Par Gilbert Lemardeley
Dernière mise à jour : décembre 2018

Le service public est la première activité de l'Administration. Il s’agit d’une activité menée par une personne publique ou sous son contrôle en vue de satisfaire un besoin d'intérêt général. Parce que l'activité doit répondre à l'intérêt général, elle doit être assurée par l'Administration ou au moins sous son contrôle. Plusieurs théoriciens du droit ont tenté une définition de cette notion dont le plus emblématique est M. DUGUIT.

En France on distingue traditionnellement les services publics administratifs (SPA) et les services publics industriels et commerciaux (SPIC).

Au sein de l'Union européenne, la gestion des activités d'intérêt général a donné lieu à la création d'une multitude de notions telles que les services d’intérêt général (SIG) ou encore les services sociaux d’intérêt général (SSIG).

Le service public (SP) est la première activité de l'Administration.

Un service public est une activité d’intérêt général, laquelle est soit directement prise en charge par une personne publique, soit exercée sous contrôle étroit, ainsi apparait la définition de la notion de service public qui est la plus couramment admise. Parce que l'activité doit répondre à l'intérêt général, elle doit être assurée par l'Administration ou au moins sous son contrôle.

On distingue traditionnellement les services publics administratifs (SPA) et les services publics industriels et commerciaux (SPIC). Cette seconde notion s’est développée par opposition à la première.

La doctrine considère que les services publics sont par principe administratifs, sauf s'ils remplissent les critères du service public industriel et commercial à savoir :

  • L'objet du service : il doit s'agir d'une activité de vente ou de production de biens, ou d'une prestation de service.
  • L'origine des ressources. Il s'agit d'un SPIC lorsque les ressources viennent principalement de redevances perçues sur les usagers du service.
  • La modalité d'organisation et de fonctionnement du service (critère de gestion), lorsque ses modalités sont proches de celles d'une entreprise de droit privé, on penchera alors pour le SPIC.

Le rattachement d'un service public administratif au droit public entraîne une application large du droit administratif. Le service public emploie donc majoritairement des agents sous statut, le plus souvent des fonctionnaires. Les règles financières applicables sont celles des finances publiques et de la comptabilité publique.

L'usager d'un service public administratif est également placé dans une situation statutaire et réglementaire à l'égard du service, et non dans une relation contractuelle. En cas de responsabilité de la personne chargée du service public administratif, c'est le régime de la responsabilité administrative qui s'applique

Pendant longtemps, l'essentiel des règles du droit administratif était constitué par les règles régissant le SP. Ainsi, le droit administratif et celui des services publics ne semblaient faire qu’un.

1. L’origine de la notion

Le service public est un critère de répartition de compétence entre les ordres juridictionnel, judiciaire et administratif.

L'origine de la notion est jurisprudentielle. L'expression est employée dans une décision du Tribunal des Conflits dans l'Affaire « Blanco », (T. confl. 8 févr. 1873, Blanco : Rec. CE 1873, 1er suppl. 61, concl. David).

Le considérant de principe est le suivant : « La responsabilité qui peut incomber à l'État pour les dommages causés aux particuliers par le fait de personnes qu'il emploie dans le service public, ne peut être régie par les principes qui sont établis dans le Code civil pour les rapports de particuliers à particuliers ». Le juge des conflits se réfère donc bien au service public pour justifier la compétence du juge administratif.

Cette décision va passer inaperçue à l'époque. Le Conseil d'État dans un arrêt du 04 mars 1910 va rappeler que le service public fonde ainsi la compétence du juge administratif en matière de responsabilité contractuelle des communes (CE, 4 mars 1910, Thérond : Rec. CE 1910, p. 193 ; S. 1911, 3, p. 17, concl. Pichat, note Hauriou), des départements (CE, 6 févr. 1903, Terrier : Rec. CE 1903, p. 94 ; S. 1903, 3, p. 25, concl. Romieu, note Hauriou). 

A partir de cette jurisprudence la doctrine et plus précisément l’École du Service Public va faire de cette notion le centre du droit administratif. De plus, pour Léon DUGUIT, chef de file de l’école du SP de Bordeaux, la théorie du service public assoit la légitimité de l'intervention étatique dans l'économie en faisant de l'État non seulement un instrument de la puissance publique, mais un moyen au service de la collectivité. En d'autres termes, pour DUGUIT, le service public constitue à la fois le fondement de la légitimité des gouvernants et la limite de leur pouvoir.

Pour G. JÈZE, disciple de L. DUGUIT, c'est parce que l'administration assure des activités de service public qu'elle est soumise à des règles exorbitantes de droit commun. C'est à ce titre que JÈZE a affirmé que le service public est « la pierre angulaire du droit administratif ».

La notion de service public n'est plus seulement un aspect de l'action administrative mais devient :

Un véritable critère de la compétence des juridictions administratives d’une part et d’autre part le fondement de l'État et du droit administratif.

La notion de SP se compose, au moins jusqu’à la 1er guerre mondiale, de trois éléments :

  • un élément organique : tout SP doit être géré par une personne publique étant précisé qu’une personne privée peut se voir confier une mission de SP (CE, 1910, THEROND) ;
  • un élément formel ou juridique : tout SP est soumis à un régime juridique différent du droit privé donc au droit administratif ;
  • un élément fonctionnel ou matériel : tout SP a pour objet la satisfaction de l'intérêt général.

En conséquence, la conception du SP peut se synthétiser de la façon suivante : « Une activité d’intérêt général assurée par une personne publique au moyens de procédés exorbitants de droit commun ».

2. La crise de la notion

2.1. L’élément formel ou juridique

Certains SP peuvent être régis par des règles de droit privé alors même qu’ils sont exploités par une personne publique.

Dans sa décision du 22.01.1921, Société commerciale de l’Ouest Africain : Bac d'Eloka, le Tribunal des Conflits a estimé qu’un SP pouvait être régi par les règles de droit privé et ressortir en conséquence de la compétence du juge judiciaire dans la mesure où il s’agissait de l’exploitation d’une activité commerciale relevant de l’initiative privée. Cette jurisprudence a également permis de justifier l'extension de la notion de service public au-delà des missions régaliennes de l'État. Fût ainsi créée la notion de Services Publics Industriels et Commerciaux (S.P.I.C.) et celle de Services Publics Administratifs (S.P.A.).

Autrement dit, l’élément formel ou juridique n’est pas déterminant.

Pour qualifier un service public d’industriel et commercial la jurisprudence utilise comme critères combinés : l’objet du service, l’origine de ses ressources, les modalités de son organisation et de son fonctionnement.

2.2. L’élément organique

Certains SP peuvent être régis par des règles de droit public alors même qu’ils sont exploités par des personnes de droit privé (Arrêt du Conseil d’État du 13.05.1938, Caisse primaire, Aide et Protection). Il en va ainsi de certaines entreprises jusque-là privées qui avaient la charge de SP qui furent nationalisées en 1944. Ces entreprises vont être soumises à un mélange de règles de droit privé et de droit public.

Autrement dit, l’élément organique n’est pas déterminant.

Toutefois, aucun de ces deux éléments de la définition classique n’a complètement disparu même si parmi les éléments classiques constituant les SP l'élément fonctionnel demeure, au regard de la jurisprudence, prépondérant.

3. Définition contemporaine

Dans la conception jurisprudentielle et législative, la notion de SP vise essentiellement une activité, une mission, c'est-à-dire que la notion est prioritairement fonctionnelle ou matérielle.

Cette activité peut être exercée par des personnes publiques, mais il peut également y avoir des activités de SP gérées par des personnes privées (société dont le capital est majoritairement public, contrat, délégation).

L'activité est caractérisée non pas par la personne qui la mène, non pas par le régime qui l'emploie (public, privé, mixte), mais par la fonction qui lui est assignée.

Ainsi, le service public est une activité exercée dans l'intérêt général, qui est à la fois le but et la justification de l'activité. L'activité est un SP parce qu'elle est menée dans l'intérêt général.

Or, l’intérêt général demeure une notion relativement subjective qui est étroitement liée à l’évolution des mentalités.

4. Définition subjective du service public

Pour Gaston JÈZE, le SP est un besoin d'intérêt général que l'on va satisfaire par un SP. Aujourd'hui, telle activité est qualifiée de SP lorsqu'elle remplit un intérêt général.

Dans ce cas, c'est l'intention des gouvernants qui est importante. Il faut qu’il y ait une volonté caractérisée d’ériger en service public tel ou tel besoin en raison notamment de la carence de l’initiative privée. Il n’est d’ailleurs pas étonnant que nous retrouvions ce principe comme élément de détermination des délégations de service public.

Ainsi, l'intention peut être expresse (ex : l'organisation et contrôle de l'exercice de la profession médicale) ou implicite (Arrêt du Conseil d'État du 20.04.1956, affaire Époux Bertin). Dans ce second cas, le juge recherchera, au besoin, les indices qui conduisent à conclure que la volonté des gouvernants était d’accorder à tel service la qualification de public.

Même si l’activité ne relève pas fondamentalement des missions de la personne publique à partir du moment où elle n’est pas exercée dans des conditions comparables à une entreprise privée alors elle pourra recevoir la qualification de service public administratif (tel est le cas d’un festival international, CE, Sect., 6 avril. 2007, Commune d’Aix-en-Provence).

Des textes donnent une qualification à un service. Lorsque cette qualification est donnée par la loi, elle s’impose au juge. Tel est le cas pour les services publics de l’eau et de l’assainissement (CGCT, art. L. 2224-11), les services de remontées mécaniques et pistes de ski (C. tourisme art. L. 342-13).

5. La notion européenne du service public

Les "services d'intérêt général", ou SIG, correspondent à une conception européenne des services publics. Parmi eux, l'Union européenne (UE), en tant que marché unique, s'intéresse particulièrement aux "services d'intérêt économique général", ou SIEG, qui correspondent à ceux des services publics qui recourent à des prestations économiques (distribution de l'électricité, du gaz, du courrier…).

Aujourd'hui, la conception européenne repose sur trois éléments principaux :

  • L'UE reconnait que l'accomplissement d'une mission de service public peut prévaloir sur les règles de la concurrence (à condition que les avantages fournis par l'Etat à l'entreprise qui exerce le SIEG compensent strictement les coûts engendrés par la mission de service public.) ;
  • Le droit européen oblige chaque Etat à mobiliser suffisamment de moyens pour que les missions des SIEG soient accomplies ;
  • L'UE ne se prononce pas sur les choix des services publics, qui sont laissés à l'Etat, ou encore sur la manière de les organiser.

5.1. Les « services d'intérêt général » (SIG).

Il s’agit de prestations de services délivrées aux administrés par les pouvoirs publics, soit directement, soit par délégation à des tiers. Peuvent être définis comme les services, tant économiques que non économiques, que les autorités publiques classent comme étant d'intérêt général et soumettent à des obligations spécifiques de service public.

5.1.1. Les « services d'intérêt économique général » (SIEG)

Sous-catégorie des SIG qui relèvent du secteur marchand à la différence de ceux non économique.

Au niveau national, ce sont traditionnellement les grandes activités exercées en réseau comme le service postal, la fourniture d'électricité et de gaz ou le secteur des transports ferroviaires. Sur le plan local, il peut également s'agir de la gestion des services des eaux, des transports municipaux, des déchets ou encore l'installation de remontées mécaniques.

5.1.2. Les « services non économiques d’intérêt général » (SNEIG) qui sont également une sous-catégorie des SIG.

Ces services, qui comprennent par exemple les prérogatives étatiques traditionnelles, telles que la police, la justice et les régimes légaux de sécurité sociale, ne sont soumis ni à une législation communautaire spécifique, ni aux règles du traité relatives au marché intérieur et à la concurrence.

Néanmoins, comme l'indique la Commission européenne, le caractère économique d'une activité est pour le moins délicat à déterminer avec certitude. Chaque situation doit faire l'objet d'une analyse spécifique en fonction des éléments donnés par la Cour de justice de l'Union.

Sous l’influence de la jurisprudence Altmark, la Commission européenne a adopté le 28 novembre 2005 (2005/842/CE) un texte relatif aux entreprises chargées de la gestion d’un service d'intérêt économique général (SIEG), connu sous le nom de « paquet Monti-Kroes ».

Ce texte impose à l'autorité publique, notamment aux collectivités territoriales de définir les obligations de service public (OSP) confiées aux entreprises chargées de l'exécution d'un SIEG et les dispositions qui en découlent. En effet, les compensations octroyées aux entreprises en charge d'OSP sont pour la plupart assimilées à des aides d'État, c'est-à-dire des aides publiques susceptibles de fausser la concurrence et interdites de façon générale par l'article 87.1 du traite CE.

5.2. Les « services sociaux d’intérêt général » (SSIG).

Il n’y a pas de définition communautaire, mais il ne s’agit pas d’une nouvelle catégorie de SIG. Pour autant le droit applicable à ces services est identique à celui des SIG c’est-à-dire déterminer la nature économique ou non de l’activité. La Commission européenne en distingue deux grandes sphères :

  • premier lieu, les régimes légaux et complémentaires de protection sociale couvrant les risques de maladie, vieillesse, chômage, retraite, handicap et accident du travail ;
  • en second lieu, les services essentiels prestés directement à la personne.

6. Les principes fondamentaux

6.1. Le principe de continuité

Ce principe repose sur l'idée que le service assure des besoins impérieux pour la population. Il est donc nécessaire d'éviter que le service fonctionne par à-coups ou soit interrompu (principe de valeur constitutionnelle par décision du Conseil Constitutionnel, déc. n° 79-105 DC, 25 juillet. 1979 : Rec. Cons. const. 1979, p. 33).

6.2. Le principe de mutabilité et d’adaptabilité

Le SP doit évoluer en fonction des exigences et des changements des besoins collectifs et de l'intérêt général.

6.3. Le principe de l’égalité devant le service public

Égalité par rapport aux avantages et aux obligations concernant les usagers (principe à valeur constitutionnelle par décision du Conseil Constitutionnel, déc. n° 2001-446 DC, 27 juin 2001, IVG).

6.4. Absence de principe général de gratuité

La doctrine n'a jamais considéré la gratuité comme un principe général du service public.

Désormais, la notion de service public n’est plus la notion déterminante qui commande l’application du droit administratif et le recours au juge administratif. De plus, le droit de l’Union Européenne influence également grandement la notion de SP à la française.

Tags :
    
© 2023 CNFPT