Le parlement, dix ans après la dernière révision constitutionnelle

Modifié le 16 mai 2023

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Notions clés

La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a introduit ou a modifié 47 articles de la Constitution. Il s’agit de la dernière révision constitutionnelle, mais c’est aussi l’une des plus importantes de toute la Cinquième République. Elle a été complétée par dix lois organiques et cinq lois ordinaires sans compter les renvois aux règlements des assemblées parlementaires. Cette révision constitutionnelle ne concernait certes pas exclusivement le Parlement, mais le cœur de la réforme y était relatif puisqu’il s’agissait de renforcer le Parlement et notamment les fonctions qu’il exerce.

Aujourd’hui avec le recul de dix ans ont peut constater que les résultats ne sont pas nécessairement à la hauteur des espérances qu’a fait naitre en son temps cette loi constitutionnelle et c’est pourquoi il est question à nouveau de renforcer le Parlement dans des propositions qui sont élaborées à l’Assemblée nationale et au Sénat.

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La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a introduit ou a modifié 47 articles de la Constitution. Il s’agit de la dernière révision constitutionnelle, mais c’est aussi l’une des plus importantes de toute la Cinquième République. Elle a été complétée par dix lois organiques et cinq lois ordinaires sans compter les renvois aux règlements des assemblées parlementaires. Cette révision constitutionnelle ne concernait certes pas exclusivement le Parlement, mais le cœur de la réforme y était relatif puisqu’il s’agissait de renforcer le Parlement et notamment les fonctions qu’il exerce.

Aujourd’hui avec le recul de dix ans ont peut constater que les résultats ne sont pas nécessairement à la hauteur des espérances qu’a fait naitre en son temps cette loi constitutionnelle et c’est pourquoi il est question à nouveau de renforcer le Parlement dans des propositions qui sont élaborées à l’Assemblée nationale et au Sénat.

1. UNE RÉVISION QUI RENFORCE LES FONCTIONS DU PARLEMENT….

Ce sont les deux fonctions traditionnelles du Parlement qui sont renforcées par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, la fonction législative et la fonction de contrôle.

1.1. Le renforcement de la fonction législative

1.1.1. L’initiative : l’ordre du jour partagé

Depuis la révision de 2008, l’ordre du jour des assemblées qui jusque-là était fixé prioritairement par le gouvernement - ce qui permettait à ce dernier de monopoliser ce droit - l’est également par le Parlement presque à égalité.

Article 48 de la Constitution

Sans préjudice de l’application des trois derniers alinéas de l’article 28, l’ordre du jour est fixé par chaque assemblée.

Deux semaines de séance sur quatre sont réservées par priorité, et dans l’ordre que le Gouvernement a fixé, à l’examen des textes et aux débats dont il demande l’inscription à l’ordre du jour.

En effet, si le gouvernement dispose de deux semaines par mois, et le Parlement de deux semaines également, il faut souligner que des textes aussi importants que les projets de loi de finances, les projets de loi de financement de la sécurité sociale ainsi que les textes transmis par l’autre assemblée depuis six semaines au moins, les projets relatifs aux états de crise et les demandes d’autorisation d’intervention armée sont à la demande du Gouvernement, inscrits à l’ordre du jour par priorité. Tous ces textes, limitent ainsi la quinzaine dont disposent les parlementaires. De plus, une séance par mois a été attribuée à l’opposition.

1.1.2. La délibération

La loi constitutionnelle a également prévu que la discussion en séance d'un projet ou d'une proposition de loi ne peut intervenir en première lecture, devant la première assemblée saisie, qu'à l'expiration d'un délai de 6 semaines après son dépôt et devant la seconde assemblée saisie, qu'à l'expiration d'un délai de 4 semaines à compter de sa transmission. Ces délais permettent aux parlementaires de mieux préparer la délibération. Mais ils allongent bien sûr le calendrier législatif alors même que l’on se plaint des lenteurs du processus législatif.

Article 42.3 de la Constitution

« La discussion en séance, en première lecture, d’un projet ou d’une proposition de loi ne peut intervenir, devant la première assemblée saisie, qu’à l’expiration d’un délai de six semaines après son dépôt. Elle ne peut intervenir, devant la seconde assemblée saisie, qu’à l’expiration d’un délai de quatre semaines à compter de sa transmission.

« L’alinéa précédent ne s’applique pas si la procédure accélérée a été engagée dans les conditions prévues à l’article 45. Il ne s’applique pas non plus aux projets de loi de finances, aux projets de loi de financement de la sécurité sociale et aux projets relatifs aux états de crise. »

Certes le recours à la procédure accélérée fait gagner du temps puisqu’une seule lecture dans chaque assemblée permet de convoquer la Commission mixte paritaire. Dans ce cas le délai d’examen est ramené à 15 jours, mais les Conférences des présidents peuvent désormais s’opposer au recours à cette procédure.

Article 45.2 de la Constitution

Lorsque, par suite d'un désaccord entre les deux assemblées, un projet ou une proposition de loi n'a pu être adopté après deux lectures par chaque assemblée ou, si le Gouvernement a décidé d'engager la procédure accélérée sans que les Conférences des présidents s'y soient conjointement opposées, après une seule lecture par chacune d'entre elles, le Premier ministre ou, pour une proposition de loi, les présidents des deux assemblées agissant conjointement, ont la faculté de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion.

Les délais d’examen permettent également d’améliorer l’information des parlementaires puisque pendant ce temps ils peuvent consulter les études d’impact qui doivent désormais accompagner les projets de loi. Ces études définissent les objectifs poursuivis, exposent les motifs du recours à une nouvelle législation, l’état actuel du droit dans le domaine visé, l’articulation du projet avec le droit européen. Elles évaluent les conséquences économiques, financières, sociales et environnementales des dispositions du projet et les modalités d’application envisagées.

Mieux informés, les parlementaires peuvent mieux travailler en commission. Cette revalorisation du travail en commission s’explique surtout par une nouvelle disposition qui modifie la procédure législative. Depuis la révision constitutionnelle, la discussion du projet ou de la proposition de loi se fait sur le texte élaboré en commission et non plus sur le texte initial. Ainsi, non seulement on rééquilibre les pouvoirs mais aussi et surtout on améliore le travail législatif.

L’article 42 de la Constitution :

La discussion des projets et des propositions de loi porte, en séance, sur le texte adopté par la commission saisie en application de l’article 43 ou, à défaut, sur le texte dont l’assemblée a été saisie.

« Toutefois, la discussion en séance des projets de révision constitutionnelle, des projets de loi de finances et des projets de loi de financement de la sécurité sociale porte, en première lecture devant la première assemblée saisie, sur le texte présenté par le Gouvernement et, pour les autres lectures, sur le texte transmis par l’autre assemblée.

Cette disposition a inversé le rapport de force entre la commission et le ministre concerné, puisque celui-ci vient toujours présenter son projet de loi, mais son intérêt est désormais de participer pleinement à l’ensemble des débats de la commission.

De plus, l’instauration de cette règle nouvelle a pour effet d’améliorer la qualité des lois parce qu’au sein des commissions le temps d’expression n’est pas encadré à la différence de la séance publique.

1.1.3. L’adoption

L’article 49.3 de la Constitution prévoit l’ « engagement de responsabilité du Gouvernement sur un texte ». Cette procédure permet de considérer comme adopté par l’Assemblée nationale et seulement par elle, un texte de loi sans que celle-ci ne vote le texte. La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 précise que cette procédure ne peut plus être utilisée que « sur le vote d'un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale … et pour un autre projet ou une proposition de loi par session ».

L’article 49.3 de la Constitution a fait couler beaucoup d’encre. Il a souvent été dénoncé comme étant une « violation des droits du Parlement » selon les termes utilisés par François Hollande en 2006 et qui est même allé plus loin en parlant d’« un déni de démocratie ». Ce qui ne l’a pas empêché d’y recourir six fois lorsqu’il n’était plus dans l’opposition, mais à la tête de l’Etat.

Cet article a, le plus souvent, été utilisé soit pour « ressouder » une majorité qui se dispersait soit pour écarter des manœuvres d’obstruction. C’est pourquoi il n’est pas nécessairement cette arme dirigée contre la liberté du Parlement. Pourtant, sa suppression a souvent été demandée. Le Comité Balladur – à l’origine de la révision de 2008 - est allé dans ce sens, sans aller jusqu’au bout de cette démarche. La procédure est restée inscrite dans la Constitution, mais son usage a été sérieusement limité aux projets de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale, et à un seul autre projet de loi par session.

Article 49.3 de la Constitution

Le Premier ministre peut, après délibération du conseil des ministres, engager la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée nationale sur le vote d'un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. Dans ce cas, ce projet est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l'alinéa précédent. Le Premier ministre peut, en outre, recourir à cette procédure pour un autre projet ou une proposition de loi par session.

Le Parlement y a gagné puisque son pouvoir d’adoption est moins susceptible d’être menacé et restreint.

1.2. Le renforcement de la fonction de contrôle

La fonction de contrôle est renforcée d’une triple manière. D’abord parce que la notion même de contrôle est élargie, ensuite parce que de nouveaux domaines du contrôle apparaissent, enfin parce que l’on assiste à un approfondissement des instruments du contrôle.

1.2.1. L’élargissement de la notion de contrôle

Désormais, l’article 24 de la Constitution précise le triple rôle du Parlement : élaborer la loi, contrôler le Gouvernement et évaluer les politiques publiques.

Article 24 de la Constitution

Le Parlement vote la loi. Il contrôle l'action du Gouvernement. Il évalue les politiques publiques.

Avant la révision, la fonction législative était bien sûr énoncée dans l’article 34 : « La loi est votée par le parlement », mais la fonction de contrôle elle, n’était jamais énoncée explicitement en tant que telle. De plus, l’évaluation des politiques publiques était ignorée.

Cette nouvelle rédaction de l’article 24 consacre donc l’importance de la fonction de contrôle, non seulement parce que comme on vient de le voir, elle est pour la première fois énoncée et sur le même plan que la fonction législative. Mais aussi parce qu’elle est présentée sous deux aspects.

Le premier peut être qualifié de traditionnel. Selon Pierre Avril il s’agit de « l’action politique qu’exerce une assemblée sur le gouvernement et que sanctionnent les procédures par lesquelles cette assemblée lui exprime sa confiance ou la lui retire ». Ce qui est en cause ici, c’est l’action du gouvernement.

Le second aspect du contrôle que souligne et révèle la nouvelle rédaction de l’article 24, c’est l’évaluation des politiques publiques. Ce qui est en cause ici, c’est « l’appréciation des moyens au regard des résultats qui mesurent l’efficacité de la gestion de l’État » toujours selon Pierre Avril. De manière plus générale il s’agit de vérifier que les objectifs assignés par la loi ont bien été atteints et si oui dans quelle mesure.

Cette évolution de la notion de contrôle était déjà en germe dans la LOLF qui voulait recentrer le débat budgétaire sur la loi de règlement du budget. Cela permet de se prononcer sur les résultats obtenus et beaucoup moins sur la loi de finances initiale qui en raison du phénomène majoritaire est acquise d’avance.

La nouvelle conception du contrôle est en effet une conséquence de la prévalence du phénomène majoritaire. Du fait de l’existence d’une majorité stable et disciplinée à l’Assemblée nationale, la responsabilité politique du gouvernement est acquise d’avance. Le contrôle au sens traditionnel est vidé de son sens. Dans ces conditions le contrôle ne peut présenter un quelconque intérêt que dans la mesure où il s’inscrit non plus dans une logique politique mais gestionnaire.

1.2.2. La diversification des domaines de la fonction de contrôle

1.2.2.1. Le développement des domaines classiques

Les finances publiques constituent le tout premier domaine dans lequel le Parlement exerce son contrôle. Ce domaine s’est progressivement élargi puisque depuis 1996, c’est non seulement le budget de l’Etat, mais aussi le budget de la Sécurité sociale qui fait l’objet de ce contrôle. De plus, la Loi organique relative aux lois de finances du 1er aout 2001 (LOLF) a sensiblement développé ce contrôle et surtout en a fait évoluer la nature, puisque désormais il s’agit surtout de contrôler la performance, c’est à dire l’efficacité dans la réalisation des objectifs.

La loi constitutionnelle de 2008 s’est placée dans cette perspective. Le nouvel article 47-2 de la Constitution qui en résulte fait mention de ce que le Parlement est assisté, dans ses fonctions de contrôle et d’évaluation des administrations, par la Cour des comptes. Cette mission d’assistance n’étant évidemment pas exclusive du recours, à d’autres organismes d’audit et d’évaluation, publics ou privés.

Article 47-2 de la Constitution

La Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l'action du Gouvernement. Elle assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l'exécution des lois de finances et de l'application des lois de financement de la sécurité sociale ainsi que dans l'évaluation des politiques publiques. Par ses rapports publics, elle contribue à l'information des citoyens.

Les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères. Ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière.

En outre, le nouvel article 47-2 de la Constitution se termine en énonçant un principe de fond des finances publiques à savoir la sincérité, ce qui devrait permettre au Parlement de renforcer son contrôle sur les comptes publics.

Au domaine des finances publiques il faut ajouter celui de l’Europe. Depuis le Traité de Maastricht et de la révision constitutionnelle nécessaire à sa ratification (loi constitutionnelle du 25 juin 1992), le Parlement contrôle la politique européenne avec des moyens particuliers. Il dispose notamment de la possibilité de prendre des résolutions en ce domaine. La révision de 2008 a renforcé le rôle du Parlement s’agissant de ces questions. En plus de la place que vient de reconnaître à chacune des assemblées la révision constitutionnelle du 4 février 2008 dans le contrôle du principe de subsidiarité, l’article 88-4 dans sa rédaction issue de l’article 43 de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 prévoit l’obligation de transmission au Parlement de tous les projets et propositions d’actes des Communautés européennes et de l’Union européenne, et non plus seulement des actes législatifs.

Article 88-4 de la Constitution

Le Gouvernement soumet à l'Assemblée nationale et au Sénat, dès leur transmission au Conseil de l'Union européenne, les projets d'actes législatifs européens et les autres projets ou propositions d'actes de l'Union européenne.

Selon des modalités fixées par le règlement de chaque assemblée, des résolutions européennes peuvent être adoptées, le cas échéant en dehors des sessions, sur les projets ou propositions mentionnés au premier alinéa, ainsi que sur tout document émanant d'une institution de l'Union européenne.

Au sein de chaque assemblée parlementaire est instituée une commission chargée des affaires européennes.

Le texte consacre également la création, dans chaque assemblée, d’une commission chargée des affaires européennes, dont les compétences ne devront pas empiéter sur celles des commissions permanentes.

De plus, comme dans tous les autres domaines, et notamment en politique internationale, le droit de résolution s’applique en matière européenne, avec la particularité de pouvoir s’exercer en dehors même des sessions, de sorte que le Parlement puisse réagir en temps utile aux projets de texte en discussion au Conseil.

Enfin, s’agissant des adhésions nouvelles, l’article 88-5 de la Constitution prévoyait la ratification du traité par voie référendaire obligatoirement. Or, la nouvelle version de cet article qui a fait l’objet de débats houleux, ne revient pas sur le principe de la ratification référendaire, mais elle permet au Parlement d’écarter cette voie à son profit. En effet, si d’un commun accord exprimé par une motion, les deux assemblées le demande, le traité d’adhésion sera ratifié par le Congrès à la majorité des 3/5.

Article 88-5 de la Constitution

Tout projet de loi autorisant la ratification d'un traité relatif à l'adhésion d'un État à l'Union européenne est soumis au référendum par le Président de la République.

1.2.2.2. L’apparition de nouveaux domaines

Alors que traditionnellement la défense fait partie de ce que l’on a un peu rapidement appelé le « domaine réservé » du Président de la République, le nouvel article 13 de la Constitution permet au Parlement non seulement d’être rapidement informé de toute opération extérieure, mais aussi éventuellement de s’opposer à celle-ci au bout de quatre mois. Ce système, largement inspiré du « War Powers Act » américain constitue une avancée importante pour le Parlement. Ainsi un domaine nouveau et surtout capital s’ouvre au contrôle des Assemblées. De plus le nouveau droit de résolution accordé au Parlement n’est pas limité à un domaine particulier, il pourra donc s’exercer en matière de politique étrangère et de défense.

1.2.3. L’approfondissement des instruments de contrôle

1.2.3.1. L’amélioration des instruments traditionnels

Il faut citer en premier lieu les questions au Gouvernement qui sont apparues en 1969 sous l’appellation de questions d’actualité. Elles étaient relativement contrôlées puisqu’elles devaient être déposées deux heures avant la séance et ensuite inscrites à l’ordre du jour. Les questions au Gouvernement en tant que telles ont été voulues et annoncées par Valéry Giscard d’Estaing dans son message du 30 mai 1974. Elles ont été introduites au Sénat plus tardivement : en 1982. Cet instrument de contrôle est relativement efficace, même s’il comporte des défauts. Le Comité Balladur avait recommandé que la majorité et les autres groupes y disposent d’un temps de parole équivalent, comme c’était le cas jusqu’en 1981 et que certaines séances de questions, réservées à l’opposition, soient consacrées à des sujets préalablement définis et que la réplique et la relance des questions soient possibles.

La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 renvoie au « règlement de chaque assemblée (pour) détermine(r) les droits des groupes parlementaires constitués en son sein ». Après la modification de ces règlements intervenue en juin 2009, il est prévu que la moitié des questions est posée par des députés membres d’un groupe d’opposition. De plus, chaque groupe politique pose au moins une question. Enfin le temps réservé à chaque parlementaire et aux ministres est limité impérativement à deux minutes.

Article 48 de la Constitution

Une séance par semaine au moins, y compris pendant les sessions extraordinaires prévues à l'article 29, est réservée par priorité aux questions des membres du Parlement et aux réponses du Gouvernement.

Enfin, des séances de questions pendant les sessions extraordinaires ont été prévues. Ce qui n’est pas négligeable, dans la mesure où ces sessions pour extraordinaires qu’elles soient n’en sont pas moins devenues quasiment régulières et nombreuses.

Article 51-2 de la Constitution

Pour l'exercice des missions de contrôle et d'évaluation définies au premier alinéa de l'article 24, des commissions d'enquête peuvent être créées au sein de chaque assemblée pour recueillir, dans les conditions prévues par la loi, des éléments d'information.

Les commissions d’enquête n’étaient pas prévues initialement par la Constitution. C’est l’ordonnance portant loi organique du 17 novembre 1958 complétée par différentes lois qui les a organisées. Désormais leur existence est prévue par l’article 51-2 de la Constitution, ce qui représente non seulement une consécration mais aussi une garantie. Le règlement de chaque assemblée fixe leurs conditions de création. Ainsi, à l’Assemblée nationale chaque président de groupe d’opposition ou de groupe minoritaire peut demander, une fois par session ordinaire (à l’exception de celle précédant le renouvellement de l’Assemblée), en Conférence des Présidents, qu’un débat sur une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête soit inscrit d’office à l’ordre du jour d’une séance au cours de la première semaine de contrôle et d’évaluation. C’est ce que l’on appelle « le droit de tirage » . Une telle demande de création de commission d’enquête ne peut être rejetée qu’à la majorité des trois cinquièmes des membres de l’Assemblée.

Sans que la Constitution le prévoie, des déclarations du Gouvernement avec ou sans débat se sont multipliées avant la révision de même que des débats organisés à l’initiative des parlementaires ou des commissions. Ces débats permettent non seulement l’information du Parlement mais aussi comme leur nom l’indique la discussion. C’est pourquoi, leur reconnaissance par la Constitution et son nouvel article 50-1 représente un progrès d’autant plus important que ces débats peuvent se tenir à l’initiative des groupes et notamment des groupes d’opposition. Mais l’intérêt de ce nouvel article 50-1 de la Constitution réside dans le fait que ces débats peuvent se terminer par un vote, ce qui jusqu’alors était impossible. Certes ce vote, précise le texte, ne pourra pas engager la responsabilité politique du Gouvernement, mais il y a là incontestablement un progrès important.

Article 50-1 de la Constitution

Devant l'une ou l'autre des assemblées, le Gouvernement peut, de sa propre initiative ou à la demande d'un groupe parlementaire au sens de l'article 51-1, faire, sur un sujet déterminé, une déclaration qui donne lieu à débat et peut, s'il le décide, faire l'objet d'un vote sans engager sa responsabilité.

1.2.3.2. La création de nouveaux instruments

L’article 13 modifie sensiblement la procédure de nomination d’un certain nombre d’emplois importants du point de vue de la garantie des droits et libertés ou de la vie économique et sociale de la Nation. C’est toujours le Président de la République qui nomme, mais c’est après « avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée ».

Article 13.5 de la Constitution

Une loi organique détermine les emplois ou fonctions, autres que ceux mentionnés au troisième alinéa, pour lesquels, en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation, le pouvoir de nomination du Président de la République s'exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée. Le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l'addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions. La loi détermine les commissions permanentes compétentes selon les emplois ou fonctions concernés.

Cette procédure est largement inspirée des « hearings » américains. On sait que le président américain nomme plus de 2000 fonctionnaires, mais ces nominations doivent être confirmées par le Sénat après que celui-ci ait entendu les personnes pressenties.

L’audition présente des avantages : elle contraint l’intéressé à définir sa vision des fonctions qui lui sont confiées et à fixer ses priorités stratégiques. Elle permet par ailleurs de donner des garanties de transparence et de compétence, puisque la perspective de l’audition place l’autorité de nomination dans l’obligation de présenter des candidats ayant les qualités requises.

Si l’avis de la commission n’est que consultatif, celle-ci peut néanmoins empêcher la nomination en se prononçant à la majorité des trois cinquièmes. Il faut remarquer que ce droit de veto a été introduit par l’Assemblée nationale et maintenu par le Sénat. Ces cas seront sans doute assez rares il n’en demeure pas moins que le Parlement dispose ainsi d’un pouvoir de contrôle renforcé.

S’agissant des interventions armées, la loi constitutionnelle donne également au Parlement de nouveaux moyens de contrôle qui peuvent aller jusqu’au veto. En effet, le nouvel article 35 de la Constitution prévoit l’information du Parlement par le Gouvernement dans les 3 jours qui suivent l’intervention. Cette information pouvant être suivie d’un débat sans vote. Au-delà de 4 mois, l’autorisation de poursuivre doit être demandée au Parlement par le Gouvernement. Le Parlement peut donc empêcher la poursuite des opérations.

Article 35 de la Constitution

La déclaration de guerre est autorisée par le Parlement.

Le Gouvernement informe le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces armées à l'étranger, au plus tard trois jours après le début de l'intervention. Il précise les objectifs poursuivis. Cette information peut donner lieu à un débat qui n'est suivi d'aucun vote.

Lorsque la durée de l'intervention excède quatre mois, le Gouvernement soumet sa prolongation à l'autorisation du Parlement. Il peut demander à l'Assemblée nationale de décider en dernier ressort.

Si le Parlement n'est pas en session à l'expiration du délai de quatre mois, il se prononce à l'ouverture de la session suivante.

La Constitution de 1958 n’avait pas prévu l’existence des résolutions et le Conseil constitutionnel a veillé, dans une décision du 17 juin 1959 portant sur le règlement de l’Assemblée nationale, à ce qu’elles ne soient pas remises en vigueur, au motif de ce que la responsabilité du Gouvernement ne peut être mise en cause « que dans les conditions et suivant les procédures fixées par les articles 49 et 50 » de la Constitution.

Article 34-1 de la Constitution

Les assemblées peuvent voter des résolutions dans les conditions fixées par la loi organique.

Sont irrecevables et ne peuvent être inscrites à l'ordre du jour les propositions de résolution dont le Gouvernement estime que leur adoption ou leur rejet serait de nature à mettre en cause sa responsabilité ou qu'elles contiennent des injonctions à son égard.

Cette interdiction des résolutions s’explique sans aucun doute par le fait qu’avant 1958, elles étaient un moyen détourné, de mise en cause de la responsabilité du Gouvernement. Mais cette situation a engendré des conséquences néfastes. Ne pouvant pas exprimer leurs prises de position politiques, les parlementaires ont détourné la loi de sa vocation normative et c’est ainsi que de nombreuses lois dites « mémorielles » ont vu le jour, les unes reconnaissant le génocide arménien, les autres recommandant l’enseignement des aspects positifs de la colonisation etc …

Dans la mesure où les résolutions ont été réintroduites lors des révisions constitutionnelles des 25 juin 1992 et 25 janvier 1999 en ce qui concerne les questions européennes (article 88-4 de la Constitution), il était possible de généraliser le procédé et de ne plus le circonscrire à ce domaine important, certes, mais néanmoins étroit.

2. MAIS UNE RÉVISION QUI NE PRODUIT PAS TOUS SES EFFETS

Si les textes renforcent sans conteste l’influence du Parlement, la pratique maintient encore pour l’essentiel le poids du gouvernement. Aussi le projet d’un « hyper parlement » cher à Jean-François Copé, président du groupe majoritaire à l’Assemblée nationale à l’époque, face à une hyper président est resté un rêve en grande partie.

S’il en est ainsi c’est sans doute parce que la rationalisation subsiste mais aussi est surtout parce que le phénomène majoritaire n’a pas disparu.

2.1. La rationalisation subsiste

Cette expression est née à la suite de l’élaboration de certaines Constitutions en Europe centrale durant l’entre-deux-guerres, ce que l’on a appelé les Constitutions de professeurs. C’est l’un de ceux-ci, le Doyen Boris Mirkine-Guetzevitch qui a le mieux résumé la rationalisation en disant qu’elle «consiste à enfermer dans le réseau du droit écrit l’ensemble de la vie politique».

Plus précisément, rationaliser le régime parlementaire, c’est constitutionnaliser ses règles de fonctionnement afin d’éviter ses dysfonctionnements et notamment les renversements intempestifs de Gouvernement.

Par extension le terme désigne aujourd’hui, l’inscription dans la Constitution, voire dans d’autres textes importants, de réglementations minutieuses, permettant de restreindre l’exercice des principales fonctions du Parlement en vue de renforcer le Gouvernement.

La révision de 2008 a porté un coup important à la rationalisation et notamment à ses principales et plus emblématiques mesures. Pour autant, la rationalisation n’a pas totalement disparu, ce qui a eu pour effet de relativiser les effets de la réforme.

2.1.1. La rationalisation de la fonction législative

La nouvelle rédaction de l’article 44 de la Constitution et la loi organique du 15 avril 2009 ainsi que les règlements des deux assemblées ont permis la création de procédures simplifiées ainsi que la réglementation du droit d’amendement.

Article 44 de la Constitution

Les membres du Parlement et le Gouvernement ont le droit d'amendement. Ce droit s'exerce en séance ou en commission selon les conditions fixées par les règlements des assemblées, dans le cadre déterminé par une loi organique.

A l’Assemblée nationale une procédure d’examen simplifié a été mise en place.

La discussion générale a été raccourcie puisque peuvent seuls intervenir, le Gouvernement, le rapporteur de la commission saisie au fond, celui ou ceux des commissions saisies pour avis et un orateur par groupe politique. Les interventions, sauf celles du Gouvernement, sont limitées : dix minutes pour le rapporteur de la commission saisie au fond et cinq minutes pour le rapporteur de la ou des commissions saisies pour avis et les représentants des groupes.

La discussion des articles est abrégée : ceux sur lesquels il n’est pas présenté d’amendements ne sont ni appelés, ni mis aux voix ; les amendements et les articles auxquels ils se rapportent sont seuls discutés.

Le recours à cette procédure est décidé en conférence des présidents, à la demande du Président de l’Assemblée nationale, du Gouvernement, du président de la commission saisie au fond ou d’un président de groupe. La décision est prise à l’unanimité.

Il existe une procédure encore plus rapide pour les projets de loi autorisant la ratification d’un traité ou l’approbation d’un accord international : ils sont directement mis aux voix, sauf décision contraire de la Conférence des Présidents.

Une autre procédure, le temps législatif programmé a été mise en place par le règlement de l’Assemblée nationale sur le fondement de l’article 44 de la Constitution, modifié par la révision de juillet 2008.

Dans ce cadre, chaque groupe dispose d’un temps minimum. Il est plus important pour les groupes d’opposition ; un temps supplémentaire peut éventuellement être décidé. Il est alors attribué à 60% aux groupes d’opposition, et réparti entre eux en fonction de leur importance numérique, et à 40 % aux autres groupes et réparti entre eux selon la même règle ;

Toutes les interventions des députés sont décomptées du temps réparti entre les groupes, sauf celles du président et du rapporteur de la commission chargée de l’examen du texte. Les interventions des présidents de groupes ne sont pas prises en compte, dans la limite d’une heure lorsque le temps global accordé aux groupes s’élève à quarante heures ou moins, et dans la limite de deux heures au-delà ; lorsqu’un groupe a épuisé le temps qui lui était attribué, la parole est refusée à ses membres. Les amendements déposés dans ce cas par un membre de ce groupe sont alors mis aux voix sans débat.

C’est la Conférence de présidents qui peut, sous certaines conditions, décider d’appliquer cette procédure à un texte.

De plus, la réforme du Règlement de 2009 a institutionnalisé le délai de dépôt des amendements en commission : les amendements doivent être déposés au secrétariat de la commission au plus tard le troisième jour ouvrable, à 17 heures, précédant l’examen du texte en commission. Elle a modifié le délai pour les amendements déposés sur le texte discuté en séance en le portant également au troisième jour ouvrable précédant l’examen du texte en séance, à 17 heures, au lieu de la veille de la discussion à 17 heures, comme c’était le cas depuis 2006.

Au Sénat, une toute nouvelle procédure abrégée a été créée par la résolution du 14 décembre 2017 pérennisant et adaptant la procédure de législation en commission. Selon ce texte, le droit d'amendement des sénateurs et du Gouvernement sur un projet de loi ou une proposition de loi ou de résolution s'exerce uniquement en commission. Un délai limite pour le dépôt des amendements en commission est fixé. Seules les motions tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité et la question préalable peuvent être présentées en commission. Leur adoption entraîne le rejet du texte et le retour à la procédure normale pour sa discussion en séance.

Lors de la séance qui examine le texte, le Président, met aux voix l'ensemble du texte adopté par la commission. Seuls peuvent intervenir le Gouvernement, les représentants des commissions pour une durée ne pouvant excéder sept minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun, ainsi qu'un sénateur ne figurant sur la liste d'aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes, sauf décision contraire de la Conférence des Présidents.

La procédure de législation en commission peut s'appliquer sur certains articles seulement d’un texte. Dans ce cas il ne peut être reçu en séance aucun amendement qui remettrait en cause les dispositions faisant l'objet de cette procédure.

On le voit, après la révision de 2008 la fonction législative du Parlement n’est guère renforcée dans la réalité. Ceci est également vrai en ce qui concerne la fonction de contrôle.

2.1.2. La rationalisation de la fonction de contrôle

Si la fonction de contrôle a été renforcée par la révision de 2008, c’est on l’a vu dans son acception moderne, mais son aspect traditionnel lui n’a pas été limité. Cela veut dire que les procédures de mise en jeu de la responsabilité ministérielle n’ont pas été modifiées. Elles restent particulièrement difficiles à mettre en œuvre.

Ainsi la motion de censure connait des conditions de recevabilité restrictives. L’article 49.2 de la Constitution a prévu qu’une motion de censure ne peut être déposée que si elle est signée par un dixième au moins des membres de l'Assemblée nationale, c’est à dire par cinquante-huit députés. Cette disposition n’est pas particulièrement restrictive, elle a simplement pour objet d’éviter l’obstruction.

De plus, au cours d’une même session ordinaire un député ne peut signer plus de trois motions de censure et une seule pendant une session extraordinaire. Bien sûr ces dispositions ne valent qu’en cas de motions rejetées.

La motion déposée, encore faut-il l’adopter. Le vote ne peut se faire qu’au terme d’un délai de 48 heures, alors qu’il n’était que de 24 heures sous la IVe République. La motion de censure est adoptée à une majorité qualifiée, c’est à dire, la majorité absolue des membres composant l’Assemblée nationale, soit 289 voix. Si cette disposition existait déjà sous la IVe République, le décompte des voix a été modifié, puisque désormais, seules sont recensées les voix favorables à la motion de censure. Cette mesure qui paraît anodine a en réalité pour effet d’assimiler les abstentionnistes et les députés favorables au Gouvernement.

L’efficacité de ces dispositions du point de vue du Gouvernement est grande. Ainsi, le nombre de motions déposées effectivement est peu important, de manière générale, deux motions sont déposées par Gouvernement. Au total, cinquante-cinq motions ont été déposées depuis le début de la Cinquième République, ce qui fait un petit peu moins d’une motion par an en moyenne.

Mais une seule de ces motions a débouché sur un renversement de Gouvernement, celle du 4 octobre 1962 qui a eu pour conséquence de mettre fin aux fonctions du premier Gouvernement de Georges Pompidou. C’est dire l’efficacité de la rationalisation de la motion de censure.

Article 49 de la Constitution

Le Premier ministre, après délibération du conseil des ministres, engage devant l'Assemblée nationale la responsabilité du Gouvernement sur son programme ou éventuellement sur une déclaration de politique générale.

L'Assemblée nationale met en cause la responsabilité du Gouvernement par le vote d'une motion de censure. Une telle motion n'est recevable que si elle est signée par un dixième au moins des membres de l'Assemblée nationale. Le vote ne peut avoir lieu que quarante-huit heures après son dépôt. Seuls sont recensés les votes favorables à la motion de censure qui ne peut être adoptée qu'à la majorité des membres composant l'Assemblée. Sauf dans le cas prévu à l'alinéa ci-dessous, un député ne peut être signataire de plus de trois motions de censure au cours d'une même session ordinaire et de plus d'une au cours d'une même session extraordinaire.

Le Premier ministre peut, après délibération du conseil des ministres, engager la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée nationale sur le vote d'un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. Dans ce cas, ce projet est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l'alinéa précédent. Le Premier ministre peut, en outre, recourir à cette procédure pour un autre projet ou une proposition de loi par session.

Le Premier ministre a la faculté de demander au Sénat l'approbation d'une déclaration de politique générale.

Quant à l’engagement de responsabilité par le Gouvernement il est lui aussi encadré. Mais dans la mesure où c’est le Gouvernement qui engage sa propre responsabilité il ne tient qu’à lui de n’utiliser cette procédure qu’à bon escient. C’est pourquoi l’article 49.1 encadre l’initiative, mais rend la décision relativement facile à prendre.

L’initiative est réservée au Premier ministre et au Conseil des ministres.

En faisant du Premier ministre, le seul organe apte à engager la responsabilité du Gouvernement on n’innove pas, puisque c’était déjà le cas sous la IVe République, mais on veut renforcer sa position face au Gouvernement pour en faire le véritable Chef du Gouvernement. Par-dessus tout, on veut éviter les engagements de responsabilité intempestifs, trop fréquents sous la IIIe.

Toutefois, l’engagement n’est possible que dans la mesure où le Conseil des ministres a ratifié la décision. Là encore on retrouve une disposition qui existait déjà. Elle marque la même volonté de donner un caractère solennel à la décision et de faire jouer la solidarité gouvernementale.

Après l’initiative vient le temps de la décision. Le vote se déroule comme n’importe quel autre vote, c’est à dire à la majorité des suffrages exprimés. Cette disposition tranche avec la situation qui prévalait sous la IVe, du moins à ses débuts où l’on exigeait la majorité des membres composant l’assemblée. On se rendra vite compte que cette mesure était contre-productive, aussi lors de la révision de 1954, on prévoira la majorité relative. En 1958 cette mesure sera reconduite.

Reste l’engagement de responsabilité sur un texte prévu par l’article 49.3 de la Constitution. Cette procédure permet de considérer comme adopté par l’Assemblée nationale et seulement par elle, un texte de loi sans que celle-ci ne vote le texte.

C’est le Premier ministre et lui seul qui peut engager la responsabilité du Gouvernement sur un texte de loi. Mais il faut que préalablement, une délibération du Conseil des ministres ait lieu en vue de l’autoriser à recourir à l’article 49.3.

Lorsque le chef du Gouvernement recourt effectivement à la procédure, il annonce personnellement sa décision à l’Assemblée nationale. A compter de ce moment, court un délai de 24 heures. Pendant ce délai l’Assemblée nationale est dessaisie, elle ne peut plus ni examiner le texte, ni se prononcer sur le texte. Elle ne peut donc même pas l’adopter. Au terme de ce délai, le projet de loi sera automatiquement considéré comme adopté à moins qu’une motion de censure, déposée pendant le délai, soit adoptée.

Particulièrement critiquée, cette procédure a vu son champ d’application assez sérieusement limité. La loi constitutionnelle du 23 juillet 2003 précise en effet que cette procédure ne peut plus être utilisée que « sur le vote d'un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale … et pour un autre projet ou une proposition de loi par session ».

C’est finalement la seule disposition favorable au Parlement pour ce qui est de la fonction de contrôle. Toutefois, cette limitation n’a pas empêché Manuel Valls d’utiliser cette procédure à six reprises pour faire adopter deux lois.

La rationalisation a certes été assouplie, mais elle reste suffisamment importante pour relativiser les avancées de la révision de 2008 et ce d’autant plus que le phénomène majoritaire reste bien présent.

2.2. Le phénomène majoritaire aussi

La Cinquième République se caractérise par l’existence du phénomène majoritaire. Par là il faut entendre l’existence d’une majorité parlementaire stable cohérente et disciplinée. Au-delà du soutien au Gouvernement, cette majorité parlementaire se réclame du Président de la République et le soutien. La majorité parlementaire et la majorité présidentielle coïncident donc politiquement, mais elles ne se situent pas sur le même plan. En réalité les députés sont au service du Gouvernement et du Président de la République. Au pire ils sont les « godillots » du Président de la République, au mieux ils traînent les pieds.

En réalité, le phénomène majoritaire continue à produire ses effets. Comme le constate Ariane Vidal-Naquet, la force du fait majoritaire « conduit à ce que les nouveaux pouvoirs donnés au Parlement soient captés par la majorité, elle-même toujours soumise au gouvernement et, le plus souvent, au président de la République, rendant ainsi illusoire le rééquilibrage entre exécutif et Parlement ».

Toutefois, ces effets pourraient être en partie compensés

2.2.1. Des effets certains

Si les prérogatives du Parlement ont évolué avec la révision de 2008, ce n’est pas le cas de l’état d’esprit des élus. Comme l’a constaté Jean-Jacques Urvoas à son poste de président de la Commission des lois d’abord puis de ministre de la Justice : « Ceux qui appartiennent à la majorité se vivent d’abord comme des soutiens de l’exécutif et ceux qui siègent dans l’opposition poursuivent surtout un combat politique ». Le Président de la République et le Gouvernement conservent donc leur ascendant politique sur les parlementaires de la majorité.

Ainsi, la présence du Gouvernement en commission du fait que c’est le texte de la commission qui sert de base à la discussion en séance, impose comme le constate Jean-Jacques Urvoas « la discipline majoritaire que la liberté du huis clos pouvait assouplir lorsque, les parlementaires se retrouvant entre eux, le dialogue y était moins contraint ».

La logique majoritaire conduit également à réduire la portée de l’ouverture de l’initiative parlementaire en matière législative. Certes le nombre de lois d’origine parlementaire a augmenté. Mais le plus souvent il s’agit de propositions de loi de députés de la majorité ou de propositions suggérées par le Gouvernement à tel ou tel député de la majorité.

Il en va de même des amendements déposés par les membres de l’opposition. Il est en effet exceptionnel que ces amendements soient adoptés.

En fait, les nouveaux pouvoirs du Parlement sont en réalité ceux de la majorité. Cela se vérifie également s’agissant des « niches » mensuelles attribuées à l’opposition par l’article 48-5 de la Constitution. Elles sont utilisées, mais les textes déposés n’aboutissent jamais ou rarement. Il en va de même pour le « droit de tirage » qui permet à l’opposition de créer une commission d’enquête.

Cette réalité a pu être masquée par une combativité nouvelle des parlementaires que l’on a pu observer durant les deux dernières législatures.

Ainsi, dès 2009, Gilles Carrez, le Rapporteur général du budget a entièrement réécrit, dans un amendement de cent pages, l'article 2 du projet de loi de finances 2010 relatif à la réforme de la taxe professionnelle alors même que le texte était présenté par un gouvernement qu’il soutenait. De même au Sénat, l'ancien premier ministre Jean-Pierre Raffarin à la tête d'un groupe de 24 sénateurs a imposé au gouvernement trois « rendez-vous législatifs » avant la mise en œuvre du nouveau dispositif.

Deux autres textes ont connu des parcours législatifs chaotiques. La loi Hadopi, a été vivement combattue, à droite comme à gauche. L'ex-ministre de la Culture, Christine Albanel avait menacé de démissionner si le texte n'était pas adopté au printemps.

L'ouverture de certains commerces le dimanche, également voulue par le chef de l'Etat, n'a été votée qu'au prix de négociations tendues entre partisans et adversaires de la réforme, au sein même du groupe UMP. Dans un autre registre, la création d'un statut des beaux-parents, annoncée en février 2010, n'a pas vu le jour durant la législature en question, une partie de la droite redoutant qu'elle ouvre la voie à l'homoparentalité.

De même, la réforme territoriale a été adoptée à une voix de majorité au Sénat, au prix de nombreuses renonciations notamment sur le mode de scrutin des conseillers territoriaux.

Au printemps 2010, Jean-François Copé avait pris la tête de la fronde contre un texte sur le dialogue social dans les très petites entreprises (TPE). A l’automne, le président de la commission des Lois, a résisté au report du remboursement de la dette sociale. On peut également citer le maintien de la publicité à la télévision avant 20 heures, l’aide médicale pour les sans-papiers, l’avantage fiscal pour les services à domicile… Plus récemment, lors de l’examen de la loi sur la sécurité intérieure (Loppsi), les députés ont imposé au gouvernement un assouplissement du permis à point, et un durcissement envers les étrangers condamnés en cour d’assises.

Lors de la législature suivante, la « fronde » d’une partie des députés de la majorité socialiste s’est développée pour la première fois dans l’histoire de la Cinquième République.

Tout a commencé en octobre 2012 lors du vote relatif au Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire (TSCG) où, 17 députés socialistes ont voté contre et 9 se sont abstenus.

Le mouvement prendra de l’ampleur le 9 avril 2013 lors de l’examen du projet de loi relatif à la sécurisation de l’Emploi (ANI). A cette occasion les contours du futur groupe des « frondeurs » ont pris forme. Trente-cinq députés socialistes se sont abstenus. Mais surtout, six ont voté contre.

Le phénomène se renforcera avec l’arrivée à Matignon de Manuel Valls. Lors de la discussion de la « loi Macron » puis de la « loi El Khomri » la fronde sera tellement forte que le Premier ministre, voulant éviter l’échec, recourra à la procédure prévue par l’article 49 alinéa 3 de la Constitution dans laquelle le projet de loi est considéré comme adopté si aucune motion de censure n’est votée.

Ne voulant pas voter la motion de censure déposée par la droite, les fondeurs tenteront même, mais vainement de déposer une « motion de censure de gauche » Ils ne rassembleront finalement que cinquante-six signatures, alors qu’il en fallait cinquante-huit.

Cette agitation parlementaire a disparu avec l’élection de la nouvelle majorité soutenant Emmanuel Macron. Certains ont même parlé d’un retour à une majorité de « godillots ». Bref le phénomène majoritaire que l’on a pu croire sinon disparu, du moins allégé, est toujours bien présent et il produit ses effets. Il tend notamment à réduire la portée de la réforme de 2008. Mais ces effets néfastes pourraient être en partie compensés.

2.2.2. Des effets qui pourraient être en partie compensés

L’effet de discipline qui s’attache au fait majoritaire pouvant limiter la portée des prérogatives énoncées par la réforme de 2008, les droits nouveaux reconnus au Parlement ne produiront tous leurs effets que si l’opposition dispose de garanties renforcées, bref d’un statut.

Ce statut de l’opposition ne peut pas faire partie de la Constitution, mais il faut que celle-ci lève un obstacle juridique à cette reconnaissance, c’est ce qui a été fait à travers la nouvelle formulation de l’article 4 de la Constitution et le nouvel article 51-1 qui renvoie au Règlement des assemblées pour ce qui est du contenu de ce statut que l’on peut résumer de la manière suivante pour ce qui est de l’Assemblée nationale :

  • élargissement du bureau des commissions permanentes et spéciales et règle selon laquelle leur composition doit s’efforcer de reproduire la configuration politique de l’Assemblée ;
  • formalisation de la règle selon laquelle la commission des finances est présidée par un député d’opposition ;
  • principe selon lequel les nominations effectuées par les commissions, en particulier celle des rapporteurs budgétaires, ont lieu en s’efforçant de reproduire la configuration politique de l’Assemblée ;
  • définition de nouvelles règles de pluralisme – composition du bureau et répartition des fonctions de président et de rapporteur – au sein des commissions d’enquête et des missions d’information ;
  • introduction de règles de pluralisme dans les travaux du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques ;
  • introduction de règles de pluralisme dans le suivi de l’application des lois.
  • attribution, une fois par mois, d’une journée de séance aux groupes d’opposition ou minoritaires ;
  • attribution aux groupes d’opposition de la moitié du temps imparti dans le cadre des débats organisés à la suite des déclarations faites par le Gouvernement ;
  • attribution de la moitié des questions au Gouvernement aux députés membres d’un groupe d’opposition ;
  • extension aux questions orales sans débat des règles de pluralisme prévues pour les questions au Gouvernement ;
  • reconnaissance d’un « droit de tirage » en matière de commissions d’enquête

Au Sénat des dispositions semblables ont également été adoptées.

Ce statut permet surtout d’améliorer la représentation de l’opposition dans les différentes structures interne des assemblées. Des droits nouveaux existent certes, mais ils sont sinon ignorés du moins souvent contournés. De plus, le statut reconnait non seulement des groupes d’opposition mais aussi des groupes minoritaires qui peuvent appartenir à la majorité, ce qui peut introduire un certain flou et provoquer quelques difficultés. On a pu le constater d’ailleurs lors de l’élection, en juin dernier, des questeurs de l’Assemblée nationale, puisque aucun membre de l’opposition n’a fait partie du collège des questeurs, un représentant d’un groupe minoritaire proche de la majorité, Thierry Solère, ayant été élu.

Là encore les espoirs nés de la révision de 2008 se sont très vite évaporés. Le statut de l’opposition est certes une avancée, mais il ne permet pas vraiment d’assouplir la logique majoritaire. On peut changer les règles, il est plus difficile des changer les comportements.

La révision constitutionnelle de 2008 devait renforcer le Parlement. Malgré de nombreuses dispositions nouvelles et attendues elle n’a pas permis de modifier sensiblement la situation. Dix ans après, le constat est sévère. C’est la raison pour laquelle à l’Assemblée nationale comme au Sénat des propositions de réformes sont à l’heure actuelle formulées. Gageons qu’elles permettront d’aller plus loin et que le « Nouveau monde » politique qui s’ouvre devant nous permettra cette fois-ci de réellement donner au Parlement une place plus importante.

 

Auteur(s) :

FERRETTI Raymond

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