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Les concours de la FPT

Par Frédéric ARCHER, docteur en droit privé et sciences criminelles, Maître de conférences H.D.R. Université Lille 2, Codirecteur de l'Institut de criminologie de Lille.
Dernière mise à jour : février 2019

 

Selon l’article 544 du Code civil : « la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ». Le droit de propriété se compose de trois attributs : l’usus, le fructus et l’abusus. Dans les hypothèses de démembrement de propriété, ces attributs vont se répartir entre plusieurs personnes. Les cas les plus classiques de démembrement sont l’usufruit et les servitudes.

1. L’usufruit

Dans l’usufruit, l’usus et le fructus appartiennent à l’usufruitier tandis que l’abusus est conservé par le nu-propriétaire.

L’usufruit est donc un droit réel qui octroie l’usage et la jouissance de la chose d’autrui. Plus précisément c’est « le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à charge d’en conserver la substance » (article 578 du Code civil). Il s’agit d’un droit viager : il s’éteint avec le décès de l’usufruitier. Il ne se transmet pas.

L’usufruit peut être établi par la loi ou par la volonté de l’homme.

  • Usufruit légal

Il se rencontre en droit successoral. Le partage du patrimoine du défunt ne se fait pas nécessairement en pleine propriété, il peut donc en résulter un usufruit, certains héritiers deviennent usufruitiers, d’autres nu-propriétaires.

Il peut également être lié à une conséquence du divorce. Lorsqu’une prestation compensatoire est nécessaire, son débiteur peut s’en acquitter par l’abandon d’un bien en usufruit.

  • Usufruit conventionnel

En cas de vente immobilière, il est possible que le vendeur se réserve l’usufruit du bien jusqu’à son décès en contrepartie du versement d’une rente viagère.

L’acquéreur deviendra pleinement propriétaire au décès du vendeur, jusque-là, il n’est que le nu-propriétaire.

1.1. Droits et obligations lors de l’entrée en jouissance

En principe :

  • l’usufruitier doit dresser un inventaire avec le nu-proriétaire afin d’établir l’état du bien qui devra être restitué. Une des obligations essentielles de l’usufruitier est de ne pas altérer la substance du bien. Si cette formalité d’inventaire n’est pas effectuée, l’usufruitier est présumé être entré en jouissance d’un immeuble en parfait état ;
  • l’usufruitier doit donner caution afin de garantir le nu-propriétaire contre le risque d’un manquement à l’obligation de préserver le bien (si le bien est dégradé ou détruit).

Il est possible d’être dispensé de ces deux formalités mais les conséquences pour les parties peuvent être importantes.

1.2. Droits et obligations pendant l’usufruit

Pendant toute la durée de l’usufruit, l’usufruitier et le nu-propriétaire sont indépendants. L’usufruitier doit pouvoir user et jouir de la chose librement sans être entravé par le nu-propriétaire.

L’usufruitier peut bénéficier des fruits de la chose mais pas des produits car si les fruits sont renouvelables, les produits altèrent la substance du bien, or l’usufruitier doit conserver le bien sans altérer sa substance.

Exemple : si l’usufruit porte sur une carrière de pierre, l’usufruitier ne sera pas en mesure de l’exploiter car les produits (les pierres extraites des failles) altèrent la substance de la chose.

En contrepartie, l’usufruitier doit assumer les charges usuelles d’entretien du bien : ce sont les charges usufructuaires. Elles correspondent uniquement au paiement des dépenses liées à l’entretien courant car les dépenses les plus importantes restent prises en charge par le nu-propriétaire.

Le nu-propriétaire ne détient que l’abusus. Il peut simplement disposer de son droit réel d’usufruit. S’il peut exercer une surveillance de son bien, elle ne peut pas avoir pour effet d’entraver l’action de l’usufruitier ni de porter atteinte à ses droits, celle-ci doit se limiter à la prise en charge des réparations importantes.

1.3. L’extinction de l’usufruit

Le Code civil recense 5 causes :

  • le décès de l’usufruitier ;
  • l’expiration du temps pour lequel il a été accordé ;
  • la consolidation (réunion sur la même personne des qualités d’usufruitier et de nu-propriétaire) ;
  • la renonciation tacite de l’usufruitier consistant à s’abstenir d’user de la chose pendant 30 ans ;
  • la destruction de la chose sur laquelle porte l’usufruit.

Dans les faits, ce dispositif est complété par 3 hypothèses supplémentaires :

  • l’expression par l’usufruitier de la renonciation à son droit ;
  • l’acquisition du bien par un tiers par prescription acquisitive suite à une possession prolongée ;
  • l’abus de jouissance de l’usufruitier (absence d’entretien du bien, dégradation volontaire…).

A la fin de l’usufruit, la restitution du bien doit s’effectuer en nature dans un état d’entretien conforme à l’inventaire dressé, en principe, à l’entrée en jouissance.

En cas de destruction ou de dégradation, l’usufruitier doit en répondre financièrement. En effet, il avait l’obligation de conserver la substance du bien et il n’y est pas parvenu.

Cette restitution par équivalent se traduit par une indemnisation du nu-propriétaire dont l’hypothèse peut-être garantie par la caution donnée lors de l’entrée en jouissance.

2. Les servitudes

Une servitude est un droit réel. Concrètement elle se traduit comme une restriction du droit de propriété sur une chose au profit d’une autre. Le fonds qui supporte la servitude est le fonds servant. Le fonds qui bénéficie de la servitude est le fonds dominant.

Le Code civil définit précisément la notion de servitude : « charge imposée sur un fonds (fonds servant) pour l’usage et l’utilité d’un autre fonds (fonds dominant) appartenant à un autre propriétaire ».

L’existence d’une servitude suppose donc en pratique deux fonds dépendant l’un de l’autre, visant l’usage et l’utilité, mais appartenant à deux propriétaires différents.

Une servitude est un droit réel : elle pèse donc directement sur la chose mais n’oblige pas les propriétaires de manière personnelle. En cas de vente, le propriétaire du fonds servant va transmettre la charge avec le bien. Cette transmission se réalise de plein droit, c’est-à-dire de manière automatique, sans formalité particulière. La servitude suit donc le droit de propriété ce qui implique une grande vigilance au moment de la vente immobilière.

Il existe trois catégories de servitudes : naturelles, légales et celles établies par le fait de l’homme.

2.1. Les servitudes naturelles

Ce type de servitude s’impose par la situation des lieux.

Rien de doit être fait pour aggraver la situation du fonds servant.

Exemple : la servitude d’écoulement des eaux pluviales est naturelle. Le fonds situé en aval doit recevoir les eaux provenant de celui situé en amont mais les propriétaires respectifs ne peuvent pas agir pour empêcher ou aggraver ce phénomène.

2.2. Les servitudes légales

Il faut ici opérer une sous distinction entre :

  • les servitudes d’utilité publique : elles sont instituées au bénéfice de l’intérêt général. Exemple : servitude de passage pour les aéronefs ;
  • les servitudes d’utilité privée : elles sont instituées dans l’intérêt d’un fonds afin d’en faciliter l’utilisation ;
  • les servitudes unilatérales : un des deux fonds bénéficie de la servitude. Exemple : servitude de passage lorsque le fonds dominant est enclavé dès lors que cette situation n’a pas été intentionnellement recherchée par le propriétaire bénéficiant de la servitude. Le passage doit être réalisé sur le trajet le plus court et le moins préjudiciable pour le fonds servant ;
  • les servitudes réciproques : chaque fonds est à la fois dominant et servant. Ils supportent donc la charge et en tirent aussi bénéfice. Exemple : les distances à respecter pour les constructions, les plantations, les ouvertures… Chacun est certes contraint de respecter ces distances minimales mais est également garanti que le voisin fera de même.

2.3. Les servitudes établies par le fait de l’homme

Ici, une servitude va être instituée intentionnellement par une personne physique, propriétaire d’un bien.

  • Elle peut être contenue dans un acte juridique : les deux propriétaires sont d’accord pour instituer la servitude qui peut être unilatérale ou réciproque.

Même si son fondement est contractuel, la nature juridique de la servitude est invariable, il s’agit toujours d’un droit réel qui survivra donc aux parties pour être directement attaché au bien.

  • Elle peut aussi résulter d’une prescription acquisitive : dans ce cas ce doit obligatoirement être une servitude continue et apparente (l’usage est continuel et elle est matérialisée par un aménagement visible).

Exemple : une servitude de vue qui se matérialise par une terrasse ne respectant pas les distances légales mais qui a été maintenue pendant un délai de 30 ans permet l’acquisition de la servitude par la prescription acquisitive en raison de l’absence de réaction du propriétaire voisin.

  • Elle peut enfin se manifester par « destination du père de famille » : on vise ici une hypothèse très précise dans laquelle deux fonds, aujourd’hui divisés, avaient appartenu autrefois à un même propriétaire qui avait réalisé un aménagement pour faciliter l’usage et l’utilité de l’immeuble. A la division du bien, si cet aménagement persiste, il constitue une servitude par destination du père de famille.

Ces 3 servitudes du fait de l’homme ne sont pas nécessairement perpétuelles, elles peuvent cesser dans différents cas :

  • l’impossibilité matérielle d’usage (ex. : le tarissement d’un puits pour une servitude de puisage) ;
  • la renonciation : le propriétaire du fonds dominant fait connaître son intention de ne plus bénéficier de la servitude ;
  • la confusion : les deux fonds appartiennent désormais à la même personne ;
  • la perte de l’un des deux fonds : un des propriétaires est exproprié et le bien inclus dans le domaine public.
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