Les propositions de réforme du Parlement élaborées par l'Assemblée nationale et le Sénat

Modifié le 16 mai 2023

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Notions clés

Au lendemain de son élection à la présidence de l’Assemblée nationale, François de Rugy annonçait que s’il avait été élu c’était certes pour présider l'Assemblée, mais aussi pour la réformer. Les « Rendez-vous des réformes 2017-2022 pour une nouvelle Assemblée nationale » étaient lancés. Sept groupes de travail ont été créés par le Bureau, le 20 septembre 2017, ils devaient faire des propositions sur les sept thèmes suivants : statut des députés, conditions de travail et collaborateurs, procédure législative et droits de l'opposition, moyens de contrôle et d'évaluation, développement durable, démocratie numérique, ouverture et rayonnement.

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Au lendemain de son élection à la présidence de l’Assemblée nationale, François de Rugy annonçait que s’il avait été élu c’était certes pour présider l'Assemblée, mais aussi pour la réformer. Les « Rendez-vous des réformes 2017-2022 pour une nouvelle Assemblée nationale » étaient lancés. Sept groupes de travail ont été créés par le Bureau, le 20 septembre 2017, ils devaient faire des propositions sur les sept thèmes suivants : statut des députés, conditions de travail et collaborateurs, procédure législative et droits de l'opposition, moyens de contrôle et d'évaluation, développement durable, démocratie numérique, ouverture et rayonnement.

Composé sur la base du pluralisme, les groupes de travail comprenaient des représentants de toutes les tendances politiques de l’Assemblée nationale. Chaque président de groupe de travail appartenait à un groupe politique différent

Les travaux des différents groupes de travail se sont déroulés de manière transparente. Toutes les auditions ont été publiques, ouvertes à la presse et retransmises sur le site internet de l’Assemblée nationale ; des comptes rendus écrits ont été établis et mis en ligne.

Après le pluralisme et la transparence, l’ouverture a été le troisième grand principe sur la base duquel les travaux de ces sept groupes ont eu lieu. Ainsi, chaque groupe de travail disposait d’un espace contributif où chacun, citoyen, universitaire, collaborateur ou député, pouvait adresser ses propositions. Une consultation citoyenne a permis de collecter plusieurs milliers de contributions et de réunir une vingtaine de citoyens, à l’Assemblée nationale, à l’occasion d’ateliers de travail avec des députés.

Un premier rapport a été rendu en décembre dernier rassemblant 95 propositions.

Quant au Président de l’Assemblée nationale, François de Rugy, il a à plusieurs reprises annoncé un certain nombre de réformes constitutionnelles et fait entériner par le Bureau quelques modifications du Règlement de l’Assemblée.

Au Sénat, la démarche a sensiblement été la même sans toutefois prendre la même dimension. Gérard Larcher, son Président a estimé qu’il devait répondre à l’annonce du Président de la République formulée devant le Parlement réuni en Congrès le 3 juillet 2017, de son intention de procéder à une révision constitutionnelle.

Il a donc constitué, au lendemain du renouvellement partiel du Sénat, de septembre dernier, un groupe de travail réunissant l’ensemble des sensibilités politiques du Sénat. Quatre axes de travail¬ ont été retenus : assurer la représentation au Parlement de tous les territoires de la République, dans leur diversité, rénover le travail parlementaire au service de la qualité de la loi et de la lutte contre l’inflation législative, renforcer la fonction de contrôle et d’évaluation du Parlement au service d’une démocratie plus exigeante et enfin adapter le fonctionnement de certaines de nos institutions, judiciaires notamment.

Le 24 janvier 2018 le groupe de travail a rendu son rapport « Mieux faire la loi, mieux contrôler l’action du Gouvernement, réconcilier les citoyens avec le Parlement ».¬ En présentant ce rapport le Président de la Haute assemblée s’est prononcé plus précisément sur ce qu’il retenait et en vue de la prochaine révision constitutionnelle, et a repoussé catégoriquement certaines propositions de l’Assemblée nationale.

1. L’ORGANISATION DU PARLEMENT

1.1. Les membres des assemblées

1.1.1. Leur nombre

La réduction du nombre de parlementaires est dans l’air du temps depuis plusieurs années et notamment depuis la campagne présidentielle. Candidat, Emmanuel Macron avait soutenu cette mesure, Président de la République il l’avait promise devant le Parlement réuni en Congrès le 3 juillet 2017. Le Président de l’Assemblée nationale l’a reprise à son compte ainsi que l’Assemblée elle-même.

Le groupe de travail sur la procédure législative, l’organisation parlementaire et les droits de l’opposition de l’Assemblée nationale rappelle que la France compte un parlementaire pour 70 000 habitants tandis que le Royaume-Uni en compte un pour 45 000, l’Italie, un pour 63 000 et la Pologne, un pour 67 000. Alors que le ratio du nombre d’habitants par député, en France s’établit à 113 000. Il est proche du ratio allemand qui s’élève depuis les dernières élections à 114 000 habitants.

Les chiffres en question ne sauraient à eux seuls justifier la réduction du nombre de parlementaires. Pour François de Rugy, cette mesure rendrait le Parlement plus efficace et plus fort, car elle permettrait d’augmenter les moyens des parlementaires grâce aux économies ainsi dégagées. Cela pourrait passer par exemple, par une augmentation du nombre de collaborateurs par élus, qui bénéficieraient de rémunérations plus attractives pour attirer des profils plus experts.

En conséquence, les effectifs des deux chambres seraient réduits de 30 %. Ils passeraient ainsi de 577 à 403 pour l’Assemblée nationale et de 348 à 244 pour le Sénat.

Evidemment, il faudrait dans ces conditions réduire le nombre de parlementaires exigé pour saisir le Conseil constitutionnel, afin qu’il se prononce sur les conditions de mise en œuvre des pouvoirs de crise prévus à l’article 16 de la Constitution ou sur la constitutionnalité d’un traité ou d’une loi, serait abaissé de 60 à 42.

Le Sénat n’est pas opposé à la réduction du nombre de parlementaires. Toutefois, il se réserve le droit de pouvoir débattre du nombre de parlementaires à supprimer ce qui lui permettrait de veiller au maintien de l’équilibre actuel entre la part des députés (62 %) et celle des sénateurs (38 %) dans le nombre total de parlementaires et de prévoir des mesures transitoires pour conserver l’équilibre des pouvoirs entre les deux assemblées pendant la période nécessaire à l’éventuelle diminution, en particulier pour les révisions constitutionnelles.

Voulant « concilier la démocratie du nombre et celle des territoires », le Sénat voudrait inscrire dans la Constitution l’obligation d’élire dans chaque département au moins un député et un sénateur ainsi que dans chaque collectivité territoriale à statut particulier ou chaque collectivité d’outre-mer. Ainsi selon les sénateurs, serait préservé l’ancrage territorial des parlementaires.

1.1.2. Le mode de scrutin

Afin de garantir une meilleure représentation de la diversité des sensibilités politiques et de lutter contre l’abstention, l’introduction d’une dose de proportionnelle dans l’élection des députés serait décidée.

Le groupe de travail de l’Assemblée nationale propose de préciser dans l’article 24 de la Constitution que « les députés sont élus au scrutin majoritaire, au scrutin proportionnel ou selon un scrutin mixte, offrant une combinaison alternative ou cumulative des deux ». Pour eux, il ne s’agirait pas de « constitutionnaliser » un mode de scrutin et d’empêcher ainsi les législateurs ordinaires d’en changer, mais d’affirmer que toutes les options sont ouvertes et possibles.

Les Sénateurs sont d’accord sur l’introduction de la proportionnelle mais voudraient garantir la stabilité des modes de scrutin de chaque assemblée en les déterminant dans la loi organique.

Mais surtout, Gérard Larcher veut que la proportion de députés élus selon ce mode de scrutin soit faible : « il ne saurait être question que d’une part minoritaire [de proportionnelle] et significativement inférieure au niveau proposé par le président de l’Assemblée nationale ». Selon ce dernier, en effet, 25 % des députés devraient être élu selon ce type de scrutin.

Plus précisément, le groupe de travail sur la procédure législative, l’organisation parlementaire et les droits de l’opposition de l’Assemblée nationale propose de l’appliquer à 90 sièges sur 403, dans une circonscription nationale unique. En outre, un seuil de 5 % des suffrages exprimés seulement serait requis pour prétendre à la répartition des sièges. Les doubles candidatures pourraient être interdites afin d’éviter qu’un candidat battu dans le cadre d’un scrutin uninominal soit néanmoins élu sur une liste nationale.

1.1.3. La limitation du cumul des mandats dans le temps

La limitation du cumul d’un mandat parlementaire et d’une fonction exécutive locale étant acquis depuis les lois organique et ordinaire du 14 février 2014, la même logique de limitation de l’exercice de mandats a débouché sur la volonté de limiter le nombre de mandats dans le temps.

Cette limitation constitue selon les députés et leur Président, une étape indispensable pour favoriser le renouvellement et la diversification de la classe politique.

La limitation du cumul à trois mandats consécutifs et identiques devrait être prévue pour les mandats de député et de sénateur mais également pour celui de représentant au Parlement européen. Elle ne s’appliquerait pas à tous les mandats locaux, en raison des difficultés qui existent parfois à trouver des candidats pour exercer de telles charges dans les petites communes. Mais dans des collectivités de 10000 habitants et plus, rien ne s’y opposerait.

La mesure entrerait en vigueur au prochain renouvellement de l’assemblée concernée, mais ne seraient décomptés que les mandats en cours lors de l’adoption de la réforme.

Cette réforme exigerait une révision constitutionnelle. Car elle s’analyse comme une restriction de l’éligibilité des citoyens. Or le Conseil constitutionnel estime dans sa Décision n° 82-146 DC du 18 novembre 1982 « que la qualité de citoyen ouvre le droit de vote et l'éligibilité dans des conditions identiques à tous ceux qui n'en sont pas exclus pour une raison d'âge, d'incapacité ou de nationalité, ou pour une raison tendant à préserver la liberté de l'électeur ou l'indépendance de l'élu ».

On remarquera d’ailleurs que la révision constitutionnelle de 2008 a limité l’éligibilité du chef de l’État à deux mandats consécutifs.

Le Président du Sénat y est catégoriquement opposé. Pour lui, elle n’est pas acceptable car elle porte atteinte à la liberté de choix des électeurs qui découle des principes de l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. De plus, elle ne trouve pas d’équivalent dans la plupart des grandes démocraties européennes. Mais l’argument le plus efficace selon le Président du Sénat tient au fait que cette mesure serait inutile car le renouvellement des assemblées n’a pas attendu cette réforme pour s’opérer. Seuls 7 sénateurs sur 348 seraient aujourd’hui concernés par cette disposition. Pour ce qui est des députés la situation est comparable. Alors que durant la dernière législature 25 % des députés dépassaient cette limitation ; ils ne sont plus que 9 % sous l’actuelle législature (2 députés ont entamé leur 7e mandat, 9 leur 6e, 14 leur 5e et 26 leur 4e).

1.2. Les réunions des assemblées

L’amélioration du travail parlementaire passe par une meilleure organisation des réunions des parlementaires, qu’il s’agisse de la session, de l’ordre du jour des séances ou encore des commissions.

1.2.1. La réorganisation de la session ordinaire

Depuis la révision constitutionnelle de 1995, le Parlement se réunit en une session ordinaire unique qui débute le premier jour ouvrable d’octobre et se termine le dernier jour ouvrable de juin. Cette session unique de neuf mois, contre deux sessions de six mois en tout auparavant, semblait apparemment allonger le temps pendant lequel les parlementaires pouvaient travailler. Or il n’en est rien ou presque, puisque le nombre de jour de séances pendant la session restait le même à savoir cent vingt jours. Certes l’article 28 de la Constitution précise que : « Le Premier ministre, après consultation du président de l'assemblée concernée, ou la majorité des membres de chaque assemblée peut décider la tenue de jours supplémentaires de séance ». Mais cette possibilité ne constitue qu’une demi-mesure. Le plafond en question n’a, en effet, été dépassé qu’à six reprises depuis 1995.

Il faut dire qu’à travers cette réforme, il s’agissait certes d’étaler dans le temps le travail des parlementaires de façon à mieux organiser leur présence à Paris et dans leur circonscription, mais il s’agissait aussi d’assurer une plus grande continuité de l’action du Parlement et notamment en termes de contrôle du Gouvernement, mais il ne fallait pas pour autant favoriser l’inflation législative.

Cette réforme n’a pas selon les parlementaires donné satisfaction. Le temps accordé aux députés et aux sénateurs par la session ordinaire étant trop court, les séances de nuit se sont multipliées. Quant aux sessions extraordinaires elles ont été systématiquement convoquées par le Président de la République à la demande du Premier ministre, en juillet et en septembre. (dix-huit fois depuis 1995).

C’est pourquoi le groupe de travail sur la procédure législative, l’organisation parlementaire et les droits de l’opposition de l’Assemblée nationale suggère que la durée des sessions ordinaires soit allongée d’environ un mois afin de permettre au Parlement de se réunir de plein droit de la mi-septembre à la mi-juillet. Quant au « verrou » des cent-vingt jours, il serait supprimé.

Les sénateurs veulent également mieux gérer le rythme des sessions parlementaires. Pour eux en effet, la systématisation des sessions extraordinaires induit une inflation législative et une désorganisation du travail parlementaire. Ils sont donc sur les positions des auteurs de la réforme de 1995 et par conséquent ne veulent surtout pas allonger les sessions ni renoncer au « verrou ». Ils proposent en effet de remplacer le plafond actuel de cent-vingt jours de séance par an, qui ne concerne que la session ordinaire et peut être facilement contourné, par un plafond de cent-quarante jours qui s’appliquerait tant à la session ordinaire qu’aux sessions extraordinaires et ne pourrait être levé que dans des hypothèses strictement encadrées. 35 du groupe de travail).

1.2.2 L’ordre du jour des séances

La révision constitutionnelle de 2008 a permis au Parlement de mieux maîtriser son ordre du jour. Le Parlement dispose en effet de deux semaines, par mois pendant la session ordinaire dont il détermine l’ordre du jour. Sur ces deux semaines, une est consacrée au travail législatif, l’autre au contrôle du Gouvernement.

Le groupe de travail de l’Assemblée nationale estime que le bilan de cette réforme est quelque peu contrasté dans la mesure d’une part, où le partage de l’ordre du jour n’a pas permis au Parlement de récupérer véritablement la maîtrise de celui-ci et d’autre part, les semaines de contrôle n’ont pas conduit à une revalorisation du rôle du Parlement en la matière.

Pour ce qui est du premier point, il faut rappeler que des textes aussi importants que les projets de loi de finances, les projets de loi de financement de la sécurité sociale ainsi que les textes transmis par l’autre assemblée depuis six semaines au moins, les projets relatifs aux états de crise et les demandes d’autorisation d’intervention armée sont à la demande du Gouvernement, inscrits à l’ordre du jour par priorité si besoin durant la semaine parlementaire.

En ce qui concerne le deuxième point, force est de constater que la semaine consacrée au contrôle et à l’évaluation des politiques publiques n’a pas permis de rééquilibrer l’investissement des parlementaires dans l’exercice de leur fonction de contrôle et leur fonction législative et ce malgré des efforts notables.

En conséquence, le rapport du groupe de travail sur la procédure législative, l’organisation parlementaire et les droits de l’opposition de l’Assemblée nationale suggère de faire évoluer les règles relatives à l’ordre du jour. Plus précisément, il propose de fusionner les semaines de contrôle et de législation afin d’assurer une plus grande souplesse dans la détermination de l’ordre du jour des deux semaines. En donnant plus de marges de manœuvre au Parlement dans la détermination de son ordre du jour, cette mesure permettrait de mieux organiser le travail des assemblées.

Les sénateurs sont sur ce point complètement d’accord avec les députés puisque dans leur rapport ils préconisent la même mesure. Mais s’agissant de l’ordre du jour et de son partage, les députés vont un peu plus loin. L’article 48 de la Constitution prévoit également qu’« Un jour de séance par mois est réservé à un ordre du jour arrêté par chaque assemblée à l'initiative des groupes d'opposition de l'assemblée intéressée ainsi qu'à celle des groupes minoritaires ».

Les députés dans leur rapport proposent que le « jour de séance » réservé à l’opposition, soit trois séances (matin, après-midi et soir) soit transformé en une séance hebdomadaire. Cette augmentation de la fréquence et du nombre de ces séances serait d’autant plus forte (de l’ordre de 35 % de séances en plus) si la durée de la session ordinaire était allongée comme le groupe de travail l’a proposé.

1.2.3. Les commissions

L’article 43 de la Constitution limitait, depuis 1958, le nombre de commissions permanentes au sein de chaque assemblée à six. La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a porté ce plafond à huit.

Cette limitation est propre à la France et ne se constate pas chez nos voisins allemands ou anglais. Elle s’explique par l’histoire. Sous la IIIe République notamment, elles jouaient un rôle considérable qu’illustre bien ce propos de Raymond Poincaré : «Il n’y a pas d’inculpé devant un juge d’instruction, il n’y a pas de prévenu devant un tribunal correctionnel qui ne se sente plus à l’aise qu’un Chef de Gouvernement en présence d’une Commission parlementaire ».

Les temps ont bien changé et c’est pourquoi lors de la révision de 2008 le nombre maximum de commissions a été porté à huit. Il faut dire que la limitation du nombre de commissions avait provoqué l’éclosion d’organismes parlementaires nouveaux, sous la forme de « délégations » ou d’« offices », un phénomène qui n’a pas disparu pour autant. De la même manière, aujourd’hui encore, cette situation entraîne une répartition peu satisfaisante de la charge de travail entre les commissions, certaines sont notoirement surchargées. Cette difficulté est accentuée par le fait que les compétences des commissions permanentes ne recoupent pas nécessairement celles des ministères. De plus la volonté affirmé et traduite dans les faits de leur faire jouer un rôle plus important dans le processus législatif commande de revenir sur cette limitation du nombre de commissions permanentes.

C’est ce que propose le groupe de travail sur la procédure législative, l’organisation parlementaire et les droits de l’opposition de l’Assemblée nationale d’autant plus que l’augmentation du nombre de commissions pourrait également offrir l’occasion de revoir la répartition des présidences des commissions entre les groupes, en envisageant la répartition des postes à responsabilité à la proportionnelle des effectifs des groupes.

Les sénateurs ne se sont pas prononcés sur cette question, mais ils proposent d’étendre les moyens de contrôle et d’évaluation des commissions permanentes en leur reconnaissant des pouvoirs permanents d’investigation sur pièce et sur place.

2. LES FONCTIONS DES ASSEMBLÉES

La fonction législative comme la fonction d’évaluation et de contrôle font l’objet de proposition de la part des députés comme des sénateurs.

2.1 La fonction législative

Selon le rapporteur du groupe de travail de l’Assemblée nationale sur la procédure législative, l’organisation parlementaire et les droits de l’opposition, Jean-Michel Clément, « Le Parlement travaille actuellement dans de mauvaises conditions, au détriment de la qualité de la loi et de celle du débat démocratique. Ce constat est très largement partagé, sur tous les bancs. Il l’est également dans l’opinion publique ».

Pour améliorer l’exercice de la fonction législative, le rapport préconise une triple intervention. Il faut en premier lieu renforcer l’information préalable des parlementaires, ensuite il est nécessaire de modifier la procédure d’élaboration de la loi, enfin, lorsque la loi est adoptée il est indispensable d’améliorer son application.

2.1.1. Une meilleure information préalable

L’information dont ont besoin les parlementaires doit venir d’abord du Gouvernement. Selon eux, le Premier ministre devrait présenter tous les six mois ou chaque année son programme politique général, qui donnerait au Parlement de la visibilité quant aux orientations législatives de l’exécutif. Les sénateurs sont également favorables à une telle mesure mais ils parlent d’un programme de travail.

Dans un deuxième temps le Gouvernement, ferait part de son intention de légiférer sur un sujet particulier ce qui permettrait de mieux anticiper les projets du Gouvernement et d’identifier clairement le point de départ de la procédure d’élaboration.

Dans ces conditions, la commission permanente compétente au fond pourrait créer une mission d’évaluation préalable qui comprendrait des députés de chaque groupe politique et serait conduite par deux co-rapporteurs, l’un appartenant à la majorité, l’autre à l’opposition. Elle pourrait également comporter, de droit, un membre de la commission des affaires européennes afin que la question de la conformité au droit de l’Union européenne soit prise en compte. Cette mission pourrait également bénéficier du concours de la Cour des comptes qui selon l’article 47-2 de la Constitution, « assiste le Parlement (…) dans l’évaluation des politiques publiques ». Elle pourrait également procéder à des consultations citoyennes.

L’information préalable du Parlement serait complétée par l’intervention du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Un processus de consultations rénové et recentré serait mis en place. Le CESE pourrait élaborer son avis, en parallèle du travail parlementaire et venir le présenter à la mission d’information préalable, puis un peu plus tard à la commission parlementaire compétente.

Enfin, l’information du Parlement serait complétée par le Conseil d’Etat. Celui-ci est obligatoirement consulté sur les projets de loi avant qu’ils ne soient délibérés en conseil des ministres et déposés sur le Bureau de l’une des assemblées.

Depuis la révision constitutionnelle de 2008, le président de l’Assemblée nationale ou du Sénat peut demander un avis au Conseil d’Etat sur une proposition de loi avant son examen en commission, sauf si son auteur s’y oppose. Ces avis se sont révélés précieux pour les rapporteurs. Ils confèrent aux propositions de loi qui lui sont soumises une « validité» juridique renforcée.

C’est pourquoi, le rapporteur préconise de rendre systématique la consultation du Conseil d’Etat pour les propositions de loi inscrites à l’ordre du jour de l’une des assemblées, mais il demeurerait facultatif pour les autres propositions de loi.

D’autre part, la consultation préalable du Conseil d’État pourrait aussi devenir obligatoire pour tous les amendements du Gouvernement. Cette consultation pourrait aussi être autorisée, dans certaines conditions, pour les amendements des parlementaires, sans être rendue obligatoire.

Les sénateurs ne vont pas jusque-là, mais ils demandent d’inscrire dans la Constitution le principe de la publicité des avis rendus par le Conseil d’Etat même si en fait depuis 2015 la plupart le sont.

Toutefois, ils sont également sensibles à l’idée du développement de l’information du Parlement. A cette fin ils privilégient un autre instrument : l’étude d’impact.

La loi organique du 15 avril 2009, issue de la révision constitutionnelle de 2008 dispose que les projets de loi font l’objet d’une étude d’impact comportant un exposé précis sur des points longuement énumérés.

Conçues comme un instrument pour aider à combattre l’inflation législative et améliorer la qualité des lois, les études d’impact ont été définies de manière particulièrement ambitieuse, peut-être trop. Dans son rapport le sénateur Hugues Portelli, relevait « la désinvolture fréquente avec laquelle les études d’impact de nombreux projets de loi sont élaborées ». Il concluait en précisant que les nouvelles obligations n’ont « nullement remédié à la crise de la production législative »

C’est pourquoi le groupe de travail du Sénat propose de renforcer les exigences relatives au contenu des études d’impact. En particulier, elles doivent indiquer quels sont les moyens humains, financiers et informatiques et les délais nécessaires à la mise en œuvre des réformes.

Il faut en outre en étendre le champ d’application aux ordonnances et aux amendements du Gouvernement introduisant des mesures nouvelles. Les sénateurs ne se contentent pas seulement de préciser le contenu des études d’impact, ils veulent renforcer le contrôle de ces mesures en étendant à la Conférence des Présidents de chaque assemblée le droit de constater que les obligations relatives aux études d’impact ne sont pas remplies alors qu’aujourd’hui c’est seulement la Conférence des présidents de la première assemblée saisie qui est compétente. Les sénateurs veulent également allonger le délai de dix jours à trois semaines durant lequel les Conférences des Présidents peuvent constater que les obligations ne sont pas remplies.

2.1.2. Une meilleure procédure de discussion

2.1.2.1. Un nouveau cursus législatif

Le groupe de travail de l’Assemblée nationale propose de revoir le profil de la discussion des projets et propositions de loi. Plus précisément il voudrait substituer à la discussion générale, par laquelle commence la discussion en séance publique, un débat d’orientation préalable qui constituerait un premier débat de nature politique et donnerait un cadre général au travail de la commission et du rapporteur, lequel pourrait être plus juridique et technique. Mais à la différence de la discussion générale actuelle, il interviendrait en amont de l’examen du texte par la commission compétente.

Le Sénat en 2009 avait prévu dans son Règlement, un débat d’orientation, mais il avait été invalidé par le Conseil constitutionnel. C’est pourquoi il faudrait pour l’instaurer passer par la voie constitutionnelle.

La rationalisation du débat législatif passe également par l’instauration d’une procédure de « temps organisé » ou « structuré ». Il existe certes depuis 2009 une procédure du temps législatif programmé (TLP), mais elle n’a pas eu l’effet positif que l’on en attendait. Dans ce cadre, chaque groupe politique dispose d’un temps minimum. Il est plus important pour les groupes d’opposition, 60% pour ces derniers, réparti entre eux en fonction de leur importance numérique, et 40 % aux autres groupes, réparti entre eux selon la même règle. Un temps supplémentaire peut éventuellement être décidé.

Avec des durées globales de discussion trop longues, le TLP n’a pas garanti une meilleure organisation de la semaine parlementaire. Le « temps organisé » ou « structuré » fonctionnerait autrement, il permettrait de décliner le temps global à l’intérieur de la séquence d’examen des articles, afin d’organiser les séances en fonction de la structure des textes de loi et moins en fonction des groupes parlementaires. La logique technique de l’efficacité législative se substituerait ainsi à la logique politique de l’affrontement majorité/opposition.

L’amélioration du cursus législatif passe enfin par la suppression de la seconde délibération. Elle permet, à la fin de l’examen d’un texte, de le réexaminer. Cette seconde délibération est de droit si elle est demandée par le Gouvernement ou la commission saisie au fond, ou si celle-ci l’accepte. Utilisée principalement par le Gouvernement, elle constitue entre ses mains un moyen détourné pour revenir, en fin de discussion d’un texte, sur les votes émis par les parlementaires.

Elle serait cependant maintenue lors de l’examen d’un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale.

2.1.2.2. Un renforcement du rôle des commissions

La révision constitutionnelle de 2008 a renforcé le rôle des commissions permanentes en prévoyant notamment que la discussion des projets ou des propositions de loi se fait sur le texte élaboré en commission et non plus sur le texte initial. Cette disposition a inversé le rapport de force entre la commission et le ministre concerné. Celui-ci a intérêt désormais à participer pleinement à l’ensemble des débats de la commission, mais ce n’est pas toujours le cas, aussi le groupe de travail sur la procédure législative, l’organisation parlementaire et les droits de l’opposition propose de rendre obligatoire la présence des membres du Gouvernement lors de l’examen d’un texte par une commission.

Les commissions permanentes pourraient également jouer un rôle plus important si l’on simplifiait l’examen des textes les plus consensuels en prévoyant un examen uniquement en commission. Une réunion en commission serait ouverte à tous les députés, ce qui permettrait d’élaborer le texte de la loi, avant la mise aux voix du texte en séance publique, sans possibilité d’amendement. En revanche, des explications de vote demeureraient bien entendu possibles. Une telle procédure a été introduite au Sénat par la résolution du 14 décembre 2017. Elle a été admise par le Conseil constitutionnel.

Le renforcement du rôle des commissions passe aussi par l’allongement du temps dont elles disposent pour examiner les textes qui leurs sont soumis. Depuis 2009, l’examen en première lecture des projets et propositions de loi ne peut intervenir, en séance publique, qu’à l’expiration d’un délai de six semaines à compter de leur dépôt sur le Bureau de la première assemblée saisie, puis d’un délai de quatre semaines à compter de leur transmission à la seconde. Si l’on veut remettre les commissions permanentes au centre du processus législatif, c’est à l’examen des textes en commission qu’il faudrait soumettre ces délais et non pas à l’examen en séance.

2.1.2.3. Une simplification du règlement des désaccords entre assemblées

Le bicamérisme de la Cinquième République est particulier puisque dans le domaine législatif il est en principe égalitaire ce qui signifie qu’un texte ne devient loi que dans la mesure où il est adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées. A ce stade elles ont exactement les mêmes pouvoirs. Mais le Gouvernement peut intervenir en cas de désaccord et donner le dernier mot à l’Assemblée nationale. Toutefois cela n’est possible qu’après la réunion d’une commission mixte paritaire (CMP). Celle-ci ne peut être réunie qu’après deux lectures dans chaque assemblée. Si le désaccord subsiste après l’intervention de la CMP il faut que celui-ci soit confirmé lors d’une dernière lecture, celle, pourrait-on dire de la dernière chance, pour que l’Assemblée nationale puisse se prononcer seule.

Le groupe de travail des députés voudrait simplifier quelque peu ce système. En particulier il voudrait réduire le nombre de lectures préalable à la convocation de la CMP de deux à une. La raison en est simple. Le Gouvernement a la possibilité de recourir à la procédure accélérée qui lui permet de convoquer la CMP après une seule lecture. Or cette procédure accélérée, d’exceptionnelle en principe est devenue quasiment normale. Ainsi, entre 2011 et 2017, la procédure accélérée a été mise en œuvre pour l’examen de 230 textes, dont 169 projets et 61 propositions de loi. Pourquoi ne pas mettre en accord le droit et les faits ?

Dans le projet du groupe de travail des députés, les Conférences des présidents pourrait s’opposer conjointement à la nouvelle règle.

Les sénateurs ne sont pas sur cette ligne. Eux veulent encadrer la procédure accélérée. Ils proposent, dans leur rapport, de permettre à chaque Conférence des présidents de s’opposer au recours à la procédure accélérée, alors qu’actuellement, seule une décision conjointe des deux Conférences peut le faire.

La simplification du règlement des désaccords entre les assemblées passe aussi pour les députés par la suppression de la « lecture de la dernière chance »

Cette proposition vise à réduire la durée de la navette parlementaire en réduisant le nombre d’étapes consécutives à l’échec d’une CMP. En donnant directement le dernier mot à l’Assemblée nationale à l’issue de l’échec d’une CMP, l’Assemblée conserverait la possibilité, comme aujourd’hui, de reprendre soit le texte de la CMP, soit le texte adopté par elle, auquel elle pourrait intégrer des amendements adoptés au Sénat.

La Chambre haute ne voit pas les choses de la même manière. Pour elle, vouloir raccourcir les délais d’élaboration de la loi en supprimant cette lecture est un leurre. Il s’agit en réalité d’une remise en cause du bicamérisme. C’est pourquoi elle est favorable à un maintien du système actuel.

2.1.2.4. Un nouveau régime des amendements

Jean-Luc Warsmann, le Président du groupe de travail sur la procédure législative, l’organisation parlementaire et les droits de l’opposition de l’Assemblée nationale estime que « Le Parlement est malade ». Le nombre d’amendements déposés, chaque année, avec pour corollaire l’augmentation continue de la durée des débats est l’un des symptômes de cette maladie. Il rappelle que durant la XIVe législature (2012-2017), plus de 169 000 amendements ont été déposés, à l’Assemblée nationale, tant en commission qu’en séance publique. Pour ce qui est de la législature actuelle il précise que la discussion du projet de loi de finances pour 2018 a donné lieu à plus de 150 heures de débats en séance et au dépôt de 3 322 amendements – soit une fois et demi plus que l’année précédente. Enfin il faut rappeler que la loi « égalité et citoyenneté » du 27 janvier 2017 comptait 224 articles alors que le projet de loi initial n’en comportait que 41.

Les députés et les sénateurs ne sont pas les seuls à user du droit d’amendement, le Gouvernement l’utilise également. Dans ces conditions les parlementaires veulent encadrer ce droit quand il est mis en œuvre par les ministres.

Depuis la loi organique du 15 avril 2009 les amendements cessent d'être recevables après le début de l'examen du texte en séance publique. Cependant, les amendements déposés par le Gouvernement ou par la commission saisie au fond sont seuls recevables. Le groupe de travail de l’Assemblée nationale propose de supprimer cette faculté pour le Gouvernement en ne la maintenant que pour la commission.

Ces amendements « hors délai », constituent une source de tensions avec les parlementaires. Ils donnent souvent le sentiment que le Gouvernement cherche à s’imposer par la surprise et par la force. De plus ils n’ont pas le temps d’être sérieusement expertisés. C'est la raison pour laquelle les sénateurs non seulement estime que les amendements du Gouvernement devraient être soumis à un délai limite, mais qui plus est, ils proposent que les amendements du Gouvernement qui prévoient des mesures nouvelles soient soumis à l’avis du Conseil d’Etat et soient assortis d’une étude d’impact.

De plus, les sénateurs estiment que le temps de parole du Gouvernement dans l’hémicycle doit être encadré comme l’est celui des parlementaires.

Les députés de leur côté voudraient revenir sur l’irrecevabilité financière qui frappe le dépôt de tout amendement créant ou aggravant une charge publique, même gagé par la diminution ou la suppression d’une charge équivalente.

L’assouplissement des règles de recevabilité financière des amendements favoriserait l’initiative parlementaire en supprimant le « couperet », jugé parfois arbitraire, que constitue le contrôle a priori assuré, en pratique, par le président de la commission des finances. Ces amendements seraient publiés, et discutés à condition d’être correctement gagés, mais seraient susceptibles d’être frappés d’irrecevabilité par la suite.

Finalement les différentes mesures proposées en matière d’amendement semblent aller à l’encontre des préoccupations du Président Warsmann. Il est vrai que le droit d’amendement est sacro-saint pour bon nombre de parlementaires, mais son usage immodéré comme en témoignent les chiffres donnés plus haut ne va pas dans le sens d’une saine pratique législative.

2.1.3. Une meilleure application des lois

Si la durée moyenne entre la décision de légiférer et la publication de la loi est voisine de vingt mois, le temps nécessaire à l’entrée en vigueur de la loi est parfois plus long encore. En effet celle-ci nécessite la publication des règlements d’application. Or le Gouvernement met souvent de nombreux mois pour les publier. Ainsi, comme le rappelle le rapporteur du groupe de travail, les premiers décrets d’application de la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République ont été publiés six mois après la promulgation tandis que les derniers l’ont été deux ans plus tard.

Le Gouvernement s’est bien fixé un délai de six mois pour prendre les mesures nécessaires, mais comme c’est lui-même qui s’est fixé cette obligation, elle n’est pas toujours respectée. Ainsi, comme, le montre l’exemple cité plus haut, parfois il faut plusieurs années pour que tous les textes d’application soient adoptés.

L’article 145-7 du Règlement de l’Assemblée, prévoit bien depuis 2009 que, six mois après l’entrée en vigueur d’une loi, un député de la majorité et un député de l’opposition, ce que l’on appelle un « binôme majorité-opposition » présente à la commission compétente un rapport précisant les mesures réglementaires d’application de cette loi.

Le groupe de travail voudrait « donner une assise constitutionnelle » au mécanisme qui fonctionne aujourd’hui, ce qui le rendrait plus efficace. Ainsi, un délai de droit commun de six mois maximum serait accordé au Gouvernement par la Constitution pour procéder à la publication des mesures réglementaires nécessaires à l’application des lois.

Un double mécanisme de contrôle serait mis en place. D’abord, pour chaque loi dont la mise en œuvre prévoit la publication de textes de nature réglementaire, le Parlement, six mois après son entrée en vigueur, contrôlerait sa mise en application de par le Gouvernement. Ensuite, chaque année systématiquement, le Parlement entendrait chaque ministre rendre compte de l’avancement de l’application des lois dont il a la charge. C’est à l’occasion de l’examen du projet de loi d’exécution budgétaire et d’approbation des comptes de l’Etat que ce contrôle interviendrait devant Les commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Pour être efficace, ce double contrôle, devrait être sanctionné. C’est ce que prévoit le groupe de travail dans son rapport. Il prendrait la forme d’un transfert de compétence temporaire du pouvoir réglementaire au profit du Parlement. Le rapport prévoit en effet qu’à l’expiration du délai de six mois, si le Gouvernement n’a pas procédé à la publication des règlements d’application, le Parlement peut, de plein droit, prendre lui-même les mesures nécessaires à son application.

Le groupe de travail sur les moyens de contrôle et d’évaluation va plus loin encore puisqu’il propose la création d’un recours permettant à soixante députés ou à soixante sénateurs de contester, devant le Conseil d’Etat, soit la carence du pouvoir réglementaire dans la publication des décrets au terme d’un délai raisonnable, soit l’édiction de textes réglementaires dont les parlementaires considéreraient qu’ils ne respectent pas l’intention du législateur.

Les sénateurs sont sur des positions assez proches de celles des députés. Comme les députés, les sénateurs veulent inscrire dans la Constitution l’obligation de prendre des mesures règlementaires permettant l’application des lois sans toutefois prévoir un délai de six mois. Ils veulent consacrer le rôle du Parlement dans le contrôle de cette obligation, en permettant aux présidents des deux assemblées, ainsi qu’à soixante députés ou soixante sénateurs de saisir le Conseil d’Etat en l’absence de publication des mesures réglementaires d’application d’une loi dans un délai raisonnable.

Dans leur rapport, les sénateurs estiment que la fonction législative souffre de deux maux : l’inflation législative et l’intégration dans les textes législatifs de dispositions qui ont un caractère règlementaire. Pour ce qui est de la lutte contre le premier mal, les propositions du Sénat déjà évoquées ainsi que celles de l’Assemblée nationale peuvent apporter des solutions dans une certaine mesure. Mais pour ce qui est du second mal, le Sénat propose de renforcer le système de protection du domaine de la loi.

Actuellement, l’article 41 de la Constitution prévoit que « S'il apparaît au cours de la procédure législative qu'une proposition ou un amendement n'est pas du domaine de la loi (…) le Gouvernement peut opposer l'irrecevabilité ». Cette possibilité n’est donc ouverte qu’au Gouvernement. Les sénateurs estiment que l’irrecevabilité pourrait être soulevée par les commissions qui se prononceraient à la place du Président de l’assemblée concernée comme actuellement.

2.2. La fonction d’évaluation et de contrôle

2.2.1. Un renforcement des pouvoirs de contrôle du Parlement

Les commissions d’enquête sont l’un des instruments permettant aux assemblées du Parlement d’exercer leur fonction de contrôle. Mais leurs pouvoirs peuvent être sérieusement restreint par l’effet d’une disposition de l’ordonnance du 17 novembre 1958 qui interdit la création d’une commission d’enquête sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires et aussi longtemps que ces poursuites sont en cours. Si une commission a déjà été créée, sa mission prend fin dès l’ouverture d’une information judiciaire relative aux faits sur lesquels elle est chargée d’enquêter. Le Sénat et l’Assemblée nationale sont d’accord pour supprimer cette disposition et ainsi élargir le champ d’investigation et donc les pouvoirs des commissions d’enquête.

Les commissions d’enquête bénéficient de pouvoirs importants afin de mener à bien leurs investigations (convocation, audition sous peine de sanction pénale communication de documents pouvoir de contrôle sur pièces et sur place, , droit de communication) le président, le rapporteur général et les rapporteurs spéciaux de la commission des finances et de celle des affaires sociales disposent des mêmes pouvoirs s’agissant du contrôle de l’exécution des lois de finances et de la loi de financement de la Sécurité sociale

De plus depuis 1996 les commissions permanentes peuvent demander à leur assemblée de bénéficier des prérogatives des commissions d’enquête mais seulement pour une mission déterminée et une durée n’excédant pas six mois.

Le groupe de travail de l’Assemblée nationale sur les moyens de contrôle et d’évaluation propose d’introduire dans la Constitution une disposition généralisant l’attribution de ces pouvoirs à l’intégralité des instances chargées au sein de chaque assemblée d’exercer des missions de contrôle et d’évaluation.

Cette proposition est reprise par les sénateurs dans leur rapport.

Il est un autre pouvoir que les députés, dans leur rapport, demandent de reconnaître au Parlement, c’est celui d’injonction. Par l’exercice de ce pouvoir, le Parlement pourrait donner des suites à ses contrôles et ses évaluations en imposant au Gouvernement un certain nombre d’actions. Or ce pouvoir est interdit par la jurisprudence du Conseil constitutionnel et par la Constitution elle-même. Il faut donc revenir sur cette interdiction, selon les députés du groupe de travail, ce qui ferait du pouvoir de contrôle un véritable pouvoir.

Pour rendre la mission de contrôle et d’évaluation plus efficace, sans aller jusqu’à l’injonction, la reconnaissance d’un droit de suite au Parlement irait dans le bon sens. Le groupe de travail des députés propose qu’une audition systématique des ministres responsables soit prévue au terme d’un délai de six mois après le dépôt d’un rapport d’une mission de contrôle ou d’évaluation contenant des recommandations à l’égard du gouvernement. En fonction des réponses apportées lors de ces auditions des injonctions pourraient être utiles.

D’autres propositions visent des pouvoirs de contrôle bien précis. Ainsi, depuis 2008 certaines nominations présidentielles font l’objet d’un contrôle par les commissions permanentes des deux assemblées. Plus précisément la nomination envisagée ne peut intervenir qu’après audition publique de la personne pressentie par les commissions compétentes des deux assemblées et lorsque l’addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés.

Le Parlement, à travers ses commissions, dispose ainsi d’un droit de véto. Les députés comme les sénateurs voudraient transformer ce droit de s’opposer à une nomination présidentielle en un droit d’approuver une nomination. Ainsi, celle-ci ne pourrait être validée que lorsque l’addition des votes positifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions. Les députés voudraient également étendre le champ des emplois et fonctions concernés à des organismes ayant un lien avec l’exercice par le Parlement de ses pouvoirs de contrôle et d’évaluation.

Les sénateurs font une autre proposition qui n’est pas reprise par les députés. Il s’agit du renouvellement annuel de l’autorisation d’intervention des forces armées sur un théâtre d’opération extérieur par le Parlement. Depuis 2008 cette autorisation est nécessairement demandée par le Gouvernement, selon l’article 35 de la Constitution, lorsque l’intervention dure plus de quatre mois. Dans ces conditions le contrôle parlementaire serait plus efficace.

2.2.2. Un développement des instruments de contrôle du Parlement

Comme leurs collègues du groupe de travail sur la procédure législative, l’organisation parlementaire et les droits de l’opposition, les députés du groupe de travail sur les moyens de contrôle et d’évaluation demandent la suppression du plafond constitutionnel de huit commissions permanentes. Car si ces commissions ont pour vocation première d’intervenir dans l’exercice de la fonction législative, elles n’en jouent pas moins un rôle non négligeable en matière de contrôle et surtout d’évaluation des politiques publiques. Sur ce dernier point, il faut rappeler qu’une bonne partie des politiques publiques est mise en œuvre par des lois. Lier l’élaboration des lois et leur application à l’évaluation de leurs résultats débouche nécessairement sur un travail en commission.

Si les commissions permanentes peuvent être un des lieux du contrôle, encore faut-il qu’elles disposent d’informations. Or l’administration qui est placé sous l’autorité du Gouvernement selon l’article 20 de la Constitution, détient de nombreuses informations qui pourraient être utiles aux parlementaires. Le groupe de travail propose donc que le Parlement puisse, bénéficier d’un droit de tirage limité sur des expertises relevant de l’administration. Ainsi, les députés et les sénateurs pourraient avoir recours aux contrôleurs de gestion des services d’inspection générale, aux statisticiens de l’INSEE, aux fiscalistes de la direction générale des finances publiques ou aux économistes de la direction générale du Trésor.

Outre la mise à disposition des moyens de l’exécutif, l’exercice par le Parlement de ses missions de contrôle et d’évaluation passe par l’augmentation de ses propres moyens. Des entités administratives déjà existantes pourraient être rattachées au Parlement. Selon le Président de l’Assemblée nationale, France Stratégie par exemple qui compte une centaine d’experts, pourrait être rattaché directement au Parlement. De plus, l’Assemblée nationale pourrait nouer des partenariats avec des universités et des laboratoires de recherche.

La Cour des comptes est un allié précieux pour le Parlement. Elle peut lui fournir de nombreuses informations. La Constitution reconnaît d’ailleurs ce rôle dans son article 47-2 : « La Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l'action du Gouvernement. Elle assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l'exécution des lois de finances et de l'application des lois de financement de la sécurité sociale ainsi que dans l'évaluation des politiques publiques ».

Cette assistance se traduit par des rapports que la Cour doit déposer auprès du Parlement lors de l’examen de différents projets de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. L’assistance peut aussi être sollicitée par les assemblées. Plus précisément ce sont les commissions des finances et les commissions des affaires sociales dans le cadre du contrôle de l’exécution des lois de finances et de l’application des lois de financement de la sécurité sociale qui peuvent solliciter la Cour et lui demander des enquêtes. De même, ce sont aussi les présidents des assemblées, au titre de l’évaluation des politiques publiques qui peuvent demander des enquêtes à la Cour.

Les sénateurs, dans leur rapport, proposent d’étendre les possibilités d’assistance de la Cour des comptes. Ils voudraient que toutes les commissions permanentes puissent solliciter la Cour et pas seulement les commissions des finances et les commissions des affaires sociales.

2.2.3. Un renouvellement des méthodes de contrôle et d’évaluation

L’évaluation des politiques publiques est devenue depuis 2008 une activité importante du Parlement. Le problème en la matière est celui de la méthode. Vérifier que les objectifs assignés par la loi ont bien été atteints et si oui dans quelle mesure telle est en somme l’objet d’une telle activité. Les études d’impact ou les rapports présentés en commission mettent en avant des critères qui permettent d’évaluer les lois. Toutefois une telle méthode présente des inconvénients. Le Gouvernement, le Sénat et l’Assemblée nationale ne se fondent pas sur les mêmes critères. Quelle est dans ces conditions la valeur du travail ainsi fourni de part et d’autre.

Pour éviter ce défaut, le groupe de travail de l’Assemblée nationale sur les moyens de contrôle et d’évaluation propose de prévoir, des critères figurant dans les lois elles-mêmes, afin de permettre de mesurer l’impact de ces lois et l’état de leur application future selon des objectifs définis en amont.

La meilleure méthode d’évaluation des politiques publiques est contenue dans la procédure budgétaire telle que la LOLF l’a renouvelée. Il faut privilégier l’examen de la loi de règlement car elle permet, en constatant les résultats obtenus et en les confrontant aux promesses de la loi de finances initiale, d’évaluer les différentes politiques publiques. Les espoirs qu’a fait naître la LOLF en ce domaine n’ont pas complètement été couronnés de succès. C’est pourquoi, les deux groupes de l’Assemblée nationale, celui travaillant sur les moyens de contrôle et d’évaluation et celui consacré à la procédure législative, l’organisation parlementaire et les droits de l’opposition proposent tous les deux de rééquilibrer le débat budgétaire, jugé aujourd’hui beaucoup trop concentré sur la prévision et l’autorisation, en faveur du contrôle et de l’évaluation de son exécution.

Pour atteindre cet objectif il est proposé de réduire les délais d’examen du projet de foi de finances initial de quarante jours à l’heure actuelle pour l’Assemblée nationale à vingt jours et de vingt jours à dix jours pour le Sénat. Le délai global passant de soixante-dix jours à quarante jours.

A l’inverse, le débat sur la loi de règlement qui prendrait le nom de loi de résultats ou de loi de réalisation et d’approbation des comptes de l’Etat serait revalorisé en prenant place, au printemps, dans une semaine ou une quinzaine du contrôle et de l’évaluation que pourrait conclure le débat d’orientation des finances publiques prévu par la LOLF, faisant ainsi un lien direct entre les exercices budgétaires successifs qui amorcerait un cercle vertueux.

Le travail accompli par les deux assemblées du Parlement est extrêmement important dans tous les sens du terme. Celui de l’Assemblée nationale l’est encore plus dans la mesure où il devrait se poursuivre. Ces travaux ne concernent d’ailleurs pas seulement le Parlement puisque des propositions concernant les collectivités territoriales ou les juridictions ont été faites notamment par le Sénat. Mais il est peu probable que toutes soient retenues dans le cadre de la future révision constitutionnelle.

Auteur(s) :

FERRETTI Raymond

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