Rédiger une convention de coopération décentralisée

Modifié le 16 mai 2023

Famille :

Notions clés

La signature d’une convention par les deux collectivités ou leurs groupements partenaires était une obligation au regard de la loi de 1992. Elle devient facultative depuis la loi de 2014.

../..

1. Cadre juridique de la convention

1.1. Cadre juridique en France

1.1.1. Pas d’obligation de convention

La signature d’une convention par les deux collectivités ou leurs groupements partenaires était une obligation au regard de la loi de 1992. Elle devient facultative depuis la loi de 2014.

Avant la signature il importe de vérifier les points suivants :

  • Que l’action ne contrevient pas aux engagements internationaux de la France. (En cas de doute, vérifier auprès de la Délégation à l’action extérieure des collectivités locales)
  • Que l’action ne se situe pas dans un domaine réservé de l’Etat
  • Que l’action prévue entre bien dans le champ des compétences dévolues à la collectivité signataire
  • Que le partenaire a la capacité de passer des conventions juridiques d’intérêt local
  • Que le partenaire a la compétence institutionnelle requise et que rien dans le droit du pays ne s’oppose à son engagement dans une action de coopération décentralisée ou qu’il a reçu les autorisations nécessaires.

Par ailleurs, le Maire ou son représentant signe en tant qu’exécutif de la collectivité : Qu’il s’agisse d’un serment de jumelage, d’une charte ou convention de jumelage, voire d’un accord de coopération ou d’un pacte d’amitié, le texte doit être soumis au conseil municipal avec le projet de délibération portant sur l’officialisation du jumelage avec la commune partenaire avant la signature.

1.1.2. Points indispensables si une convention est signée

Juridiquement, la convention de coopération décentralisée doit comporter diverses informations. Notamment, d’après la loi, « ces conventions précisent l'objet des actions envisagées et le montant prévisionnel des engagements financiers. »

Identification des collectivités et des signataires

  • Nom, type de collectivité, pays, zone géographique.
  • Nom et qualité des signataires.
  • Type d’approbation : délibération…

Objet de la convention

  • Décrire les objectifs généraux recherchés par les partenaires
  • Resituer l’action dans le cadre d’’objectifs généraux définis par la collectivité territoriale en matière de coopération.

Actions et calendrier

  • Décrire précisément des actions de manière quantitative et qualitative
  • Proposer un chronogramme d’exécution.

Montant prévisionnel des engagements financiers

  • Présenter les engagements financiers des deux collectivités et des organismes partenaires en termes monétaires mais également en termes de moyens humains ou équipements.
  • Préciser les financements à rechercher et auprès de quelles institutions.

Souvent, dans le cas d’une convention « politique » qui a dans un premier temps une portée symbolique, les questions de « montant prévisionnel des engagements » et des « actions » pourront être renvoyés à la signature d’un avenant. Pour cela il pourra être inséré l’article suivant :

« Il sera dressé annuellement, en concertation entre les partenaires, un plan d’action commun en vue d’atteindre les objectifs fixés ultérieurement dans ce(s) domaine(s) d’action »

1.2. Litige avec la collectivité étrangère

1.2.1. Cadre officiel

Dans la circulaire de 1994 http://www.coopdec.org/UPLOAD/mediaRubrique/file/92_Circulaire_26_05_1994.pdf , l’Etat rappelle

Contentieux des conventions

La loi ne prévoit pas de disposition particulière en matière de contentieux des conventions de coopération décentralisées. Un accord interétatique ou un traité peut toutefois prévoir explicitement ce point. En l’absence de disposition législative et de jurisprudence sur ce point, il conviendra de soumettre au juge administratif les litiges nés sur le territoire national et mettant en cause une collectivité territoriale française ou un groupement.

A défaut de disposition particulière, si la convention est régie par le droit étranger et que le litige survient dans le pays auquel appartient la collectivité territoriale étrangère, il appartiendra à la collectivité française ou à son groupement de s’assurer qu’elle dispose de voies de recours en cas de contentieux.

1.2.2. Analyse juridique

Marie Julie Pegdwendé Djindjeré a soutenu avec succès le 3 octobre 2014 à l’université de Reims Champagne-Ardenne., sur le thème « es accords transnationaux conclus entre les collectivités publiques françaises et africaines : Le cas du Burkina Faso ».

Ses conclusions sont les suivantes (voir références en bibliographie) :

Les règles de droit commun du contentieux administratif s’appliquent à tout contrat administratif et donc aux accords de coopération décentralisée.

Cependant la détermination du régime juridique applicable aux conventions de coopération décentralisée entre collectivités publiques françaises et africaines et en particulier burkinabé est rendu complexe par l’élément d’extranéité qui les caractérise, et par le fait qu’elles lient des entités publiques différentes, personnes morales de droit public interne.

Cette situation entraine la mise en concurrence des deux ordres juridiques internes : il y a conflit de lois. Se pose alors la question de savoir quel est le droit applicable ?

La loi ne prévoit pas de disposition particulière en matière de contentieux des conventions de coopération décentralisées.

Cependant, un traité ou un accord intergouvernemental peut toutefois prévoir explicitement ce point, et dans ce cas, il s’applique de plein droit, les règles de compétences juridictionnelles étant d’ordre public. En l’absence de telles dispositions, le lieu d’exécution de la convention emporte compétence de la juridiction territorialement compétente pour en connaître.

1.2.3. Arbitrage

La convention de coopération pourrait être considérée comme l’instrument juridique qui va lier les deux collectivités territoriales. Toutefois cela nécessite le choix par les parties d’un « arbitrage »

  • Les conditions d’annulation doivent être précisées et un document établissant les termes d’annulation de la convention et les conditions selon lesquelles les activités spécifiques en cours seront conclues doit être rédigé et signé par les deux parties.
  • En cas de litige, la convention doit prévoir un recours à un arbitrage – cet arbitre doit être choisi par les partenaires et donner son accord.

Ce point n’est jamais mis en œuvre. D’autant qu’aucune collectivité ne dépensera de l’argent pour aller dans un contentieux.

Ainsi, le CCRE explique-t-il sur le site www.twinning.org/fr/page/le-serment-de-jumelage#.WihA6DeDPIU :

« Les collectivités signataires du texte s’engagent mutuellement, mais elles ne peuvent saisir aucune juridiction en cas de litige. Par ailleurs, une collectivité locale peut à tout moment mettre fin au partenariat au moyen d’une délibération du Conseil municipal annulant celle qui portait sur l’officialisation du jumelage. »

On pourra notamment s’inspirer tu texte de l’accord entre la Basse Normandie et le Manitoba (Canada) pour certaines formulations qui permettent de sortir la collectivité de nombreuses responsabilités :

https://www.gov.mb.ca/asset_library/fr/documents/fpir/basse_normandie.fr.pdf

1.2.4 Incongruité de la juridiction française pour les contentieux

Lorsque les services Relations internationales consultent le service juridique de leur collectivité, celui-ci insérera parfois un dernier article sur le contentieux :

On évitera la mention d’un tribunal administratif français pour le « règlement des conflit » comme dans ces conventions :

  • « Tout différend né de l’application ou de l’interprétation de la présente convention sera réglé par voie de négociation. Les litiges éventuels qui n’auront pu recevoir de solution amiable seront déférés devant le Tribunal Administratif de XXX. »
  • « Tout litige concernant l’interprétation ou l’exécution de la Convention sera, à défaut d’accord amiable, porté devant les tribunaux compétents. »

2. Autres points importants

Mais la rédaction d’une convention de partenariat est surtout un moyen de dialoguer entre partenaires et de vérifier la compréhension par chacun des tenants et aboutissants de la relation.

Ainsi, il apparaît opportun de préciser quelques points supplémentaires, pour assurer une efficacité de l’action.

2.1. Durée de la convention

2.1.1Quelle durée

Dans le cadre de « serment de jumelage » à vocation symbolique, il ne sera pas fait mention de durée (le projet « européen » étant voué à « l’avenir »).

Dans le cadre d’accords plus « techniques » qui encadrent la réalisation de projet, il vous revient de préciser la durée prévue de l’accord et les conditions de reconduction (reconduction tacite ou non).

2.1.2 Mettre fin à un accord

En l’absence de durée, une collectivité locale peut à tout moment mettre fin au partenariat au moyen d’une délibération du Conseil municipal annulant celle qui portait sur l’officialisation du jumelage.

Se « déjumeler » c’est possible : http://www.ccre.org/fr/actualites/view/2408

Par exemple on se rappelle de l’épisode entre Levallois Perret et Molenbeek : https://www.marianne.net/politique/les-balkany-veulent-mettre-fin-au-jumelage-de-levallois-avec-molenbeek

2.2. Partenaires concernés

2.2.1. Qui ?

Il est obligatoire de nommer l’ensemble des partenaires impliqués dans le projet, publics et privés et leurs rôles respectifs, ainsi que les modalités de leur participation. (Convention entre la collectivité et une association, un transporteur privé, etc.).

2.2.2D’autres signataires possibles que les deux collectivités

Dans un avis publié en 2016, le Conseil d’Etat rappelle qu’il est tout à fait possible dans une convention entre deux collectivités, d’associer d’autres acteurs : http://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/analyse/2016-02-17/368342

2.2.3. Incongruités

L’égalité de traitement entre les parties est de rigueur.

On s’interdira :

Il faut être particulièrement attentif à la formalisation des relations avec les partenaires afin d’éviter les situations de « délit de favoritisme »

  • Ainsi le recours à une association pour la « mise en œuvre » ne peut être présent dans la convention. En revanche une convention tripartite, dans laquelle une association serait partie prenante, permet le financement, par subvention de ce « partenaire » privé c’est-à-dire « coresponsable » du projet

2.3. L’impact sur le développement durable

Pour avoir accès à un certain nombre de financements internationaux (Fonds français FFEM, fonds de l’UE ou des Banques de développement), il est indispensable de démontrer que le projet aura une influence positive sur le développement durable.

Les déplacements urbains étant particulièrement concernés en ce domaine, il importe de vérifier que l’action de coopération non seulement n’a pas d’impact négatif en la matière mais au contraire permettra une amélioration. Les critères à prendre en compte sont des critères économiques, écologiques et sociaux.

3. Exemple de certaines conventions

3.1. Texte de jumelage européen

3.1.1. Texte du CCRE

Les textes des accords européens visent à tisser des liens symboliques et à porter une vision politique du monde ou de l’Europe.

La majorité de ces textes ne présente pas d’activités et de financement (au regard des obligations de la loi de 2014). Toutefois ces informations peuvent faire l’objet d’un avenant qui permet au texte du « serment de jumelage » de garder uniquement une portée symbolique de discours politique.

Le CCRE propose un texte sur le site http://www.twinning.org/fr/page/le-serment-de-jumelage#.WihA6DeDPIU

SERMENT DE JUMELAGE

Nous, ……………………………………… (nom) et ………………………………………… (nom),

maires de ……………………………………… (pays) et de ……………………………… (pays)

Librement désignés par le suffrage de nos concitoyens,

Certains de répondre aux aspirations profondes et aux besoins réels de nos populations,

Sachant que nos civilisations et nos peuples ont trouvé leur berceau dans nos anciennes "communes" et que l'esprit de liberté s'est d'abord inscrit dans les franchises qu'elles surent conquérir et, plus tard, dans les autonomies locales qu’elles surent forger,

Considérant que l'œuvre de l'histoire doit se poursuivre dans un monde ouvert, mais que ce monde ne sera vraiment harmonieux que dans la mesure où les hommes vivront libres dans des cités libres,

Affirmant notre attachement au respect des droits inviolables et inaliénables de la personne humaine,

Reconnaissant que l’interdépendance croissante de nos sociétés nécessite dans le monde un ordre démocratique international, socle d’une paix durable reposant sur des ensembles tels que l’Union européenne,

Convaincus que les liens qui unissent les communes de notre continent s’inscrivent dans une démarche pertinente pour donner corps à la citoyenneté européenne et pour promouvoir ainsi une Europe à visage humain.

EN CE JOUR, NOUS PRENONS L'ENGAGEMENT SOLENNEL

Dans le respect des relations établies entre nos deux pays et en accord avec le principe de subsidiarité,

De maintenir des liens permanents entre les municipalités de nos communes afin de dialoguer, d’échanger nos expériences et de mettre en œuvre toute action conjointe susceptible de nous enrichir mutuellement dans tous les domaines relevant de notre compétence,

D’encourager et de soutenir les échanges entre nos concitoyens pour développer, par une meilleure compréhension mutuelle et une coopération efficace, le sentiment vivant de la fraternité européenne au service d’un destin désormais commun,

D’agir selon les règles de l’hospitalité, dans le respect de nos diversités, dans un climat de confiance et dans un esprit de solidarité,

De garantir à toute personne la possibilité de participer aux échanges entre nos deux communes sans discrimination de quelque nature que ce soit,

De promouvoir, à travers nos échanges et notre coopération, les valeurs universelles que constituent la liberté, la démocratie, l’égalité, et l’Etat de droit,

De conjuguer nos efforts afin d'aider dans la pleine mesure de nos moyens au succès de cette nécessaire entreprise de paix, de progrès et de prospérité :

L'UNITE EUROPEENNE.

Fait à ……………………… Le …………………………

3.2. Modèle pour des accords de coopération décentralisée

3.2.1. Chaque collectivité négocie

Chaque accord sera travaillé entre villes partenaires. Cela peut parfois être long car certaines collectivités n’ont pas de personnel en charge de ces fonctions. Toutefois, le temps pris pour cette rédaction sera du temps gagné dans le cadre des questionnements qui pourront être évoqués ultérieurement dans la mise en œuvre de la coopération.

3.2.2. Quelques exemples

Il n’existe pas, par définition, de « modèle de convention » quand celles-ci doivent permettre une « contractualisation » sur un projet spécifique.

Ci-joint toutefois quelques exemples :

3.2.3. Modèle Belge

L’union des villes de Wallonie propose un accord de base relativement simple :

www.uvcw.be/no_index/modeles/Modele-accord-de-coopération.doc

4. Usages de la convention

4.1. Usage politique local

Le texte de jumelage a souvent une portée symbolique d’éducation au Monde des population locale.

Pour cela, on s’attachera aux symboles dans le format et la cérémonie.

4.1.1. Cadre symbolique

Le texte de cette convention sera court et permettra de l’imprimer sur un recto avec un arrière-plan de la page présentant certains points symboliques :

  • Le parchemin (cf. exemple de l’accord signé entre Rambouillet et Terras-Novas)
  • Le décor (cf. exemple de la convention entre Papeete et une ville chinoise)
  • Le texte pourra être rédigé dans les deux langues nationales sur le même verso si possible.

4.1.2. Cérémonie symbolique

Le symbole du jumelage sera renforcé par un certain protocole à suivre pour la signature de l’accord entre parties.

Le serment de jumelage est ensuite signé en réunion publique, et il convient d’en donner lecture à l’assistance. Les collectivités signataires du texte s’engagent mutuellement, mais elles ne peuvent saisir aucune juridiction en cas de litige. Par ailleurs, une collectivité locale peut à tout moment mettre fin au partenariat au moyen d’une délibération du Conseil municipal annulant celle qui portait sur l’officialisation du jumelage.

La forme même du texte renforce cette symbolique :

https://www.tahiti-infos.com/Papeete-se-jumelle-a-un-district-de-Shanghai_a108083.html

4.2 Un usage diplomatique

Dans le cadre de désaccord ou lorsqu’un écart de vue existe entre les deux municipalités, l’accord sera souvent « mis en sommeil » plutôt que dénoncé, notamment :

La mise en sommeil peut aussi être un acte diplomatique, comme en 2015 pour Lille avec Safed en Israël :

http://www.lavoixdunord.fr/archive/recup%3A%252Fregion%252Flille-la-mise-en-veille-du-jumelage-avec-la-ville-de-safed-ia19b0n2421449

5. Bibliographie complémentaire

Marie Julie Pegdwendé Djindjeré : « Les accords de coopération décentralisée ont un contenu prescriptif »

Publié par SAIDICUS LEBERGER - Catégories : #INTERVIEW

http://wakatinfo.over-blog.com/2015/01/marie-julie-pegdwende-djindjere-les-accords-de-cooperation-decentralisee-ont-un-contenu-prescriptif.html

Voir la thèse : https://www.theses.fr/2014REIMD003

« Cadre juridique imprécis, niveau d’exigence faible : quelle place pour l’efficacité de l’action ? »,

Jacky Buffet, David-André Camous

Revue internationale des études du développement 2017/4 (N° 232), p. 21-41.

DOI 10.3917/ried.232.0021

http://www.cairn.info/load_pdf.php?ID_ARTICLE=RIED_232_0021

Pour une réflexion sur l’usage de la « convention » dans l’équilibre de la relation entre collectivité africaines et collectivités françaises

Circulaire du 20 avril 2001 sur la coopération décentralisée des collectivités territoriales françaises et de leurs groupements avec des collectivités territoriales étrangères et leurs groupements

https://www.senat.fr/ct/ct04-02/ct04-028.html

Les aspects juridiques de la coopération décentralisée : une convention de « territoire » à « territoire »

www.cites-unies-france.org/IMG/pdf/CONFTHEMATIQUE_AspectsJuridiques.pdf

La réforme des collectivités territoriales : fin de la coopération internationale ?

Les CAHIERS du Laboratoire des relations internationales en Nord-Pas de Calais

1e rencontre : 12 avril 2012

http://lianescooperation.org/wp-content/uploads/Cahiers-Labo-RI_N1.pdf

Droit et pratique de la coopération transfrontalière

http://www.espaces-transfrontaliers.org/fileadmin/user_upload/documents/Documents_MOT/Cahiers/cahier_Mot_2_droit_FR.pdf

Guide de l’AFCCRE

http://fcjoise.free.fr/documentations/annee_2010/Modele_de_serment_de_jumelage.pdf

Auteur(s) :

LECHEVALLIER Yannick

Thématique(s) :

Tags :

Accès thématique

Accès famille

© 2017 CNFPT