Les enjeux européens et internationaux : données générales de droit social international et de droit communautaire

Modifié par Julien Lenoir le 27 septembre 2018

Les enjeux européens et internationaux :

A/ Données générales de droit social international et de droit communautaire

Par Yves Palau

Dernière mise à jour : mai 2017

1. Principaux points à retenir

  • Une multiplicité de sources pour le droit social international et européen : les Etats, les organisations internationales mais aussi les syndicats et les entreprises
  • Le droit social international fait l’objet de multiples traités ou conventions mais aussi d’accords-cadres mondiaux signés entre confédérations syndicales mondiales et entreprises multinationales.
  • Le rôle spécifique et déterminant de l’organisation internationale du travail dans l’édiction de règles internationales en droit social.
  • Le droit social européen connaît une progressive montée en importance surtout depuis le traité de Lisbonne sur le fonctionnement de l’Union européenne signé en décembre 2007.
  • On constate aussi une montée en puissance des accords-cadres européens signés entre fédérations syndicales européennes salariales et patronales.

L’enjeu principal du droit social international ou européen réside dans la résolution des conflits entre normes juridiques nationales concurrentes et différentes et dans la protection des entreprises et des salariés en assurant une meilleure régulation de la mise en concurrence en matière sociale et un niveau minimal de protection pour les travailleurs. Son développement s’inscrit dans le processus d’internationalisation des rapports juridiques particulièrement importante dans les domaines sociaux en accompagnement de la globalisation économique.

On peut distinguer le droit social international extra-européen et le droit social européen.

2. Le droit social international

La première caractéristique du droit social international est que sa source est multiple, les Etats mais également les organisations internationales, certaines entreprises – les plus puissantes – et les syndicats.

Les Etats, par la signature d’accords ou de conventions bilatéraux ou multilatéraux génèrent des normes sociales internationales qui placent leurs signataires dans une relation d’égalité et de réciprocité. Cela signifie que dans ce cas, travailleurs nationaux et migrants originaires de pays signataires de ces conventions sont placés en situation d’égalité de droit. On en recense plus d’une quarantaine signées par la France avec des pays hors de l’Union européenne en matière de protection sociale (sources : Centre des liaisons européennes et internationales de sécurité sociale)

Les organisations internationales mondiales sont de deux types, celles à vocations universelles comme l’ONU qui peuvent constituer une source en droit social international, par exemple dans la lutte contre l’esclavage (DUDH de 1948), le travail forcé, celui des enfants (Convention sur les droits de l’enfant, 1989), pour l’égalité entre femmes et hommes (Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, 1979), pour le droit de grève, de réunion, de former et d’adhérer à des syndicats (Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 1966) et celles à vocation spécialisée. L’organisation internationale du travail qui est une émanation de l’ONU constitue la source internationale principale en matière de droit social.

L’OIT a été fondée en 1919 dans le cadre du Traité de Versailles, avec l’idée qu’une paix universelle et durable ne peut être fondée que sur la base de la justice sociale. Aujourd’hui, l'OIT réunit des représentants des gouvernements, employeurs et travailleurs de 187 Etats Membres pour établir des normes internationales, élaborer des politiques et concevoir des programmes visant à promouvoir le travail décent dans le monde. Elle se fixe 4 objectifs prioritaires : promouvoir et mettre en œuvre les principes et les droits fondamentaux au travail, accroître les possibilités pour les hommes et les femmes d’obtenir un emploi décent, étendre le bénéfice et l’efficacité de la protection sociale pour tous, renforcer le tripartisme et le dialogue social

L’OIT mène son action grâce à trois organes principaux qui associent tous trois des représentants gouvernementaux, travailleurs et employeurs:

  • La Conférence internationale du Travail  détermine les normes internationales du travail et les grandes orientations de l’OIT. Souvent désignée comme le parlement international du travail, cette Conférence annuelle est aussi un forum de discussion pour les principales questions de travail et de problèmes sociaux.
  • Le Conseil d’administration  est l’organe exécutif de l’OIT, il se réunit trois fois par an à Genève. Il prend des décisions relatives à la politique de l’OIT et établit le programme et le budget qui sont ensuite soumis pour adoption à la Conférence.
  • Le Bureau international du Travail (BIT) est le secrétariat permanent de l’Organisation internationale du Travail. Il sert de siège à l’ensemble des activités de l’Organisation qu’il met en œuvre sous le contrôle du Conseil d’administration et sous l’autorité du Directeur général 

Elle édicte des normes qui définissent les principes et les droits minimums au travail. Il s'agit soit de conventions, qui sont des traités internationaux juridiquement contraignants, pouvant être ratifiées par les États Membres, soit de recommandations, qui servent de principes directeurs ayant un caractère non contraignant. Souvent, une convention énonce les principes fondamentaux qui doivent être appliqués par les États qui l'ont ratifiée, tandis que la recommandation correspondante complète la convention en proposant des principes directeurs plus précis sur la façon dont cette convention pourrait être appliquée.

Il existe actuellement 188 conventions et 199 recommandations.

Les syndicats et les entreprises multinationales jouent également un rôle non négligeable dans l’édiction de normes internationales en matière sociale. On retrouve ainsi la Confédération syndicale internationale fondée en 2006 qui revendique 176 millions de membres et la Fédération syndicale mondiale, fondée en 1945 qui dispose d’une audience importante dans les pays en voie de développement et revendique une centaine de millions de membres.

Ils sont à l’origine de la signature d’un peu plus d’une centaine d’accords-cadres mondiaux (112 accords dans 23 pays en 2015) négociés avec des entreprises multinationales et qui énoncent des principes et des droits sociaux fondamentaux qui seront respectés soit dans tous les pays où l’entreprise multinationale opère soit dans ceux qui sont précisés dans l’accord. Ils peuvent concerner seulement les filiales du groupe ou s’étendre aux fournisseurs et sous-traitants. Les aspects les plus fréquemment abordés portent sur le droit du travail et les droits sociaux fondamentaux, les conditions de travail, les relations professionnelles, les conditions de santé et de sécurité, la formation et les dispositions relatives à la protection de l’environnement. Près de la moitié d’entre eux concernent le secteur de l’industrie, plus d’un tiers celui des services et environ 20% celui du Bâtiment et du bois.

En général, ces accords comprennent des dispositions qui se rapportent pour l’essentiel à des normes de l’OIT, faisant mention explicite des conventions fondamentales de l’OIT ou de la Déclaration de l’OIT sur les principes et droits fondamentaux au travail énoncée en 1998. En outre, un nombre considérable d’accords fait référence à la Déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale de l’OIT. De plus, de nombreux accords englobent d’autres instruments internationaux relevant du système des Nations Unies, notamment la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Pacte mondial (2000), et les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme (2011). On trouve parfois des références à la Déclaration de Rio sur le développement durable, à la Déclaration des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant.  

Ces accords-cadres mondiaux sont des initiatives volontaires à la discrétion des multinationales et le résultat de négociations directes entre les représentants de la direction et des travailleurs d’une entreprise multinationale. Ils pallient en partie le manque de mécanismes mondiaux pour assurer les droits des travailleurs et sont particulièrement utiles dans certains pays qui ne reconnaissent aucun droit aux salariés, mais où les multinationales peuvent être présentes. Lorsque des violations de l’accord sont constatées, les accords prévoient souvent dans un premier temps des sanctions puis le cas échéant une rupture de la relation commerciale avec le fournisseur ou le sous-traitant mis en cause.

3. Le droit social européen

Les organisations européennes tiennent également un rôle important en matière de création de droit social que ce soient le Conseil de l’Europe ou l’Union européenne. Le Conseil de l’Europe a ainsi adopté des textes parmi lesquels la Convention européenne des droits de l’Homme, en 1950, qui interdit l’esclavage, le travail forcé et consacre le droit à la liberté syndicale et la Charte sociale européenne en 1961 qui proclame le droit au travail et un droit à la protection en cas de licenciement.

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Les politiques de l'UE se fixent l’objectif d’atteindre un niveau d'emploi et de protection sociale élevé, d’améliorer les conditions de vie et d'emploi et de garantir la cohésion sociale. Les signataires du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne s’assignent, dans son préambule, « pour but essentiel à leurs efforts l'amélioration constante des conditions de vie et d'emploi de leurs peuples ».

Le rôle de l’UE dans ce domaine consiste pour l’essentiel à promouvoir une harmonisation des législations nationales et à compléter les politiques menées par les États membres dans le domaine du droit du travail en fixant des normes minimales. Conformément au traité (en particulier l'article 153), l'UE adopte des directives définissant des exigences minimales en matière de conditions de travail et d'emploi, d'information et de consultation des travailleurs. Les États membres sont libres d'adopter des niveaux de protection plus élevés.

À cette fin, le Parlement européen et le Conseil

  • peuvent adopter des mesures destinées à encourager la coopération entre États membres par le biais d'initiatives visant à améliorer les connaissances, à développer les échanges d'informations et de meilleures pratiques, à promouvoir des approches novatrices et à évaluer les expériences, à l'exclusion de toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des États membres;
  • peuvent arrêter, dans certains domaines par voie de directives des prescriptions minimales applicables progressivement, compte tenu des conditions et des réglementations techniques existant dans chacun des États membres. Dans ce domaine, l’UE avance prudemment afin d’éviter « d'imposer des contraintes administratives, financières et juridiques telles qu'elles contrarieraient la création et le développement de petites et moyennes entreprises » (article 153 du Traité sur le fonctionnement de l’UE). Les domaines concernés sont potentiellement assez vastes et recouvrent : l'amélioration du milieu de travail pour protéger la santé et la sécurité des travailleurs, les conditions de travail, la sécurité sociale et la protection sociale des travailleurs, la protection des travailleurs en cas de résiliation du contrat de travail, l'information et la consultation des travailleurs, les conditions d'emploi des ressortissants des pays tiers se trouvant en séjour régulier sur le territoire de l'Union, l'intégration des personnes exclues du marché du travail, l'égalité entre hommes et femmes en ce qui concerne leurs chances sur le marché du travail et le traitement dans le travail.

Dans le domaine social, le Parlement européen et le Conseil doivent consulter le Comité économique et social et le Comité des régions. L’UE agissant par directives que les État membres doivent transposer dans leur droit national et mettre en œuvre, ce sont donc les autorités nationales (inspection et tribunaux du travail, notamment) qui veillent à l'application des règles.

Par ailleurs, comme au niveau international, le rôle des partenaires sociaux devient croissant dans l’édiction de normes ou de principes en matière sociale. On peut noter plus particulièrement le rôle joué par la confédération européenne des syndicats pour les salariés qui regroupe 89 organisations nationales et environ 45 millions de membres et par BusinessEurope, du côté des employeurs, qui rassemble 40 organisations nationales d’entreprises. Ces partenaires sociaux signent des accords-cadres européens en matière sociale. On en compte plus de 110 aujourd’hui.

Les accords-cadres sont le résultat du processus autonome du dialogue social européen. À ce jour, les partenaires sociaux européens ont conclu différents accords-cadres intersectoriels en vertu des articles 154 et 155 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

Deux procédures existent pour leur mise en œuvre:

  • soit les partenaires sociaux européens demandent au Conseil d'adopter une décision. De cette façon, l'accord devient partie intégrante du droit communautaire. Trois accords ont été mis en œuvre par le Conseil des Ministres, l’accord sur le congé parental (1996), révisé en 2008, l’accord sur le travail à temps partiel (1997) et l’accord sur les contrats à durée déterminée (1999).
  • soit les partenaires sociaux européens concluent des accords d'initiatives "volontaires", dont la mise en œuvre au niveau national, sectoriel et de l'entreprise, est conférée aux partenaires sociaux eux-mêmes. Quatre accords volontaires ont été conclus, sur le télétravail (2002), sur le stress lié au travail (2004), sur le harcèlement et la violence au travail (2007) et sur les marchés du travail inclusifs (2010).
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