Source:Revue économie de La Réunion N° 11 Hors série - juin 2012

Sommaire

Un premier état des lieux

L'inscription de La Réunion au patrimoine mondial de l'humanité de l'Unesco, en 2010, témoigne d'une reconnaissance internationale de son patrimoine naturel. Sa population en pleine croissance et les investissements financiers consentis, notamment par l'Europe, tirent le développement et la croissance économique de l'île. En 2040, plus d'un million d'habitants sont attendus, sur un espace contraint (environ 1 000 km2 sur les 2 500 km2 de surface de l'île sont disponibles pour les activités humaines), soumis à de nombreux aléas naturels, aux ressources limitées et parfois uniques au monde.
Les habitants devront néanmoins trouver sur ce territoire insulaire des réponses en matière de travail, logement, déplacements, éducation, alimentation, énergie, traitement de l'eau, etc. Par ailleurs, les particularismes du milieu naturel de l'île en font une terre d'innovation pour les filiaires de la croissance verte, notamment sur la recherche de l'autonomie énergétique. Le développement durable prend donc un sens tout particulier pour l'île : sa mise en oeuvre est vitale pour combiner bien-être de la population et préservation de son patrimoine et ressources naturels.
La photographie de l'état du développement durable à La Réunion est contrastée. La croissance économique soutenue reste fragile et l'insularité et le contexte tropical nécessitent de trouver des solutions alternatives spécifiques. Néanmoins, ce constat, qui peut paraître mitigé, doit être mis en perspective avec l'évolution de ce département d'outre-mer sur les dernières générations, qui permet aujourd'hui une comparaison pertinente avec les départements métropolitains.

Un patrimoine naturel exceptionnel à valoriser et préserver

Comme le souligne l'Unesco, « Les Pitons, Cirques et Remparts de l'île de La Réunion apportent la contribution la plus significative et la plus importante à la conservation de la biodiversité terrestre de l'archipel des Mascareignes ». Cependant, 22 % des espèces indigènes de faune et 30 % des espèces indigènes de flore seraient menacées de disparition. L'état du massif corallien illustre à la fois l'existence d'un patrimoine encore riche et la dégradation qu'il subit.
Pouvoirs publics, scientifiques et experts améliorent leur connaissance de cette nature et se dotent d'outils de protection appropriés. Ainsi, le parc national de La Réunion, créé en 2007, s'étend sur 42 % du territoire et couvre 70 % des zones naturelles d'intérêt floristique et faunistique. La réserve naturelle marine, également créée en 2007, borde 40 km de côte et couvre 20 km2 de barrière corallienne.

Les contraintes et limites de l'espace, défis à relever pour l'aménagement durable du territoire

Au 1er janvier 2010, 830 000 habitants peuplent le département et occupent l'espace avec une densité de 332 hab./km2, proche de celles de la Belgique (351) et du Japon (335) et nettement supérieure à celle de France métropolitaine (114 hab./km2). En 2040, 1 061 000 habitants sont attendus. Ce territoire restreint doit être partagé entre urbain et rural, espaces artificialisés, agricoles et naturels.
L'aménagement de l'île doit pouvoir évoluer en conciliant le maintien de la qualité de vie des citoyens et de l'attractivité du territoire. Le schéma d'aménagement régional (SAR) en vigueur depuis le 22 novembre 2011 fixe les grands objectifs en la matière. Il traite par exemple de l'artificialisation du territoire, qui atteint un taux de 11,4 % avec 28 600 hectares construits, ou encore des transports.
En effet, le transport routier, et notamment les déplacements en voiture, s'amplifient. Les déplacements domicile-travail s'effectuent à 77 % en voiture individuelle. Outre les embouteillages quotidiens, la consommation de carburants pour les transports routiers augmente. En conséquence, la facture énergétique de La Réunion et des ménages s'alourdit. Les déplacements contribuent aussi pour 29 % aux émissions de gaz à effet de serre par habitant et sont en hausse ces cinq dernières années.

Une nécessaire sensibilisation et responsabilisation des consommateurs

La société réunionnaise n'a accédé que tardivement à l'abondance de biens et de services. Néanmoins, les habitudes de consommation doivent évoluer, pour une meilleure gestion des ressources naturelles et des déchets compte tenu de l'insularité.
La ressource en eau est, malgré l'abondance des pluies, limitée et inégalement répartie sur le territoire. Les prélèvements en eau par habitant, tout usage confondu, sont le double de ceux de métropole. Ils peuvent être réduits en agissant sur les réseaux et les consommations domestiques, elles aussi bien supérieures au niveau métropolitain.
Au-delà des impératifs règlementaires européens et nationaux, les capacités de l'île pour traiter et stocker les ordures ménagères sont limitées. Si la quantité de déchets ménagers collectés par habitant évolue peu, la réduction des déchets à la source demeure néanmoins un enjeu crucial.
La consommation d'énergie, dont le niveau reste en deçà de celui de métropole, augmente plus rapidement que la population, de 2,5 % par an sur la dernière décennie. Le développement des énergies renouvelables ne suffit pas actuellement à compenser cette croissance de la consommation. Sobriété et maîtrise énergétique sont incontournables pour réduire la dépendance énergétique de l'île.

Un développement économique en marche et à consolider

Partie d'une économie coloniale de plantation, au lendemain de la seconde guerre mondiale, La Réunion s'est dotée d'une économie moderne, fortement tournée vers le tertiaire. La croissance économique est dynamique sur longue période et dépasse les moyennes nationales. Ainsi, entre 2000 et 2010, la croissance s'élève à 3,5 % par an en moyenne (en éliminant les effets dus à l'inflation), contre 1,3 % en France. Pour autant, l'économie locale reste fragile et en retard par rapport à la métropole : le PIB par habitant n'atteint que 60 % du PIB français. Malgré une forte croissance de l'emploi, la part des personnes qui travaillent (44 %) n'augmente quasiment pas depuis dix ans.
La crise économique, qui a également touché le département, amène à réfléchir au modèle de développement. Celui-ci devrait trouver un «second souffle », en tenant compte des handicaps structurels de l'île et d'une transition démographique non encore achevée. À cette fin, les différentes composantes d'une croissance verte et équitable paraissent porteuses : croissance endogène, réduction des importations, sécurité alimentaire, promotion des éco-technologies etc...

Des conditions de vie qui s'améliorent

En quelques décennies, les conditions de vie ont évolué très positivement. L'espérance de vie est, par exemple, passée de 50 ans en 1953 à 77 ans actuellement. Santé, éducation, logement se rapprochent des normes européennes. Toutefois, ce rattrapage doit se poursuivre.
Pour l'instant, la santé des Réunionnais reste plus fragile qu'en métropole : mortalité infantile plus élevée, risques accrus de décès avant 65 ans et personnes âgées plus dépendantes.
En matière d'éducation, le système scolaire est identique à celui de métropole et le niveau de qualification augmente. De nombreux jeunes quittent néanmoins l'école à partir de 16 ans sans diplôme compromettant leur intégration tant professionnelle que sociale.
La pauvreté monétaire touche 49 % de la population contre 13 % en France métropolitaine. Elle est source d'exclusion au regard des droits fondamentaux que sont la santé, le logement, la formation et l'emploi.

Une vision globale de la prise en charge des défis du développement durable à La Réunion

Les indicateurs nationaux du développement durable ont été construits dans la démarche du Grenelle de l'environnement, associant les cinqs collèges d'acteurs (État, collectivités territoriales, entreprises, partenaires sociaux et organisations non gouvernementales environnementales) pour suivre la stratégie nationale du développement durable (SNDD). Ils ont ensuite fait l'objet d'une proposition de déclinaison territoriale. Deux catégories d'indicateurs se différencient : certains portent directement sur la stratégie et d'autres renseignent sur le contexte économique et social.
À La Réunion, le comité régional pour l'information économique et social de La Réunion (Criesr), présidé par le conseil économique et social régional (CESR), a pris l'initiative de retravailler ces indicateurs territoriaux du développement durable pour les adapter au mieux à la réalité réunionnaise.
La Réunion disposant désormais de l'ensemble des données nécessaires, ils vous sont présentés dans cet ouvrage, en suivant la trame de la SNDD qui vise à relever neuf défis pour aller vers une croissance verte et solidaire. Huit défis sont déclinés dans les huit chapitres de la publication.

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