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Les concours de la FPT

Par Frédéric ARCHER, docteur en droit privé et sciences criminelles, Maître de conférences H.D.R. Université Lille 2, Codirecteur de l'Institut de criminologie de Lille.
Dernière mise à jour : février 2019

 

La possession correspond à une apparence de propriété qui se manifeste comme un rapport de fait entre une chose et une personne par laquelle celle-ci a la possibilité d’accomplir sur le bien des actes qui, vu de l’extérieur, correspondent à l’exercice d’un droit. Outre le fait que la possession fasse présumer la propriété jusqu’à preuve du contraire, elle permet surtout d’acquérir la propriété si le possesseur n’est pas déjà propriétaire. Cependant, ce dernier effet ne s’applique pas de façon identique selon que le bien soit immeuble ou meuble. Lorsqu’il s’agit d’un bien immeuble, la notion de prescription acquisitive est centrale car, en ce domaine, la possession autorise l’acquisition du droit de propriété après l’expiration d’un certain délai. En revanche, en matière mobilière le possesseur va devenir immédiatement propriétaire, sous réserve du respect des conditions posées par la loi.

1. Possession immobilière

La prescription acquisitive est également appelée usucapion (étymologiquement : acquérir par l’usage). Elle permet au possesseur d’acquérir la propriété du bien par l’effet du temps.

Le délai de la prescription acquisitive varie, en matière immobilière selon que le possesseur est de bonne ou de mauvaise foi.

Fondement de ce système permettant au possesseur d’un bien immobilier d’acquérir la propriété du droit possédé par l’écoulement du temps : il n’est pas logique qu’une situation de fait (celle du possesseur) reste, de manière trop prolongée, éloignée d’une situation de droit (celle du propriétaire). La prescription acquisitive permet de réunir les deux sur une même personne. De plus, si pendant l’écoulement du délai, le véritable propriétaire n’a pas réagi en exerçant une action en revendication, sa négligence va justifier l’attribution de la propriété au possesseur.

Ce processus est subordonné au respect des conditions d’existence et d’efficacité de la possession mais aussi aux règles relatives à la définition exacte du délai nécessaire à la production des effets de droit.

1.1. Conditions relatives à la possession

  • la possession doit exister : elle doit bien réunir cumulativement le corpus (élément matériel) et l’animus (élément psychologique) ;
  • la possession doit également être efficace : on dit aussi qu’elle doit être utile (sous-entendu : pour acquérir le droit de propriété par le mécanisme de l’usucapion). Cette condition suppose donc une absence de vice. Concrètement la possession doit être continue, paisible, publique et non-équivoque.

1.2. Conditions relatives au délai

Le délai de la prescription acquisitive varie en fonction des situations.

  • Si le possesseur est de mauvaise foi, c’est-à-dire qu’il sait pertinemment qu’il n’est pas propriétaire du bien mais il en est possesseur : il accomplit des actes matériels sur le bien (corpus) et se comporte comme s’il en avait la propriété (animus) sans pour cela que sa possession soit viciée (sa possession doit être utile) : le délai est alors de 30 ans (on parle de prescription trentenaire). Il devra donc posséder le bien immeuble pendant trente ans en respectant l’ensemble des conditions d’existence et d’efficacité de la possession afin d’être en mesure d’acquérir le droit de propriété.
  • Si le possesseur est de bonne foi, c’est-à-dire qu’il est persuadé être propriétaire du bien alors qu’il n’en est en réalité que le possesseur. Il lui est possible de bénéficier d’une prescription abrégée, dont le délai est de 10 ans, à condition de pouvoir produire un juste titre. Il s’agit d’un acte qui, en lui-même aurait permis de transférer la propriété s’il n’avait pas été conclu avec un non-propriétaire.

1.3. Effets de la prescription acquisitive

La prescription acquisitive (trentenaire ou abrégée) permet au possesseur d’acquérir la propriété du bien possédé.

Attention : cet effet translatif n’est pas automatique. C’est donc au possesseur de s’en prévaloir par exemple lorsqu’il se défend face à une action en revendication engagée par le véritable propriétaire.

Concrètement : le véritable propriétaire s’aperçoit tardivement qu’une personne a pris possession de son bien. Il décide, pour le récupérer, d’engager une action en revendication. Le véritable propriétaire est demandeur, le possesseur étant le défendeur. Le possesseur va faire valoir l’acquisition du droit de propriété par la prescription acquisitive en justifiant sa possession pendant une durée suffisante.

Mais la prescription acquisitive a un effet rétroactif : dès qu’elle est reconnue en justice et que le droit possédé est transféré, le possesseur, devenu propriétaire du bien, est réputé l’être depuis l’origine.

Cet effet permet de valider juridiquement tous les actes pouvant avoir été réalisés par le possesseur pendant le temps de sa possession. Ceux-ci sont alors réputés avoir été conclus par le véritable propriétaire du bien.

La possession a également vocation à prouver le droit de propriété : le titre de propriété doit contenir l’historique des transmissions successives du bien pendant 30 ans pour être considéré comme une preuve fiable du droit de propriété. Ce délai est à rapprocher du délai de prescription trentenaire qui permet, même à un possesseur de mauvaise foi, d’acquérir le droit de propriété.

Le mécanisme de la prescription acquisitive permet donc de simplifier la preuve du droit de propriété en ce sens qu’il est inutile de remonter la chaîne des transmissions du bien jusqu’à sa création mais il suffit de restreindre cette recherche au délai de 30 ans.

2. Possession mobilière

La possession peut également concerner un bien meuble. Ce type de bien est transmis plus fréquemment mais aussi plus facilement qu’un bien immeuble. Il importe de pouvoir sécuriser les transactions mobilières afin de protéger l’acquéreur d’une action en revendication si certaines conditions sont réunies.

En matière mobilière, le possesseur acquière la propriété immédiatement sans avoir besoin d’attendre qu’un délai se soit écoulé.

Ce domaine du droit est essentiellement régi par l’article 2276 du Code civil : « en fait de meubles, la possession vaut titre ».

Face à cet effet d’acquisition immédiate de la propriété, le véritable propriétaire se trouve éliminé par rapport au possesseur qui prend sa place. Ce principe, selon lequel la revendication ne peut être exercée par le véritable propriétaire, suppose la réunion de certaines conditions et souffre d’une exception.

2.1. Le principe : l’absence de revendication par le véritable propriétaire

Pour mieux comprendre, il est préférable de présenter une situation concrète et de raisonner sur cette base.

L’application du principe suppose une relation à 3 personnes :

  • le véritable propriétaire (que l’on appellera : A) ;
  • le non-propriétaire vendeur du bien meuble (que l’on appellera : B) ;
  • un tiers acquéreur (que l’on appellera : C).

On suppose que A prête un bien meuble à B lequel le revend à C. C’est de bonne foi, il est convaincu que B était le véritable propriétaire du bien. Dans cette situation : A ne peut plus revendiquer son droit de propriété en justice et C devient propriétaire par l’effet de la possession mobilière.

Le législateur considère que le véritable propriétaire A doit assumer la malhonnêteté d’un cocontractant B qu’il a librement choisi.

Attention : ce principe suppose le respect de conditions :

Il s’applique uniquement si 4 conditions cumulatives sont réunies. A défaut, le véritable propriétaire sera en droit de revendiquer son bien en justice pendant un délai de 5 ans.

  • 1ère condition : la possession doit être exercée à titre de propriétaire

C’est le rappel d’une des conditions d’existence de la possession : l’animus.

Concrètement, dans notre situation, cela signifie que B ne peut jamais se prévaloir de cette règle pour acquérir le droit de propriété car il n’est que détenteur précaire (il tient la chose par l’effet d’un contrat de prêt).

  • 2ème condition : la possession doit être réelle et effective

Cette condition suppose une appréhension matérielle de la chose. Le possesseur C doit l’avoir entre ses mains.

  • 3ème condition : la possession doit être exercée de bonne foi

Le possesseur C doit être convaincu qu’il a acquis le bien du véritable propriétaire.

Le moindre doute suffit à écarter la bonne foi (ex. : un décalage important entre le prix de vente et la valeur réelle du bien).

  • 4ème condition : la possession doit être exempte de vice

On peut ici exclure le vice de discontinuité car l’acquisition de la propriété par la possession mobilière est instantanée. En revanche, la possession doit être paisible, publique et non-équivoque.

Donc si ces 4 conditions sont cumulativement réunies, le véritable propriétaire A ne peut pas revendiquer son bien à l’encontre de C. En revanche si l’une fait défaut il disposera d’un délai de 5 ans pour exercer son action en revendication.

Attention : l’application de ce principe est exclue pour les biens immeubles, les meubles incorporels, les trésors, les meubles immatriculés juridiquement (navires ou aéronefs) mais cette règle s’applique pour les véhicules automobiles car leur immatriculation n’est qu’administrative.

2.2. L’exception : la revendication possible pour le véritable propriétaire

Rappel : l’action en revendication demeure ouverte lorsque l’une des 4 conditions du principe n’est pas satisfaite.

L’exception au principe concerne des circonstances particulières : le vol ou la perte de la chose.

En effet, si la chose mobilière a été volée au véritable propriétaire ou si celui-ci l’a perdu, il dispose d’un délai de 3 ans, à compter du jour du vol ou de la perte, pour exercer son action en revendication.

Cette exception se fonde sur le caractère involontaire de la dépossession de la chose qui s’applique au vol ou à la perte.

2.3. La question d’un éventuel dédommagement en cas de réussite d’une action en revendication

  • 1ère hypothèse : si l’une des 4 conditions du principe n’est pas satisfaite, l’action en revendication est possible. La restitution de la chose au véritable propriétaire A se fait sans dédommagement direct du possesseur C. Ce dernier peut simplement agir contre son vendeur B.
  • 2ème hypothèse : en cas de perte ou de vol, si l’action en revendication réussit, le véritable propriétaire A devra dédommager le possesseur C à hauteur du prix que la chose lui a coûté mais uniquement si :

- le possesseur a acquis la chose de bonne foi ;

- et que le possesseur ait acquis la chose sur une foire, un marché, une vente publique ou chez un marchand vendant des choses identiques.

Dans ce cas précis, le véritable propriétaire A doit racheter sa propre chose au possesseur C si l’action en revendication réussit. Cet inconvénient majeur suppose que le bien ait une valeur sentimentale ou qu’il y ait eu mauvaise évaluation de la valeur réelle du bien.

Le véritable propriétaire A, qui subit donc un préjudice, peut agir contre le voleur ou le marchand B qui n’a pas vérifié la provenance de son stock.

  • 3ème hypothèse : en cas de perte ou de vol, le possesseur est de bonne foi mais la vente ne s’est pas réalisée sur une foire, un marché, une vente publique ou chez un marchand vendant des choses identiques. La restitution doit se faire sans dédommagement. Cette fois, c’est le possesseur C qui subit un préjudice, il est alors autorisé à agir contre son vendeur B.

2.4. La fonction probatoire de la possession mobilière

En matière mobilière, on retrouve la fonction probatoire de la possession vis-à-vis du droit de propriété.

Celui qui a la chose entre ses mains est présumé propriétaire sauf preuve contraire.

On peut par exemple établir qu’il a la chose entre ses mains par l’effet d’un contrat qui l’oblige à restitution, il n’est donc qu’un détenteur précaire.

Il peut encore être démontré qu’il y a certes possession mais que celle-ci est atteinte d’un vice et qu’elle est donc inefficace quant à l’acquisition du droit de propriété.

Sans preuve contraire le possesseur est présumé propriétaire du bien meuble.

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