.

La délimitation est opérée unilatéralement par l’administration (pas d’action en bornage comme pour le domaine privé). La délimitation du domaine public naturel est un acte déclaratif et obligatoire ; les riverains ont un droit à la délimitation, auquel l’administration ne peut opposer un refus sans commettre une illégalité. Depuis l’arrêt du CE 12 octobre 1973, les limites du domaine public maritime sont celles qu’atteint le plus haut flot de l’année, en l’absence de perturbations météorologiques exceptionnelles. Concernant les cours d’eau domaniaux, l’administration constate la hauteur des eaux « coulant à plein bord avant de déborder », abstraction faite des crues exceptionnelles. La délimitation du domaine public artificiel (voies publiques par exemple) est opérée par la procédure de l’alignement (établissement d’un plan général aux effets importants – transfert de propriété pour les terrains non bâtis, servitude de reculement – puis d’arrêtés d’alignement qui viennent fixer à la demande du propriétaire la limite de la voie au droit de sa propriété).

Des charges de voisinage peuvent être prévues au profit du domaine public comme les servitudes administratives (servitudes non aedifi candi, servitude de passage le long du littoral…) mais aussi peuvent grever le domaine public (comme les aisances de voirie [droit d’accès, droit de vue, droit d’écoulement des eaux] pour les riverains d’une voie publique).

1.2. La gestion du domaine public

1.2.1. La protection du domaine public

Il s’agit de préserver le domaine public des atteintes qui peuvent lui être portées par ses utilisateurs.

Le régime de protection tend d’abord à garantir le maintien de l’affectation à l’utilité publique. Sont donc interdits les actes de disposition des biens du domaine public, lesdits biens étant inaliénables, imprescriptibles et insaisissables. Sont donc nulles les ventes ou échanges portant sur des parcelles du domaine public de même qu’est exclue la constitution de servitudes à la charge du domaine public. En outre un particulier ne saurait invoquer d’actions possessoires relativement à des biens du domaine public et l’expropriation n’est pas davantage envisageable.

L’inaliénabilité est toutefois relative. En effet, le bien devient aliénable s’il a été reconnu définitivement inutile au public ou au service public par une procédure préalable, c’est-à-dire à condition qu’il ait fait l’objet d’une décision expresse de déclassement. Si cette formalité est respectée la sortie du bien du domaine public et sa soumission au régime du droit commun est possible.

La protection du domaine public est également assurée par ce qui est appelé la police de la conservation. Les mesures prises dans ce but sont sanctionnées par un régime de contraventions de voirie (contraventions de voirie routière, qui relèvent de la juridiction judiciaire [atteinte à l’intégrité d’une voie] ; contraventions de grande voirie, qui relèvent de la juridiction administrative et se rapportent aux autres dépendances du domaine public).

Les poursuites sont conditionnées par l’existence d’un texte, déclenchées par l’établissement d’un procès-verbal de l’infraction et exercées contre la personne objectivement responsable de l’atteinte au domaine public.

L’administration chargée de la police et de la conservation est tenue de poursuivre et de saisir le juge compétent à savoir le juge administratif pour les contraventions de grande voirie.

Le tribunal pourra condamner le contrevenant à l’amende mais aussi exiger une réparation pécuniaire ou la remise en l’état des lieux.

1.2.2. L’utilisation du domaine public

À l’affectation du domaine public à l’utilité publique doit correspondre une utilisation conforme à cette affectation ou au moins compatible.

1.2.2.1. Utilisation collective du domaine public

Une administration ne peut en principe interdire cette utilisation commune (principe de liberté) mais elle peut la réglementer dans un but de police (redevances pour le stationnement des véhicules, réglementation de la circulation, réglementation des activités commerciales d’intérêt privé etc.). Elle doit respecter les principes d’égalité (mais possibilité par exemple d’emplacements réservés) de gratuité (mais possibilité de péages au surplus différenciés, stationnements payants).

1.2.2.2. Utilisation privative du domaine public

Cette occupation par une personne déterminée de dépendances du domaine public doit être conforme à l’utilisation principale du domaine, ou au moins compatible avec celle-ci.

Les utilisations privatives peuvent être soumises à deux régimes d’autorisation d’occupation précaire et révocable : un régime reposant sur un acte unilatéral, caractérisé par le permis de stationnement et la permission de voirie (terrasses de café sur les trottoirs, kiosques à journaux), et un régime fondé sur un contrat portant occupation du domaine public, la concession de voirie, qui, en vertu du décret-loi du 17 juin 1938, est un contrat administratif.

L’occupation privative est subordonnée sauf exceptions au paiement d’une redevance qui est en règle générale de caractère non fiscal. Les recettes publiques sont composées pour l’essentiel par des prélèvements obligatoires et pour une part infime par des prélèvements non obligatoires.

2. Le domaine privé

2.1. L’étendue du domaine privé

Comme indiqué à l’article L.2211-1 du code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP) : « font partie du domaine privé les biens des personnes publiques… qui ne relèvent pas du domaine public ». Toutefois, à cela s’ajoute depuis l’entrée en vigueur du code général de la propriété des personnes publiques une catégorie spéciale : celle du domaine privé par détermination de la loi, qui compte, notamment, les biens soumis au Code forestier, les chemins ruraux, et les « immeubles de bureaux » (article L.2211-1 du CGPPP).

Il y a donc les biens qui ne sont pas affectés à l’utilité publique donc ni à l’usage du public, ni à un service public (biens vacants et sans maître par exemple), ou encore des biens qui tout en ayant une affectation d’utilité publique ne satisfont pas au critère de l’aménagement indispensable lorsque sa présence est exigée ou des biens qu’un texte législatif a rangé dans cette catégorie (chemins ruraux en vertu du Code rural).

Figure dans le domaine privé les biens communaux c’est-à-dire ceux « à la propriété ou au produit desquels les habitants d’une ou plusieurs communes ont un droit acquis » (art 542 du code civil) ou encore les biens ruraux, les forêts domaniales, sources d’eau minérale, mobilier national.

L’administration pour constituer son domaine privé peut procéder par acquisitions à titre onéreux régis ou non par le code civil l’achat dans les mêmes conditions qu’un particulier sous réserve de l’observation de certaines formalités comme l’obtention de l’avis du service des domaines par exemple, la nationalisation, l’expropriation, l’exercice du droit de préemption conformément aux dispositions du Code de l’urbanisme ou à titre gratuit biens sans maître, successions tombées en déshérence, libéralités. Enfin par le biais du déclassement et de la désaffectation, un bien du domaine public peut tomber dans le domaine privé.

Le domaine privé est aliénable et prescriptible ; les dépendances du domaine privé peuvent donc être vendues ou échangées ou faire l’objet d’une usucapion par le jeu de la prescription trentenaire. Certaines aliénations sont réglementées, soumises à des dispositions particulières et doivent respecter certains principes (cf. principe d’incessibilité des biens au- dessous de leur valeur et le cas de la vente d’immeubles au franc symbolique autorisée si elle est assortie de contreparties suffisantes et effectuée dans un but d’intérêt général CE 3 nov 1997 Cne de Fougerolles).

Certaines restrictions existent : les forêts domaniales ne peuvent être vendues que sur le fondement d’un texte législatif et les biens mobiliers ne peuvent faire l’objet d’échanges.

2.2. La gestion du domaine privé

Les règles de gestion sont d’une manière générale celles du droit privé.

La délimitation du domaine privé est opérée selon la technique civiliste du bornage (pas d’alignement pour les chemins ruraux par exemple), les servitudes du droit privé sont applicables, la protection pénale du domaine privé relève du droit pénal et ne peut pas opérer par le biais de la contravention de grande voirie.

Mais dans la mesure où les biens du domaine privé appartiennent à une personne publique, ils sont insaisissables. Les dépendances du domaine privé peuvent être mises à la disposition de services publics qui ne relèvent pas de l’autorité maître du domaine ou à des particuliers ; l’utilisation privative se fera sur le fondement d’un acte unilatéral ou d’un contrat ; l’utilisateur est soumis au droit privé et les litiges relèvent en principe du juge judiciaire.

Il est en effet clairement affirmé que la gestion du domaine privé ne constitue pas un service public (CE 28 nov 1985 ONF c/ Abamonte).

Le contentieux de la gestion du domaine privé (actes, responsabilité) ressortit donc théoriquement à la compétence du juge judiciaire mais il y a de nombreuses exceptions :

  • actes unilatéraux détachables de la gestion du domaine privé (ex : décisions individuelles relatives à l’aliénation, acquisition, ou location de biens, décisions relatives à la gestion des chemins ruraux, délibération mettant fin à un bail de droit de chasse dans des bois communaux ainsi que toutes les décisions réglementaires relatives à la gestion comme les décisions réglementant la circulation sur les chemins ruraux, …) ;
  • actes contractuels qui contiennent des clauses exorbitantes ou font participer le cocontractant au service public, contrats relevant de la compétence du juge administratif en vertu de textes spéciaux (ventes des immeubles du domaine de l’État loi du 28 pluviôse an VIII, partage des biens communaux etc.) ;
  • en matière de responsabilité, le principe de la compétence du juge judiciaire connaît cependant des exceptions, ainsi pour les dommages nés de l’exécution ou de la mauvaise exécution de travaux publics en vertu du caractère attractif de la notion de travail public ou pour les dommages causés par un service public exercés sur le domaine privé (lutte contre l’incendie, par exemple).

 

Auteur(s) :

DIETSCH François  et MEYER François

Thématique(s) :

Tags :

Accès thématique

Accès famille

© 2017 CNFPT