Chantier : sécurité, nuisances, communication et accompagnement

Modifié par Julien Lenoir le 04 décembre 2019

Par Jean-Luc Akouete
Dernière mise à jour : novembre 2019

Un projet d’infrastructure recèle un potentiel d’irritation publique et institutionnelle très important à cause des enjeux financier et politique. Les modifications des plans de circulation, les aménagements de voirie (circulations piétonnes et accès aux commerces, places de stationnement, etc.), les nuisances induites génèrent immanquablement de nombreuses crispations dans la population et représente, en plus, autant de risques pour la sécurité. C’est pourquoi un dispositif de communication approprié doit alors accompagner tout projet.

1. Sécurité

Une bonne organisation de chantier doit obligatoirement intégrer les aspects de sécurité pour permettre une amélioration des conditions de travail. Le Maître d'ouvrage (MOA) qui est le donneur d'ordre est le responsable en dernier ressort de la sécurité sur son chantier. Pour assumer cette responsabilité, il désigne un coordonnateur en matière de Sécurité et Protection Santé (SPS).

Le coordonnateur SPS (CSPS) intervient dès qu’il y a au moins 2 opérateurs économiques avec un risque de coactivité entre eux. Il intervient dès la phase de conception.

Son rôle est de gérer les interactions entre les différents intervenants. A titre illustratif, il doit éviter qu'un risque apporté par une société ne se répercute sur une seconde. C’est un participant incontournable d'une opération de bâtiment ou de génie civil, afin de prévenir tout accident sur le chantier. Il faut noter que sa présence ne décharge pas le maître d’ouvrage des responsabilités légales qui lui incombent.

  • Le coordonnateur SPS a pour mission de veiller à ce que les sept principes généraux de prévention des risques professionnels suivants soient mis en œuvre :
  • éviter les risques ;
  • évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
  • combattre les risques à la source ;
  • tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;
  • remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
  • planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel ainsi que ceux liés aux agissements sexistes ;
  • prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle.

Le CSPS exerce sa fonction depuis la conception, en phase étude et d'élaboration du projet, et pendant sa réalisation. Il doit informer le maître d'ouvrage des risques encourus pour la santé et la sécurité des travailleurs. Celui-ci devra prendre en compte ces observations sous peine d’engager sa responsabilité.

Le CSPS doit, en outre :

  • élaborer le plan général de coordination en matière de SPS (PGCSPS) lorsqu'il est requis ;
  • constituer le dossier d'intervention ultérieure sur l'ouvrage (DIUO) ;
  • ouvrir un registre-journal de la coordination ;
  • définir les sujétions relatives à la mise en place et à l'utilisation des protections collectives, des appareils de levage, des accès provisoires et des installations générales, notamment électriques.

Le PGCSPS définit l'ensemble des mesures propres à prévenir les risques découlant de l'interférence des activités des différents intervenants sur le chantier, ou de la succession de leurs activités lorsqu'une intervention laisse subsister après son achèvement des risques pour les autres entreprises.

Le PGCSPS doit être établi dans les opérations de niveau I, soit celles dont le volume excède 10 000 hommes-jours (ou 80 000 heures) et pour lesquelles le nombre d'entreprises participantes est supérieur à dix pour les bâtiments, cinq pour les ouvrages de génie civil.

Il s'impose également pour les opérations de niveau II, soumises à déclaration préalable du maître d'ouvrage avant le début des travaux, lorsqu'il y a plus de 20 travailleurs à un moment quelconque sur le chantier et que la durée de l'opération est supérieure à 30 jours ouvrés ou que le volume de travaux est supérieur à 500 hommes-jours.

2. Les nuisances

Les troubles sonores et vibratoires engendrés par les travaux sont parmi ceux qui inquiètent le plus les riverains. La lutte contre les nuisances sonores et les vibrations doit figurer parmi les cibles de la politique environnementale d’une opération. D’autant qu’elle constitue une obligation au regard du code du travail. Il faut savoir qu’un chantier est soumis à la loi sur les bruits de voisinage.

Outre le respect des horaires de travaux bruyants, un premier volet doit porter sur la systématisation des équipements de protection des ouvriers, tandis qu’un second volet, préventif, doit impliquer également les riverains.

Les matériels utilisés ou destinés à être utilisés sur les chantiers de travaux publics sont soumis à une réglementation afin de ne pas émettre de bruits susceptibles de causer une gêne excessive. Sont spécialement réglementés les moto-compresseurs, les moteurs à explosion ou à combustion interne autres que les véhicules automobiles, les groupes électrogènes, les brise-béton et marteaux-piqueurs, les grues à tour et les engins de terrassement.

Par ailleurs, les modes de construction ont une grande importance sur le niveau des nuisances sonores, en particulier le choix du béton. Par exemple, le bruit engendré par le coulage d’un béton classique avec vibrations peut monter à 110 dB, donc on peut préconiser l’usage des bétons sans vibrations, autoplaçants et autonivelants (BAP/BAN).

Pour les entreprises, tout comme pour le maître d’ouvrage, réduire les nuisances sonores passe par toute une série d’actions concrètes concernant aussi bien les matériaux utilisés, le matériel que l’organisation du chantier :

  • Les horaires des travaux sont définis en concertation avec les riverains et respectés ;
  • Un responsable bruit est désigné sur le chantier. Il est l’interlocuteur privilégié des riverains ;
  • Les engins bruyants sont conformes à la réglementation ;
  • Les prescriptions sonores sont inscrites dans le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) ;
  • Des talkies-walkies sont utilisés pour éviter de crier ;
  • Le maillet en caoutchouc va remplacer le marteau ;
  • La protection des ouvriers est adaptée (bouchons d’oreilles thermoformés, casques antibruit…) ;
  • La pose de murs antibruit provisoires peut être préconisée ;
  • La mise en place d'une aire de lavage pour les engins à béton.

A titre illustratif, les travaux bruyants peuvent être concentrés pendant les périodes de vacances scolaires. Evidemment, la maîtrise des nuisances sonores ne suffit pas à réaliser un chantier sans nuisances. Bloquer régulièrement la circulation routière d’un quartier ou émettre de nombreuses poussières est, et sera, toujours considéré comme nuisible. La réduction des nuisances de chantiers présente donc une réelle complexité.

3. Les déchets de chantier

Le secteur de la construction génère environ 40 millions de tonnes de déchets par an, dont 90 % proviennent des chantiers de réhabilitation ou de démolition, soit plus que la production d’ordures ménagères. 65 % de ces déchets proviennent de la démolition, 28 % de la réhabilitation des ouvrages et 7 % de la construction neuve.

Devenus obligatoires avec le Grenelle 2, les plans territoriaux de gestion des déchets de BTP doivent permettre d’améliorer le maillage des centres de valorisation, de tri ou de transit.

3.1. Les déchets inertes (DI)

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Les déchets inertes sont des déchets qui ne subissent, en cas de stockage, aucune modification physique, chimique ou biologique importante et ne présentent pas de danger pour l’homme ou l’environnement.

Exemples : Béton, briques, parpaings, tuiles, céramiques, enrobés bitumeux sans goudron, terre et cailloux, déchets de construction et de démolition en mélange ne contenant pas de substance dangereuse et ne contenant que des déchets minéraux, etc.

3.2. Les déchets industriels banals (DIB)

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Les déchets non inertes et non dangereux sont générés par les activités, publiques ou privées, du commerce, de l’artisanat, de l’industrie ou du service.

Exemples : bois d’ouvrage (huisseries, charpente, plancher, etc.), métaux, plastiques, plâtre, verre, déchets d’emballage non souillés, papiers, cartons, matériaux d’isolation sans amiante, etc.

3.3. Les déchets dangereux (DD) dont les déchets industriels spéciaux (DIS)

Il s’agit des déchets qui, par leur caractère toxique ou dangereux, nécessitent d’être éliminés dans une filière spécifique. Ces déchets dangereux font l'objet d'un bordereau de suivi des déchets industriels (BSDI) qui accompagne le déchet jusqu'à sa destination finale et peut être réclamé par l'administration.

Exemples : bois spécifiquement utilisé en extérieur (traité au CCA ou à la créosote), produits de revêtement (peintures et vernis), emballages souillés, absorbants, chiffons d’essuyage, matériaux filtrants, piles et accumulateurs, néons, huiles et combustibles liquides usagés, matériaux contenant de l’amiante friable, déchets d’équipements électriques et électroniques, explosifs, etc.

3.4. Déchet ultime

Il s’agit d’un déchet qui n’est plus susceptible d’être traité dans les conditions techniques et économiques du moment.

3.5. Schéma d’organisation et de gestion des déchets de chantier

TYPE DE DÉCHETSQUANTITÉ ESTIMÉEFILIÈRE D’ÉLIMINATIONTYPE DE TRAITEMENTMOYENS UTILISÉSJUSTIFICATIF
Précisez la nature des déchets que vous avez décidé de trierÉvaluez les quantités de déchets de votre chantierIndiquez les coordonnées des filièresPrécisez le devenir des déchetsPrécisez le matériel utiliséIndiquez quel justificatif vous pouvez produire concernant le dispositif mis en place
Exemple : déchets inertes300 m3Concassage sur siteRéutilisation sur placeTonnage concassé sur le site (no compteur)Tonnage concassé sur le site (n° compteur)
Exemple : bois40 m3Entreprise XValorisation sous forme de panneaux de particulesBenne de 12 m3Bordereau de suivi de déchets industriels banals
Exemple : emballages de peinture3 m3Entreprise YValorisation sous forme de combustible de substitutionPaletteBordereau de suivi de déchets dangereux (rappel : document obligatoire)

4. La communication

Une bonne gestion de chantier passe par une bonne information envers toutes les personnes concernées que sont les riverains, au niveau des nuisances potentielles, et les intervenants sur chantier quant à la mise en place de mesures permettant de limiter ces dernières. Les vecteurs de communication à privilégier diffèreront en fonction de ces deux groupes et de la taille du projet. En outre une bonne communication permet une meilleure acceptation du chantier par les riverains.

Cette démarche de communication peut être confiée au coordinateur environnemental qui prendra en charge l'information et la communication relatives au chantier. Les vecteurs de communication à envisager auprès des riverains, sont les suivants :

  • avant le début du chantier, envoyer une lettre d'information précisant le contexte du chantier (nature des travaux, durée du chantier, plan de circulation aux abords du chantier) et les nuisances possibles (horaires de chantier, périodes plus bruyantes), organiser une séance publique d'information pour le voisinage, à renouveler éventuellement au moment d'une étape de chantier engendrant de nouvelles nuisances ;
  • à la fin des travaux, envoyer une lettre de remerciement pour leur patience ;
  • afficher le point de contact pour les questions et plaintes, en bordure de site sur un panneau ou par l'intermédiaire d'affiches. Ce contact pourra être celui du coordinateur environnemental ;
  • informer régulièrement les riverains sur l'état d'avancement du chantier, par le biais d'affiches ou de courriers ;
  • des réunions publiques et des visites de chantier seront régulièrement organisées afin de montrer aux riverains l’avancée des travaux ;
  • un flash info est distribué dans les boîtes aux lettres des riverains concernés pour prévenir des impacts ponctuels (travaux bruyants, déviation piétonne ou automobile, coupures de réseaux…) ;
  • une lettre d’information permet d’anticiper chaque grande étape du chantier ;
  • un site internet permet de suivre l’actualité du projet ;
  • des palissades de chantier aux couleurs du projet ;
  • un magazine semestriel sera édité pour tout savoir de l’actualité du projet.

Il est aussi possible de mettre en place une procédure de réclamations à destination des riverains. Cette procédure comprend :

  • la création d'un registre des réclamations toujours disponible sur chantier (date, nature, mesures prises) ;
  • la mise en place d'une ligne téléphonique ou d'un site internet permettant aux riverains de faire part à tout moment de leurs réclamations.

Il est primordial de traiter rapidement toutes les réclamations, en les analysant scrupuleusement, et en donnant suite aux riverains en prenant les mesures nécessaires.

Lorsque des chantiers se terminent, on peut demander le retour des riverains. Pour cela, lors de l'envoi de la lettre de remerciement, joindre un formulaire d'évaluation des points à améliorer que chaque riverain complète et renvoie au coordinateur environnemental.

5. Accompagnement

Le maître d’ouvrage a besoin d’un accompagnement permanent tout au long du chantier. Sa mise en œuvre est de la responsabilité de toutes les composantes de la structure support du chantier. Il ne s’agit pas de hiérarchiser les rôles des différentes composantes de la structure dans l’accompagnement, mais au-delà de leurs spécificités, leurs complémentarités et convergences permettent de considérer l’accompagnement sur le chantier comme une fonction globale.

Outre le coordonnateur SPS, on trouve dans l’accompagnement, entre autres, le contrôleur technique et le coordinateur OPC.

5.1. Le contrôleur technique

Le contrôleur technique intervient pour la solidité des ouvrages (fondations, clos et couvert, viabilité), les éléments d’équipement, les conditions de sécurité des personnes pour les ERP de 1ère, 2ème et 3ème catégorie, les immeubles de grande hauteur et les ouvrages dont les caractéristiques dimensionnelles nécessitent l’intervention d’un contrôleur technique.

Il a pour mission de contribuer à la prévention des différents aléas techniques susceptibles d’être rencontrés dans la réalisation des ouvrages. Il intervient à la demande du maître de l’ouvrage et donne son avis à ce dernier sur les problèmes d’ordre technique.

5.2. Le coordinateur Ordonnancement, Pilotage et Coordination (OPC)

L’OPC permet de gérer les interfaces dans le cadre des marchés allotis. Il assure la liaison et la coordination entre le maître d’œuvre, les entreprises, le bureau de contrôle et, d’une manière générale, l’ensemble des intervenants à la réalisation de l’ouvrage. Il établit le calendrier d’exécution et coordonne l’avancement des travaux pour faire respecter le délai global prescrit dans le marché et permettre la livraison des ouvrages conformes aux prescriptions.

L’article 10 du décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 et de l’arrêté du 21 décembre 1993 précise les missions qu’un maître d’ouvrage peut confier à l’OPC :

  • Ordonnancement : analyser les tâches élémentaires portant sur les études d’exécution et les travaux, déterminer leurs enchaînements ainsi que leur chemin critique par des documents graphiques ;
  • Planification : établir des mesures visant au respect des délais d’exécution des travaux et une répartition appropriée des éventuelles pénalités ;
  • Coordination : harmoniser dans le temps et dans l’espace les actions des différents intervenants au stade des travaux ;
  • Pilotage du chantier : mettre en application les diverses mesures d’organisation arrêtées au titre de l’ordonnancement et de la coordination du stade des travaux jusqu’à la levée des réserves dans les délais impartis dans les contrats de travaux.

Cette mission comprend l'établissement pour le maître d'ouvrage des pièces suivantes :

  • organigramme des intervenants précisant les fonctions de chacun et les relations entre eux ;
  • schéma de diffusion des informations et de circulation des plans et documents d'études ;
  • calendrier des études jusqu'au début du chantier ;
  • calendrier tous corps d'état à joindre à la consultation ;
  • projet de plan d'installation de chantier.

Références et sitothèque

  • Mieux gérer les déchets de chantier de bâtiment - ADEME et FFB
  • Déchets de chantier - Les réponses aux questions que vous vous posez - FFB
  • Déchets du bâtiment - Quelles solutions dans le Val d’Oise - ADEME
  • Techni-Cités No213 du 23 juillet 2011
  • Cahier des chantiers à faibles nuisances – EPADESA – Octobre 2013
  • Ordonnancement, pilotage et coordination de chantier – Fiche prévention OPPBTP - 2013
  • http://www.ademe.fr
  • https://www.lemoniteur.fr
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