Le projet de loi de financement de la sécurité sociale 2020

Modifié le 16 mai 2023

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Notions clés

Adopté en Conseil des ministres le 9 octobre dernier, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 (PLFSS 2020) a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 15 octobre et renvoyé à la Commission des affaires sociales. Après avoir été adopté en première lecture par les députés, le texte a été soumis au Sénat, le 4 novembre. Il a été rejeté dix jours plus tard. Le désaccord entre le Sénat et l’Assemblée nationale s’est encore manifesté le 19 novembre. La commission mixte paritaire (CMP, composée de sept sénateurs et sept députés) chargée de proposer un texte de compromis sur les dispositions restant en discussion n'est pas parvenue à un consensus. Le 3 décembre 2020, les députés ont adopté le texte définitivement par 347 pour contre 183 voix. Le Conseil constitutionnel a été saisi dès le lendemain par les sénateurs.

Les lois de financement de la sécurité sociale ont été créées par la loi constitutionnelle n° 96-138 du 22 février 1996 qui modifie les articles 34 et 39 de la Constitution et qui crée un nouvel article 47-1. Ces dispositions ont été précisées par la loi organique du 22 juillet 1996 qui elle-même a été modifiée par la loi organique relative aux lois de financement de la Sécurité sociale du 2 août 2005 (LOLFSS), complétée par la loi organique du 13 novembre 2010. Toutes ces dispositions organiques ont été intégrées dans le Code de la Sécurité sociale (articles L.O. 111-3 à L.O. 111-10-2).

La création des lois de financement de la sécurité sociale est l’aboutissement d’une extension progressive des compétences du Parlement en matière de sécurité sociale. Ainsi, la création de la contribution sociale généralisée (CSG), qui s’est progressivement substituée à des cotisations sociales a permis au Parlement d’intervenir dans le financement de la sécurité sociale.

Avant la création de la CSG, le champ de compétence du Parlement en matière de sécurité sociale, s'était déjà grâce au Conseil constitutionnel (décision n° 60-11 DC du 20 janvier 1961, confirmée par la décision n° 85-200 DC du 16 janvier 1986) qui avait reconnu la nature de « ressources et charges publiques » (au sens de l'article 40 de la Constitution) des cotisations et contributions sociales. Enfin, le volume important de ces finances sociales justifiait une intervention du Parlement en ce domaine.

Les lois de financement de la Sécurité sociale sont calquées sur les lois de finances de l’Etat, même si leur portée n’est pas la même. Ainsi les lois de financement n’ont pas pour objectif d’autoriser des dépenses et des recettes comme les lois de finances. Selon l’article 34 de la Constitution, « les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses » Elles ne sont qu’un instrument d'encadrement des dépenses de sécurité sociale et de pilotage de l’équilibre des comptes.

Le périmètre des lois de financement englobe les régimes obligatoires de base ainsi que les fonds concourant à leur financement.

Par régimes obligatoires de base il faut entendre, le Régime général, et ses quatre branches :  Maladie, maternité, invalidité et décès ; Accidents du travail et maladies professionnelles ; Vieillesse et veuvage ; Famille. Il faut ajouter au Régime général, la Mutualité sociale agricole (MSA). Quant aux fonds concourant à leur financement, il s’agit du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) et par extension, le Fonds de réserve pour les retraites (FRR), la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) et la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).

Mais sont hors du champ des lois de financement de la sécurité sociale les régimes complémentaires : l’Association générale des institutions de retraite des cadres (AGIRC) ; l’association des régimes de retraite complémentaires (ARRCO) ; l’institution de retraite complémentaire des agents non-titulaires de l’État (IRCANTEC). Est également en dehors du champ de la loi de financement de la sécurité sociale :  l’assurance chômage.

En raison de son contenu (2), la loi de financement de la sécurité sociale présente des formes particulières (1).

1. Formes

1.1. Présentation

Outre la loi proprement dite, la LFSS est nécessairement accompagnée de deux rapports ainsi que de plusieurs annexes.

1.1.1. La loi proprement dite

La loi de financement de la Sécurité sociale de l'année comprend quatre parties :

  • Une partie comprenant les dispositions relatives au dernier exercice clos. Elle est comparable, dans le domaine social, à la loi de règlement du budget de l’Etat.
  • Une partie comprenant les dispositions relatives à l'année en cours. Cette deuxième partie permet de corriger les dispositions relatives à l’année en cours en tenant compte des prévisions mises à jour. Ainsi, elle est comparable à une loi de financement rectificative.
  • Une partie comprenant les dispositions relatives aux recettes et à l'équilibre général pour l'année à venir.  Selon l’article LO 111-3 du Code de la sécurité sociale : Elle « détermine (…) de manière sincère, les conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale, compte tenu notamment des conditions économiques générales et de leur évolution prévisible. » Elle comporte notamment des tableaux d’équilibre présentant recettes, objectifs de dépenses et soldes pour tous les régimes de base de sécurité sociale ou pour le seul régime général, par branche ou pour l’ensemble. Les différentes catégories de recettes sont retracées dans cette section, qui s’apparente ainsi à ce qu’est pour l’Etat la première partie des lois de finances.
  • Une partie comprenant les dispositions relatives aux dépenses pour l'année à venir. Elle décrit les prévisions de dépenses et les dispositions les affectant. Elle ressemble, à la deuxième partie des lois de finances.

La loi de financement de la sécurité sociale regroupe ainsi, les fonctions remplies par les trois catégories de loi de finances : loi de finances de l’année (3° et 4° partie), loi de finances rectificative (2° partie) et loi de règlement (1° partie). Neufs annexes et trois rapports joints, complètent l’information du Parlement. Des lois de financement rectificatives de la sécurité sociale (LFRSS) peuvent en cours d’année corriger l’équilibre attendu ou décider de mesures nouvelles.

1.1.2. Les trois rapports gouvernementaux

Prévus initialement au nombre de deux par la LOLFSS, ils sont désormais depuis la Loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques au nombre de trois.

A la différence des annexes au PLFSS, de nature informative que l’on évoquera plus tard, les rapports dont il est ici question ici, même s’ils sont désignés par la LOLF par les termes d’Annexe A, B, C sont formellement adoptés par le Parlement, à l’occasion du vote de trois articles du projet de loi.

ANNEXE A

C’est un rapport retraçant la situation patrimoniale, au 31 décembre 2018, des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit et décrivant les mesures prévues pour l’affectation des excédents et la couverture des déficits constatés pour l’exercice 2018.        L’annexe A est votée à la fin de la première partie.

ANNEXE B

C’est un rapport décrivant les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses par branche des régimes obligatoires de base et du régime général, les prévisions de recettes et de dépenses des organismes concourant au financement de ces régimes ainsi que l’objectif national des dépenses d’assurance-maladie pour les quatre années à venir.

Ce rapport est voté au début de l’examen de la troisième partie du projet de loi de financement.

ANNEXE C

C’est un état des recettes, par catégorie et par branche, des régimes obligatoires de base et du régime général ainsi que des recettes, par catégorie, des organismes concourant au financement de ces régimes.

1.1.3. Les annexes

Le Code de la Sécurité sociale prévoit dans son article LO 111-4. II, l’existence des dix annexes suivantes :

- ANNEXE 1 : Programmes de qualité et d'efficience (PQE) relatifs aux dépenses et aux recettes de chaque branche.

Ce sont des équivalents des Projets annuels de performance (PAP) annexés au Projet de loi de finances. Ils permettent d’apprécier les résultats des politiques de sécurité sociale au regard des objectifs qui leur sont assignés et de juger de l’adéquation des mesures proposées dans le PLFSS de l’année au contexte économique, démographique, sanitaire et social, à l’aide d’indicateurs quantitatifs.

- ANNEXE 2 : Objectifs de gestion et moyens de fonctionnement des organismes

Cette annexe présente, les objectifs pluriannuels de gestion et les moyens de fonctionnement dont les organismes des régimes obligatoires de base disposent pour les atteindre. Elle a également pour objet, de rendre compte des mesures de simplification en matière de recouvrement des recettes et de gestion des prestations de la sécurité sociale.

- ANNEXE 3 : Mise en œuvre de la loi de financement de l'année en cours ;

Ce document présente les articles de la LFSS, leur origine, ainsi que les mesures d’applications prises, notamment par voie règlementaire.

-  ANNEXE 4 : Recettes des régimes de Sécurité sociale par catégorie et par branche ;

L’annexe présente non seulement les évolutions de recettes, dépenses et soldes des régimes et organismes contribuant à leur financement, mais également des éléments d’analyse permettant de mieux appréhender ces évolutions.

- ANNEXE 5 : Mesures d'exonération de cotisations sociales et compensation financière ;

Cette annexe, identifie les dispositifs dérogatoires relatifs aux cotisations et contributions sociales assises sur les revenus d’activité du secteur privé. Ces dispositifs se présentent, pour la plupart, sous la forme d’une part d’exonérations, c’est-à-dire la réduction totale ou partielle des montants dus, le plus souvent par réduction des taux ou application d’un abattement, ou d’autre part d’exemptions, totales ou partielles, de l’assiette sur laquelle les prélèvements sont dus.

- ANNEXE 6 : Champs d'intervention respectifs de la Sécurité sociale et de l'Etat ;

Ce document décrit les mesures ayant affecté les champs respectifs d’intervention de la sécurité sociale, de l’Etat et des autres collectivités publiques, ainsi que l’effet de ces mesures sur les recettes, les dépenses et les tableaux d’équilibre de l’année des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, du régime général et des organismes concourant au financement de ces régimes.

- ANNEXE 7 : Périmètre de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie et sa décomposition en sous-objectifs

L’ONDAM est un outil destiné à maîtriser les dépenses de l’assurance maladie. Il s’agit de l’objectif de dépenses à ne pas dépasser en matière de soins de ville, d’hospitalisation et de médico-social. Il est décliné en six sous-objectifs qui peuvent être modifiés par le Parlement. Cette annexe précise le montant de l’ONDAM et de ses sous- objectifs ainsi que son évolution.

- ANNEXE 8 : Fonds de financement et des organismes ou fonds financés par des régimes obligatoires de base

L’annexe précise les comptes de l’ensemble des organismes de financement de la sécurité sociale ou financé par elle : Fonds de solidarité vieillesse (FSV), Fonds de réserve pour les retraites (FRR), Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), Fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie (FONDS CMU-C), Fonds d’Indemnisation des Victimes de l’Amiante (FIVA), Fonds de cessation anticipée des travailleurs de l’amiante (FCAATA), Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux (ONIAM), Agence nationale du Développement Professionnel Continu (ANDPC), Fonds pour la Modernisation des Etablissements de Santé Publics et privés (FMESPP), Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie (CNSA), Fonds d’intervention régional (FIR), Agence de la biomédecine (ABM) Institut National de la Transfusion Sanguine (INTS), Établissement Français du Sang (EFS), Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH), Centre National de Gestion (CNG), Ecole des Hautes Études en Santé Publique (EHESP), Agence Nationale d’Appui à  la Performance (ANAP), GIP Agence des Systèmes d’Information Partagés de Santé (ASIP Santé),  Haute autorité de santé (HAS).

- ANNEXE 9 : Fiches d’évaluation préalable des articles du projet de loi

Cette annexe analyse chacun des articles du PLFSS, en précise les contours et la portée ainsi que les impacts.

HAUT CONSEIL DU FINANCEMENT DE LA PROTECTION SOCIALE

Des notions de risque/branche/régime/organisme complexes et imbriquées

Le « RISQUE » définit le champ d’intervention des prestations versées afin de protéger les assurés des conséquences de divers évènements ou situation. On distingue à ce titre 9 risques : maladie, maternité, invalidité, décès, accidents du travail et maladie professionnelles, vieillesse, veuvage, famille. Pour chacun de ces risques existe un ensemble de prestations, en nature ou en espèces, obéissant à un ensemble de règles précisées dans le code de la sécurité sociale. HCFiPS Les LFSS : bilan et perspectives Novembre 2019

La « BRANCHE » traduit l’organisation institutionnelle de la sécurité sociale, structurée en cinq branches : maladie, AT-MP, retraite, famille, et recouvrement. Les agrégats financiers votés par le Parlement sont présentés pour chacune des quatre premières branches, le statut de la branche recouvrement étant à ce titre atypique (elle gère la collecte des cotisations et contributions pour le compte des 4 autres branches, ainsi que la trésorerie, et son résultat comptable net, relatif aux coûts de cette collecte, est retracé dans les comptes des autres branches). Dans les faits, une branche peut gérer plusieurs risques : la branche maladie gère notamment les risques maladie, maternité, invalidité et décès, tandis que la branche retraite gère notamment les risques retraite et veuvage.

Le « REGIME » reflète le champ de la population couverte pour chacun de ces risques. Historiquement, les régimes étaient construits sur une base professionnelle, ne regroupant que les cotisants et les ayants-droits appartenant à une même profession ou un même secteur. La création du régime général en 1946 visait alors à élargir la population couverte au sein d’un seul et même « régime », les régimes préexistants étant fondus au sein de ce régime ou appelés à l’être. Même si les principes fondamentaux sont assez proches d’un régime à l’autre, chaque régime se distingue par un ensemble de règles qui lui sont propres et qui le distinguent des autres régimes. Dans les faits, certains régimes gèrent eux-mêmes les quatre ou cinq branches évoquées (régime général, régime des salariés agricoles, régime des exploitants agricoles), mais d’autres ne s’occupent que d’une ou deux branches. La branche vieillesse est celle pour laquelle subsiste le plus grand nombre de régimes différents.

Les « ORGANISMES » reflètent l’organisation juridique de la sécurité sociale. Ils gèrent une ou plusieurs branches, pour le compte d’un ou plusieurs régimes. Ils disposent généralement d’un maillage territorial (caisses locales) sous la responsabilité d’un organisme national. Dans les faits, un seul et même organisme peut être en charge de l’intégralité d’un régime, voire de plusieurs régimes (la MSA s’occupe du régime des salariés agricoles et du régime des exploitants agricoles), mais un régime peut être géré par plusieurs organismes/réseaux (le régime général par exemple), et un organisme peut gérer plusieurs risques et plusieurs branches (la CNAM gère les branches maladie-maternité-invalidité et une partie des accidents du travail – maladies professionnels du régime général par exemple).

Extraits du Rapport du HCFiPS novembre 2019

1.2. Procédure

1.2.1. Le cadre de l’élaboration

1.2.1.1. La priorité à l’Assemblée nationale

Comme en matière budgétaire et contrairement à ce qui se passe en matière de loi ordinaire : « Les projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale sont soumis en premier lieu à l'Assemblée nationale ». (Article 39, Constitution 1958). Cette priorité à l’Assemblée nationale lui donne un avantage certain. C’est en effet, elle qui fixe la ligne que le Sénat ne pourra que modifier. Certes ce dernier pourrait modifier totalement le texte de l’Assemblée nationale. En réalité cette priorité qui est traditionnelle en France et pas seulement en France est un hommage rendu à la chambre qui représente le peuple, car élue au suffrage universel direct.

1.2.1.2. Les délais

Comme en matière budgétaire, le Gouvernement doit respecter un délai relatif au dépôt du projet de loi de financement. En effet, le texte ainsi que les rapports et annexes doit être déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 15 octobre au plus tard ou, si cette date est un jour férié, au premier jour ouvrable qui suit (article LO 111-6 du Code de la sécurité sociale).

A ce délai de dépôt s’ajoutent des délais d’examen. L’article 47-1 de la Constitution a été calqué sur celui qui le précède, et qui impose des délais d’examen s’agissant de la loi de finances de l’année. Simplement les délais concernant la loi de financement de la sécurité sociale sont plus courts. L’Assemblée nationale dispose en effet de vingt jours en première lecture et le Sénat de quinze jours. A ces délais de première lecture s’ajoute un délai général ou global qui s’applique au Parlement tout entier et à l’ensemble des lectures, il est de cinquante jours.

Si le délai de dépôt n’est pas sanctionné, puisqu’ aucun expédient en cas de dépôt tardif n’est prévu, contrairement à ce qui se passe en matière budgétaire, par contre les délais d’examen par le Parlement le sont selon un système très proche de celui mis en place pour les lois de finances de l’Etat.

Les délais de première lecture sont sanctionnés par le dessaisissement d’une l’assemblée au profit de l’autre. Quant au délai global il est sanctionné par le dessaisissement du Parlement au profit du Gouvernement. En d’autres termes, « les dispositions du projet peuvent être mises en œuvre par ordonnance ». Ces ordonnances prévues par l’article 47-1 de la Constitution sont l’exacte réplique des ordonnances budgétaires de l’article précédent. Comme elles, aucun Gouvernement n’y a eu recours.

1.2.1.3. Le vote

Le texte examiné par l’Assemblée nationale n’est pas, contrairement à la nouvelle règle introduite par la révision constitutionnelle de 2008 qui s’applique aux projets de lois ordinaires, celui qui a été modifié par la Commission des affaires sociales, mais le texte original déposé par le Gouvernement. L’article 42 de la Constitution rapproche sur ce point le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Ce rapprochement vaut également pour ce qui est de l’ordre dans lequel les différents votes interviennent. Ainsi, l’article L.O. 111-7-1 du Code de la sécurité sociale précise que la quatrième partie du projet de loi de financement de l’année comprenant les dispositions relatives aux dépenses pour l’année à venir, ne peut être mise en discussion avant l’adoption de la troisième partie comprenant les dispositions relatives aux recettes et à l’équilibre général pour la même année. De plus, l’ONDAM, bien que décomposé au moins en six sous-objectifs, fait l’objet d’un vote unique. Chaque objectif de dépenses par branche, décomposé le cas échéant en sous-objectifs, fait l'objet d'un vote unique portant sur l'ensemble des régimes obligatoires de base de Sécurité sociale et sur le régime général.

Les recettes sont présentées par branche (et non plus par catégorie, comme c'était le cas avec la loi organique de 1996) et se traduisent au travers des soldes des tableaux d'équilibre. Ces derniers font l'objet de votes distincts selon qu'il s'agit de l'ensemble des régimes obligatoires de base, du régime général ou des organismes concourant au financement de ces régimes.

1.2.2. Les pouvoirs d’élaboration

1.2.2.1. Une initiative parlementaire limitée

L’initiative des parlementaires en matière législative peut prendre deux formes. Soit elle est globale, elle se traduit alors par une proposition de loi, c’est-à-dire un texte complet et premier. Soit elle est partielle et secondaire. Elle prend la forme d’un amendement. C’est-à-dire une proposition visant à modifier un article d’un texte de loi en discussion de loi. Ce qui est possible en matière législative générale ne l’est pas dans le domaine financier. Ainsi, l’initiative parlementaire dans le domaine budgétaire de l’Etat comme dans le domaine des finances de la sécurité sociale est limitée.

Pour ce qui est de l’initiative globale, elle n’existe pas en ce qui concerne la sécurité sociale. En effet seuls des projets de loi de financement de la sécurité sociale existent. Nulle part dans la Constitution comme dans la LOLFSS il n’est question de proposition de loi de financement de la sécurité sociale. Il faut donc en conclure que l’initiative globale parlementaire en ce domaine n’existe pas comme d’ailleurs en matière budgétaire de l’Etat.  

Quant à l’initiative partielle et secondaire, elle existe, mais elle est strictement encadrée. En premier lieu sont interdits les amendements qui aurait pour conséquence l’augmentation ou de la diminution des charges et des ressources. C’est l’article 40 de la Constitution qui interdit les propositions et les amendements qui auraient « pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique. ». Le Conseil constitutionnel a confirmé dans sa décision du 16 juillet 1996 DC-96-379 que les charges et les ressources de la sécurité sociale avaient bien un caractère public.

Cependant, le législateur organique a transposé, à l'occasion de la loi du 2 août 2005 (LOLFSS), le dispositif prévu par la LOLF. L'article LO 111-7-1 du Code de la sécurité sociale précise en effet qu’ « au sens de l'article 40 de la Constitution, la charge s'entend, s'agissant des amendements aux projets de loi de financement de la Sécurité sociale s'appliquant aux objectifs de dépenses, de chaque objectif de dépenses par branche ou de l'objectif national de dépenses d’assurance maladie ». Ce dispositif permet aux parlementaires de présenter des amendements majorant le montant d'un ou de plusieurs sous-objectifs inclus dans un objectif, à condition de ne pas augmenter le montant de celui-ci.

En second lieu, l’interdiction des « cavaliers sociaux » vient limiter le droit d’amendement des parlementaires dans ce domaine.

L’article LO 111-3 III du Code de la sécurité sociale interdit les dispositions qui seraient étrangères à l’objet des lois de financement. Aussi, seuls les amendements « affectant directement l'équilibre financier des régimes obligatoires de base ou améliorant le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale » sont possibles. Le même article ajoute que  «  Les amendements non conformes aux dispositions du présent article sont irrecevables » On est là en présence d’une disposition qui est proche de celle mise en place par l’article 47 de la LOLF qui a pour effet d’interdire les cavaliers budgétaires. Toutefois pour être plus sûr encore d’éviter les cavaliers « sociaux » le texte ajoute que « Tout amendement doit être accompagné des justifications qui en permettent la mise en œuvre. »

1.2.2.2. Un pouvoir d’adoption non spécifique

Discuté et modifié dans la mesure que l’on vient de voir, le projet de loi de financement de la sécurité sociale est adopté par le Parlement. Ce pouvoir d’adoption ne présente pas de particularités fortes dans le domaine des finances sociales.

En effet, dans ce domaine comme en matière de loi ordinaire le dernier mot peut être donné à l’Assemblée nationale privant ainsi le Sénat de son pouvoir d’adoption (article 45, Constitution).  Cependant ce dernier mot peut être demandé plus ou moins rapidement. En principe ce n’est qu’après deux lectures dans chaque assemblée sans qu’un texte identique n’ait été adopté que le Premier ministre peut demander la réunion de la Commission mixte paritaire (CMP) et en l’absence d’un accord à ce niveau, le dernier mot sera donné à l’Assemblée nationale après une dernière lecture dans chaque assemblée. Toutefois si la procédure accélérée est décidée, la convocation de la Commission mixte paritaire est possible après une seule lecture dans chaque chambre. Or lorsqu’il s’agit d’une loi de financement de la sécurité sociale, la procédure accélérée est de droit. (Article LO 111-7 Code de la sécurité sociale)

En outre, la possibilité pour le Gouvernement de recourir à l’article 49-3 de la Constitution (engagement de responsabilité sur le vote d’un texte) a été maintenue sans limitation pour le vote d’un projet de loi de financement de la Sécurité sociale.

2. Contenu

La loi de financement de la sécurité sociale, contrairement aux lois de finances n’autorise pas les recettes, elle ne fait que les prévoir. C’est là une différence de taille entre les deux instruments financiers.

2.1. Recettes

En 2019, leur progression devrait ralentir (+ 2,4 % après + 2,8 % en 2018), en raison essentiellement des mesures nouvelles de baisse de prélèvements obligatoires. En 2020, les recettes des administrations de sécurité sociale (ASSO) devraient s’élever à 649,8 Md€, elles progresseront légèrement (+ 2,6 %).

Les recettes des régimes de sécurité sociale se décomposent en huit grandes catégories : les cotisations, la CSG, les prises en charge de cotisations par l’Etat, les recettes fiscales, diverses contributions sociales, les transferts (prises en charge de cotisations et de prestations par des organismes tiers, tels que la CNSA ou le FSV), les produits financiers et les autres produits.   

RECETTES DES ADMINISTRATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE (ASSO)

(en milliards d’euros)

Année 20182019 (PLF)2019 (révisé)2020 
Régime général + Fonds de solidarité vieillesse 416,8 442,3 438,2 448,8  
 Unedic37,939,239,10 40,0  
Régimes complémentaires 104,1 109,3108,2 111,9  
Cades 18,2 18,5 18,719,2  
Fonds de réserve pour les retraites (FRR) 0,8 0,9 0,8 0,8 
Organismes divers de sécurité sociale 98,2 98,3 101,4101,3  
Total ASSO626,5 644,3 633,3 649,8  

En 2018, les cotisations constituent encore la part la plus importante des recettes de la sécurité sociale : elles représentent 53% de l’ensemble des produits reçus par les régimes de base. La part de la CSG s’établit à 23%, et celle des impôts, taxes et autres contributions sociales à 11%.

2.1.1. Les cotisations sociales

Ce sont des prélèvements obligatoires qui ouvrent droit à des prestations fournies par un régime obligatoire de sécurité sociale et qui contribuent au financement de ces prestations.

C’est la loi qui détermine les principes fondamentaux de leur assiette et le règlement qui fixe leur taux. Une part de ces cotisations est à la charge des employeurs, et l’autre, à la charge des salariés.

L’employeur verse la totalité des cotisations dues (part patronale et part salariale) à l’organisme de recouvrement du régime (ex : union de recouvrement des cotisations de Sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) pour le régime général, caisse de la mutualité sociale agricole pour les régimes agricoles).

2.1.2. La contribution sociale généralisée (CSG)

La CSG est un prélèvement opéré sur l’ensemble des revenus. Elle finance les régimes d’assurance maladie, la branche famille mais aussi le Fonds de solidarité vieillesse (FSV), la CNSA, la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) et l’Unedic.

La CSG sur les revenus d’activité et de remplacement est prélevée à la source par les organismes de recouvrement des cotisations sociales. Celle perçue sur les revenus du patrimoine, les produits de placement et les sommes engagées ou produits réalisés à l’occasion des jeux est recouvrée par l’administration fiscale.

2.1.3. Les autres contributions, impôts et taxes

La Sécurité sociale perçoit d’autres impôts et taxes de toutes natures. Il s’agit notamment :

  • de la taxe sur les salaires ;
  • de la contribution sociale de solidarité des sociétés ;
  • d’une fraction de la TVA nette ;
  • des droits de consommation sur les tabacs, d’une fraction de la contribution     sur les boissons contenant des sucres ajoutés et sur les produits alimentaires ;
  • des taxes perçues sur l’industrie pharmaceutique (médicaments et dispositifs   médicaux) ;
  • des prélèvements opérés sur les jeux, concours et paris (y compris en ligne) ;
  • de la taxe sur les véhicules de société ;
  • de la contribution tarifaire d'acheminement du secteur de l'électricité et du gaz.

2.1.4. Les autres sources de financement

De plus les régimes de sécurité sociale reçoivent des transferts en provenance de l’Etat, mais aussi d’autres régimes de sécurité sociale. A ces transferts s’ajoutent de façon plus limitée d’autres produits, comme notamment le résultat des démarches de recours contre des tiers.

RECETTES, PAR CATÉGORIE ET PAR BRANCHE, DES RÉGIMES OBLIGATOIRES DE BASE ET DU RÉGIME GÉNÉRAL AINSI QUE DES RECETTES, PAR CATÉGORIE, DES ORGANISMES CONCOURANT AU FINANCEMENT DE CES RÉGIMES
 MaladieVieillesseFamilleAccidents du travail
 
Régimes de baseFonds de solidarité vieillesseRégimes de base et FSV
Cotisations effectives75,5141,231,114,1260,20,0260,2
Cotisations prises en charge par l’État2,02,50,60,15,20,05,2
Cotisations fictives d’employeur0,441,10,00,341,90,041,9
Contribution sociale généralisée73,00,012,30,084,917,1102,0
Impôts, taxes et autres contributions sociales62,122,26,50,090,90,090,9
Charges liées au non recouvrement-0,5-0,6-0,3-0,2-1,5-0,3-1,9
Transferts3,037,10,20,128,70,010,9
Produits financiers0,00,10,00,00,20,00,2
Autres produits5,30,50,60,56,90,06,9
RECETTES220,8244,151,015,0517,116,8516,2

2.2. Dépenses

La loi de financement de la sécurité sociale n’autorise pas les dépenses contrairement aux lois de finances, elle « fixe des objectifs de dépenses ».

En 2020, les objectifs de dépenses des ASSO atteindront 632,9 Md€. Elles devraient ralentir (+ 1,8 % après + 2,2 % en 2019) suivant ainsi le ralentissement des prestations sociales (+ 2,1 % après + 2,4 %).

DEPENSES DES ADMINISTRATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE (ASSO)

(en milliards d’euros)

Année 20182019 (PLF)2019 (révisé)2020
Régime général + Fonds de solidarité vieillesse 416,3 440,6 443,5 452,6 
Unedic39,4 38,5 40,6 39,6 
Régimes complémentaires 102,4 105,4 105,3108,2 
Cades 3,3 3,0 2,9 2,3 
Fonds de réserve pour les retraites (FRR) 2,8 2,8 2.6 2,6 
Organismes divers de sécurité sociale 98,1 100,9 97,7 100,3 
Total ASSO612,7624,1621,5632,9

Les pensions de retraite progresseront (+ 2,8 % après + 2,5 %) en raison de l’indexation à l’inflation des pensions de base pour les retraités touchant moins de 2 000 euros. A l’inverse, de substantiels efforts d’économies seront fait dans le cadre de l’assurance chômage. C’est pourquoi, les prestations chômage diminueront de 4,3 % par rapport à 2019. Conformément à la trajectoire fixée dans la loi de programmation des finances publiques, en 2020, le taux de progression de l’ONDAM sera de 2,3 % (après 2,5 % en 2019 et 2,3 % en LFSS 2018).

En 2020, les prestations familiales financées par la CNAF progresseront au même rythme qu’en 2019 et les prestations à la petite enfance continueront de baisser. Les dépenses entrant dans le champ de l’ONDAM progresseront de 4,4%.

2.3. Soldes

Contrairement aux attentes de la dernière loi de financement de la sécurité sociale concernant un probable retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale en 2019, le déficit du régime général avoisinera les 5,1 Md€.

La nouvelle « trajectoire » prévoit désormais un déficit de 5,4 Md€ en 2019, 5,1 Md€ en 2020, 4,1 Md€ en 2021 et 2,4 Md€ en 2022 pour le régime général (maladie, vieillesse, famille et accidents du travail) et le fonds de solidarité vieillesse (FSV). Une amélioration due au redressement de la branche maladie, qui reviendra à l’équilibre en 2022, et du FSV qui s’en rapprochera progressivement.

DÉCOMPOSITION DU SOLDE DES ADMINISTRATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE (ASSO)

(en milliards d’euros)

Année 20182019 (PLF)2019 (révisé)2020
Régime général + Fonds de solidarité vieillesse 0,6 1,7 – 5,4 – 5,1 
Unedic – 1,5 0,7– 1,5 0,4 
Régimes complémentaires 3,8 3,0 3,6 
Cades 14,9 15,5 15,815,7 
Fonds de réserve pour les retraites (FRR) – 2,0 – 1,9 – 1,8 – 1,8 
Organismes divers de sécurité sociale 0,1 0,5 0,6 1,0 
Total ASSO13,8 20,2 11,7 17,0
SOLDE DU REGIME GENERAL ET DU FSV EN 2020
Maladie-3,0
Accidents du travail et maladies professionnelles1,4
Famille0,7
Vieillesse-2,7
REGIME GENERAL-3,8
FSV-1,4
REGIME GENERAL + FSV-5,1

Source : Commission des finances de l’Assemblée nationale        

La famille et les accidents du travail resteront excédentaires durant toute la période, au prix d’un quasi-gel de leurs dépenses. En revanche, la branche vieillesse, plongera dans le déficit en 2019 (- 2,1 Md€) et s’enfoncera un peu plus chaque année (- 5,1 Md€ en 2023).

Le retour à l’équilibre est désormais attendu pour 2023 et l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) a été abaissé pour 2020. Il revient au taux de 2,3% (- 0,2 points par rapport à 2019). En tout, c’est 17 Md€ de déficits cumulés d’ici 2023 qui sont prévus.

Si les comptes du régime général et du fonds de solidarité vieillesse (FSV) se sont lourdement dégradés c’est en raison de la conjoncture économique qui s’est avérée moins bonne que prévu.  Mais surtout, ce sont les « mesures d'urgence » adoptées en réponse à la crise des « gilets jaunes » qui expliquent en grande partie la situation :  CSG réduite pour certains retraités et exonération des heures supplémentaires. Enfin, les prestations vieillesse ont été « plus dynamiques qu’anticipé », en raison du relèvement de l’âge légal et de l’augmentation de la durée de cotisation, décidés par les précédents gouvernements.

Privée de recettes et confrontée à une hausse imprévue de ses dépenses, l’assurance-retraite (FSV inclus) affiche ainsi le plus lourd déficit des quatre branches de la Sécu (avec la maladie, la famille et les accidents du travail).

On était proche du rétablissement de l’équilibre et on est revenu au temps des déficits. Même si l’on affiche un optimisme de façade, les perspectives ne sont pas bonnes. Deux plans « hôpitaux » se sont succédés en quelques semaines remettant en cause les promesses de retour à l’équilibre d’ici 2023.

Auteur(s) :

FERRETTI Raymond

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