Par Raymond Ferretti, Maître de conférences des Universités
Dernière mise à jour : juillet 2016

La supériorité juridique de la Constitution a toujours été proclamée et reconnue, même si elle n’a pas toujours été effective. C'est pour rendre cette supériorité effective que s’est développé le contrôle de constitutionnalité.

Le contrôle de constitutionnalité consiste dans la confrontation d’une norme juridique à la norme constitutionnelle en vue d’en vérifier la conformité ou la non contrariété. En d’autres termes, dans tout contrôle de constitutionnalité on vérifie l’existence d’un certain rapport entre deux normes juridiques.

Le contrôle de constitutionnalité est assuré, sous la Vème République, par le Conseil constitutionnel. Il l’est à travers différentes procédures.

1. L’auteur du contrôle : le Conseil constitutionnel

Prévu par la Constitution dans son Titre VII (articles 56 à 63), le Conseil Constitutionnel est une institution importante dont l’organisation et le fonctionnement ont été précisés par l'ordonnance no 58-1067 du 7 novembre  1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel.

1.1. Composition

Le Conseil Constitutionnel est formé de 9 membres nommés et par des membres de droit.

1.1.1. Les membres nommés

Neuf membres sont nommés par les plus hautes autorités de l’Etat selon une procédure qui a été modifiée en 2008.

1.1.1.1. La procédure de nomination

Ce sont les plus hautes autorités de l’Etat qui nomme les membres du Conseil constitutionnel à savoir, le Président de la République, le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat. De plus, le président de la République nomme le président du Conseil constitutionnel parmi ses membres.

Ce type de nomination peut laisser planer un doute sur le caractère indépendant de l’institution. Or, on constate que les membres de toutes les juridictions constitutionnelles sont nécessairement désignés par des organes politiques. Ainsi, au Canada ou au Danemark, les juges sont-ils désignés par l'exécutif exclusivement, ou encore par l'exécutif et le législatif, comme aux Etats-Unis ou au Portugal, ou enfin par les Assemblées uniquement, comme en Allemagne. Il est vrai que parfois, aux autorités politiques de nomination se joignent les juridictions suprêmes, judiciaires et administratives, comme c’est le cas en Italie. L’intervention des organes politiques n’est donc pas en soi un défaut. Ce qui compte peut être plus pour déterminer l’indépendance de l’institution ce sont les conditions de la nomination. C’est pourquoi la procédure de nomination a été modifiée.

Date de nominationNommés par le président de la RépubliqueNommés par le président du SénatNommés par le président de l'Assemblée Nationale
24-02-2010Michel CHARASSE

Hubert HAENEL puis le 12-10-2015

Jean-Jacques HYEST

Jacques BARROT puis le 18-12-2014

Lionel JOSPIN

22-02-2013Nicole MAESTRACCINicole BELLOUBETClaire BAZY-MALAURIE
18-02-2016Laurent FABIUSMichel PINAULTCorinne LUQUIENS
Depuis juin 2004, Valéry GISCARD d’ESTAING a siégé comme membre de droit en tant qu’ancien Président de la République, Jacques CHIRAC a siégé de juin 2007 à mars 2011, Nicolas SARKOZY de juin 2012 à janvier 2013
LES PRESIDENTS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
MembresNomination en tant que PrésidentDurée du mandatAuteur de la nomination
Léon NOEL20 février 19591959 - 1965Charles DE GAULLE
Gaston PALEWSKI23 février 19651965 - 1974Charles DE GAULLE
Roger FREY22 février 19741974 - 1983Georges POMPIDOU
Daniel MAYER21 février 19831983 - 1986François MITTERRAND
Robert BADINTER20 février 19861986 - 1995François MITTERRAND
Roland DUMAS24 février 19951995 - 2000François MITTERRAND
Yves GUENA1er mars 20002000 - 2004Jacques CHIRAC
Pierre MAZEAUD24 février 20042004 - 2007Jacques CHIRAC
Jean-Louis DEBRE23 février 20072007 - 2016Jacques CHIRAC
Laurent FABIUS19 février 20162016- …François HOLLANDE

L'article  56 de la Constitution dans sa nouvelle rédaction résultant de la révision du 23 juillet 2008 précise que la procédure prévue au dernier alinéa de l'article 13 est applicable à ces nominations. Ce qui revient à dire que les personnes pressenties pour exercer les fonctions de membre du Conseil sont auditionnées par les commissions compétentes des assemblées parlementaires en vue de donner leur avis. Elles peuvent éventuellement s’opposer à la nomination à la majorité  des 3/5. Les nominations effectuées par le président de chaque assemblée sont soumises au seul avis de la commission permanente compétente de l'assemblée concernée. Cette nouvelle procédure ne règlera certainement pas complètement la question mais comme le précise Guy Carcassonne cela représentera « une garantie utile de ce que les autorités de nomination ne présenteront que des candidats présentables. Ce sera un progrès essentiel »

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Le 8 mars 2016, Laurent Fabius et Michel Pinault et Corinne Luquiens ont prêté serment devant le Président de la République. Après avoir juré de « bien et fidèlement remplir leurs fonctions, de les exercer en toute impartialité dans le respect de la Constitution, de garder le secret des délibérations et des votes et de ne prendre aucune position publique, de ne donner aucune consultation sur les questions relevant de la compétence du Conseil », ils ont pu prendre leurs fonctions de membre du Conseil constitutionnel pour une durée de 9 ans.

Laurent Fabius a en outre été nommé Président du Conseil constitutionnel en application du dernier alinéa de l'article 56 de la Constitution qui dispose également que le Président du Conseil constitutionnel a voix prépondérante en cas de partage des voix. Il est le dixième président du Conseil constitutionnel.

1.1.1.2. La durée des fonctions

Les membres nommés le sont pour neuf ans, contrairement aux membres de droit qui le sont à vie. Le Conseil constitutionnel est renouvelé par tiers tous les trois ans. Chaque année de renouvellement, le président de la République nomme un nouveau membre, le président de l’Assemblée nationale en fait de même ainsi que le président du Sénat.

En cas de décès ou de démission, l'autorité de nomination désigne un nouveau conseiller pour la durée du mandat restant à courir. Toutefois, une personne nommée en remplacement d'un conseiller décédé ou démissionnaire dont le mandat devait expirer avant trois ans, peut être nommée à nouveau pour neuf ans.

Une telle durée est le véritable gage de l’indépendance des conseillers puisqu’en raison de leur âge (64 ans et 9 mois ans en moyenne) ils n’espèrent plus, après leur mandat, d’autres fonctions ou honneurs. Une seule exception peut cependant être citée, Madame Lenoir qui après être passé par le Conseil a exercé des fonctions ministérielles.

1.1.2. Les membres de droit

Les anciens Présidents de la République sont membres de droit du Conseil constitutionnel quand ils n'occupent pas de fonction incompatible avec le mandat de membre du Conseil, cas dans lequel ils ne peuvent pas siéger. Ils le sont à vie. C’est ainsi que Vincent Auriol et René Coty les deux anciens présidents de la IVe République ont siégé de 1959 à 1962. Le Général De Gaulle n’a jamais siégé au Conseil. Valéry Giscard d’Estaing a déclaré ne pas vouloir siéger dans un premier temps. Elu député par la suite, il a été frappé par l’incompatibilité liée au mandat parlementaire. Le 19 mai 2004, n’exerçant plus aucun mandat électoral incompatible, Valéry Giscard d’Estaing annonçait qu'il «repren[ait] la place de membre de droit que [lui] attribue l'article 56 (2e alinéa) de la Constitution ». En juin 2004, pour la première fois, il a participé aux délibérations du Conseil. François Mitterrand lui non plus n’a jamais effectivement siégé. Jacques Chirac est également membre de droit depuis le 15 novembre 2007. Il a cessé de siéger en mars 2011 en raison de son état de santé. Quant à Nicolas Sarkozy il a siégé à partir de juin 2012. Il a cessé de siéger en janvier 2013 à la suite de sa condamnation par le Conseil pour dépassement du plafond de dépenses lors de la campagne électorale des présidentielles de 2012.

La présence des anciens Président de la République est de plus en plus dénoncée. Elle l’a été notamment par le Rapport Jospin et plus récemment par le rapport Bartolone-Winock, mais pour en arriver là, il faudrait bien sûr réviser la Constitution.

1.2. Statut

Les membres du Conseil Constitutionnel prêtent serment devant le Président de la République. Ils ne peuvent pas donner de consultations ou prendre des positions sur des questions ayant fait l’objet de délibérations du Conseil Constitutionnel.

La loi organique du 19 janvier 1995 a précisé le régime d’incompatibilité des membres du Conseil. Ainsi, les fonctions de membre du Conseil constitutionnel sont incompatibles avec celles de ministre, de membre du Parlement et du Parlement européen, de membre du Conseil économique, social et environnemental et avec tout mandat électoral. Les membres du Conseil sont aussi soumis au même régime d’incompatibilités professionnelles que les parlementaires. Ils ne peuvent pas, par exemple, exercer des fonctions de direction dans une entreprise privée ou nationale. Il leur est également interdit d’exercer une fonction de responsabilité ou de direction au sein d’un parti politique.

1.3. Compétences

Le Conseil constitutionnel exerce des compétences juridictionnelles mais aussi des compétences non juridictionnelles.

1.3.1. Les compétences non juridictionnelles

1.3.1.1. Les avis du Conseil Constitutionnel

Dans deux cas, le Conseil constitutionnel doit être consulté par le Président de la République. Il s’agit en premier lieu de l’utilisation de l’article 16. La décision présidentielle doit être précédée d’un avis public et motivé du Conseil, il doit également être consulté sur les décisions prises dans ce cadre. Depuis la révision constitutionnelle de 2008, il vérifie si les conditions de mise en œuvre de l’article 16 sont toujours réunies soit à la demande d'un président d'assemblée ou 60 députés ou 60 sénateurs au bout de 30 jours, soit de plein droit au bout de 60 jours. En second lieu, le Conseil peut être consulté par le Président de la République quant à l’organisation d’un référendum. Il s’agit là d’une consultation sur les aspects techniques de l’organisation d’un référendum.

1.3.1.2. Les constats du Conseil Constitutionnel

C’est le Conseil constitutionnel qui constate la vacance ou l’empêchement du Président de la République (art 7C), mais aussi selon le même article de la Constitution, l’empêchement ou le décès d’un candidat à l’élection présidentielle. Toujours en ce qui concerne l’élection présidentielle, c’est le Conseil qui établit la liste définitive des candidats, qui surveille les opérations électorales et qui proclame les résultats.

1.3.2. Les compétences contentieuses

1.3.2.1. Le contentieux électoral

  • Le contentieux électoral des élections législatives

Le Conseil juge non seulement la régularité des opérations électorales, mais aussi les incompatibilités et les inéligibilités des candidats et des élus enfin il est juge de leurs comptes de campagne.

  • Le contentieux électoral des élections présidentielles

Le Conseil juge également la régularité des opérations électorales, la régularité des candidatures ainsi que le respect des règles de financement des campagnes électorales.       

  • Le contentieux des référendums

Là encore le Conseil constitutionnel juge la régularité des opérations électorales.

1.3.2.2. Le contentieux normatif

Juge de la répartition des compétences entre la loi et le règlement, le Conseil constitutionnel peut être saisi soit en cours de discussion parlementaire par le président de l'assemblée ou par le Gouvernement dans le cadre de l’article 40 de la Constitution (irrecevabilité) soit a posteriori par le Premier ministre pour déclasser une disposition de forme législative délégalisation de l’article 37.2.

Outre ce contentieux de la répartition des compétences entre le législateur et le Gouvernement, le Conseil assure également le contentieux de la constitutionnalité.

2. Les procédures du contrôle de constitutionnalité

2.1. Le contrôle de constitutionnalité des lois (art 61.2 C)

Ce contrôle est facultatif. Jusqu’en 2008 il ne s’agissait que d’un contrôle à priori, c'est-à-dire qu’il n’intervient qu’avant la promulgation. Depuis, un contrôle à postériori est possible dans le cadre de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC)

2.1.1. Le contrôle à priori

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2.1.1.1. La saisine

  • Le délai de saisine

Le texte adopté définitivement par le Parlement est transmis au Président de la République en vue de sa promulgation. C’est pendant ce délai de promulgation qui est de 15 jours que le Conseil constitutionnel peut être saisi.

  • Les auteurs de la saisine 

Seules certaines autorités peuvent saisir le Conseil. Il s’agit du Président de la République, du Premier ministre, des présidents des assemblées parlementaires, et depuis la révision constitutionnelle de 1974 de 60 députés ou de 60 sénateurs.

2.1.1.2. L’objet

Le contrôle de constitutionnalité débouche aujourd’hui sur ce que l’on peut appeler à l’instar du contentieux administratif, le contrôle de la constitutionnalité « externe » et le contrôle de la constitutionnalité « interne ».

Le contrôle de la constitutionnalité « externe »

Il s’agit de contrôler le respect des règles de procédure ou de compétence.

  • Le vice de procédure

Pour ce qui est de la procédure, le Conseil ne contrôle que ce qui relève des règles par la Constitution et non celles qui figurent dans les règlements des assemblées. Dans ce domaine, le Conseil exerce un contrôle souple, sanctionnant la violation « substantielle ».

  • L’incompétence

L’incompétence positive :

Sont concerné les cas dans lesquels le législateur ordinaire intervient dans le domaine du législateur organique. Mais, les cas dans lesquels le législateur est allé au-delà de la compétence prévue par l’article 34 de la Constitution ne sont pas des inconstitutionnalités depuis que la décision n° 82-143 DC du 30 juillet 1982. En d’autres termes, le législateur peut élargir le domaine de la loi vers le domaine réglementaire sans pour cela violer la Constitution.

L’incompétence négative :

C'est le fait pour le législateur de ne pas exercer pleinement la compétence qui lui est donnée par l'article 34 de la Constitution pour s'en décharger au profit du pouvoir réglementaire ou d'autorités administratives. Le Conseil empêche ainsi le législateur d’abandonner ou de négliger son propre domaine et ce de deux manières différentes.

En considérant d’abord, qu’il ne peut pas priver de garantie légale une règle, un principe ou un objectif à valeur constitutionnel (Décision 85-185 DC du 18 janvier 1985).

En considérant ensuite que le législateur ne peut se reposer sur le règlement pour préciser certaines dispositions dans des matières « nobles » comme les libertés publiques justement. Le Conseil Constitutionnel a ainsi créé une incompétence négative. (Décision 82-132 DC du 16 janvier 1982, Nationalisations)

De même, pour déterminer le bénéfice des allocations familiales, les dispositions réglementaires prévues par la loi ne sauraient fixer les plafonds de ressources, compte tenu des autres formes d'aides aux familles, de telle sorte que seraient remises en cause les exigences du Préambule (Décision n° 97-393 DC du 18 décembre 1997)

Le contrôle de la constitutionnalité « interne »
  • Le détournement de pouvoir ou le contrôle du but poursuivi

En l’état actuel de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, on ne peut pas dire qu’il contrôle le but poursuivi par le législateur lorsqu'il vote une loi. Le Conseil a pris d’ailleurs la précaution de rappeler « qu'il ne lui appartient pas de se prononcer sur l'opportunité de dispositions législatives » (CC, décision n° 89-261 DC, 28 juillet 1989). Mais certains raisonnements suivis par le Conseil peuvent être assimilés au contrôle du détournement de pouvoir. Le juge constitutionnel impose un « effet de cliquet » au législateur en lui interdisant, s'agissant de situations existantes intéressant une liberté publique, de les remettre en cause que dans deux hypothèses : celle où ces situations auraient été illégalement acquises ; celle où leur remise en cause serait réellement nécessaire pour assurer la réalisation de l'objectif constitutionnel poursuivi (Décision. n° 84-181 DC des 10 et 11 octobre 1984, et  Décision n° 86-210 DC du 29 juil. 1986). Surtout, si elle peut modifier un régime existant, s'agissant d'une liberté fondamentale, la loi ne peut en réglementer l'exercice qu'en vue de le rendre plus effectif.

Quant au détournement de procédure, bien qu’il n’ait jamais été sanctionné par le juge constitutionnel, il a été évoqué. Ainsi, lorsque le Conseil contrôle l'utilisation faite par le Gouvernement de la procédure de l'article 38 de la Constitution afin de légiférer par ordonnances (CC, décision n° 86-208 DC, 1er et 2 juillet 1986), il conclut à l'absence du détournement de procédure.

  • La violation de la Constitution ou le contrôle des motifs

Le terme de violation de la Constitution désigne l'ensemble des inconstitutionnalités sanctionnées au regard des libertés et droits fondamentaux protégés par l'ensemble du bloc de constitutionnalité.  C'est donc surtout dans les éléments du bloc de constitutionnalité qui contiennent ces droits et libertés que l'on trouve les normes de référence de ce contrôle au fond : Déclaration de 1789, Préambule de 1946, mais bien évidemment aussi dans le texte même de la Constitution.

Le Conseil constitutionnel s’assure que le législateur n’a commis aucune erreur de droit ou de fait. Mais en ce domaine le juge constitutionnel est prudent. Il a lui-même précisé que l'article 61 de la Constitution « ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision identique à celui du Parlement » (CC, décision n° 74-54 DC, du 15 janvier 1975) et donc que l'étendue de son contrôle doit trouver en lui-même ses propres limites.

Le plus souvent, c’est un contrôle restreint qu’il pratique. C’est ainsi, qu’il opère seulement, à l’instar du juge administratif, un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation : « l'appréciation portée par le législateur sur la nécessité des nationalisations (...) ne saurait, en l'absence d'erreur manifeste, être récusée... » (CC, décision n° 81-132 DC, 16 janvier 1982)

Ce contrôle de l'erreur manifeste, évolue vers un contrôle de proportionnalité. Le Conseil constitutionnel dénonçant les atteintes « excessives » à un droit constitutionnellement protégé, ou encore des « disproportions manifestes » entre une règle législative et un principe constitutionnel ou encore des « dispositions qui dépassent manifestement les limites que le respect de la Constitution impose au législateur »

Mais chaque fois qu'une liberté essentielle est mise en cause par la loi (égalité, liberté d'aller et venir, sûreté,...), le contrôle du Conseil s'exercer de façon approfondie.

2.1.1.3. La sanction

La loi peut être déclarée conforme ou non conforme à la Constitution. Si elle n’est pas conforme la sanction sera l’annulation. Plus récemment le Conseil a introduit une nouvelle technique celle des réserves d’interprétation.

  • L’ « annulation » de la loi

Si la loi est conforme, elle sera alors promulguée. Si elle ne l’est pas elle ne pourra pas être promulguée et par conséquent elle ne verra jamais le jour. C’est ce que l’on appelle l’annulation de la loi.

La conformité de la loi à la Constitution peut être partielle. Dans ce cas, si le reste de la loi a un sens il pourra être promulgué. On peut parler dans ce cas d’une annulation partielle.

  • La conformité sous réserve

La loi sera déclarée conforme par le Conseil Constitutionnel à la condition que soit respectée telle ou telle interprétation que le Conseil constitutionnel énonce.

2.1.2. Le contrôle à postériori : la QPC

La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a instauré l’exception d’inconstitutionnalité qui permet à un justiciable de saisir indirectement le Conseil constitutionnel en vue de faire constater l’inconstitutionnalité d’une loi. Cette réforme a été précisée par la loi organique du 10 décembre 2009 qui utilise le terme de question prioritaire de constitutionnalité (QPC).

Inscrite désormais dans la Constitution à l’article 61-1, la question prioritaire de constitutionnalité consiste en réalité en une double réforme qui se traduit par une nouvelle procédure. 

2.1.2.1. Une double réforme

Non seulement elle instaure la saisine individuelle du Conseil constitutionnel, mais elle met en place un contrôle de constitutionalité à postériori, c’est à dire qui n’est pas limité dans le temps. 

  • La saisine individuelle du Conseil constitutionnel 

Avant la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, une loi ne pouvait être déférée au Conseil constitutionnel que par le président de la République, le Premier ministre, le président de l'Assemblée nationale ou le président du Sénat. La loi constitutionnelle du 29 octobre 1974 avait élargi la saisine à soixante députés ou soixante sénateurs. Cette dernière saisine dite « saisine de l’opposition » avait considérablement ouvert le contrôle de constitutionnalité. Il restait à aller plus loin encore c'est-à-dire à ouvrir le contrôle aux individus.

L’article 61-1 de la Constitution prévoit désormais que le Conseil Constitutionnel pourra être saisi par un justiciable lorsqu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit.

C’est donc à l’occasion d’un procès uniquement que l’inconstitutionnalité d’une disposition législative pourra être soulevée à travers une question prioritaire de constitutionnalité dès lors que cette disposition porte atteinte à un droit ou une liberté garanti par la Constitution ce qui exclut toutes autres dispositions constitutionnelles et notamment celles de nature procédurales, relatives aux pouvoirs publics et à leurs rapports, ainsi que les dispositions relatives au partage des compétences entre la loi et le règlement, figurant dans la Constitution.

Au cas où ce droit ou cette liberté serait garanti par un Traité, le contrôle de conventionnalité ne pourrait intervenir qu’après le contrôle de constitutionnalité. C’est pourquoi les parlementaires ont retenus l’expression : « Question prioritaire de constitutionnalité ». 

  • Le contrôle de constitutionnalité à postériori 

Avant la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, non seulement, la saisine du Conseil constitutionnel était réservée aux plus hautes instances de l’Etat, mais de plus elle ne pouvait intervenir qu’avant la promulgation de la loi. Le seul contrôle possible était donc un contrôle à priori.

Dès lors que la loi était promulguée, sa constitutionnalité ne pouvait plus être contestée devant le Conseil constitutionnel. Les juridictions administratives et judiciaires se refusaient à exercer un contrôle par la voie de l'exception. Ainsi, toutes les dispositions législatives qui n'avaient pas été examinées par le Conseil constitutionnel s'imposaient à tous alors même que le doute était permis sur leur conformité à la Constitution. Cette situation était d’autant plus inique que les citoyens pouvaient demander au juge judiciaire ou administratif de vérifier la conformité de la loi par rapport à une Convention internationale et donc au droit communautaire. Ainsi, le contrôle de constitutionnalité était-il fermé aux particuliers alors que le contrôle de conventionalité ne l’était pas.

Désormais l’article 61-1 ajoute au contrôle à priori de l’article 61, un contrôle à postériori. Il peut être mis en œuvre selon une procédure qui a été précisée par la loi organique. 

2.1.2.2. Une nouvelle procédure

  • Les étapes de la procédure 

La question prioritaire de constitutionnalité pourra être posée par le justiciable lors d'une instance judiciaire ou administrative, et même pour la première fois en appel. La juridiction elle-même ne pourra pas soulever la question.

Afin d’éviter que la mise en œuvre du mécanisme ne serve de prétexte à des manœuvres procédurales, il est prévu que la décision de transmettre ne sera pas susceptible de recours, étant entendu que la partie qui s’oppose à ce que la question soit posée pourra faire valoir son point de vue devant le Conseil d’État ou la Cour de cassation en plaidant, le cas échéant, que les conditions posées par la loi organique n’étaient pas remplies.

La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’État ou à la Cour de cassation.

La transmission est faite si les conditions suivantes sont remplies :

« 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;

« 2° Elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ;

« 3° La question n’est pas dépourvue de caractère sérieux.

 La décision de transmettre la question est adressée au Conseil d’État ou à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou les conclusions des parties. Dans ce cas la juridiction surseoira à statuer sauf dans trois cas :

  • lorsqu'une personne est privée de liberté à raison de l'instance
  • lorsque l'instance a pour objet de mettre fin à une mesure privative de liberté,
  • si la loi ou le règlement prévoit que la juridiction statue dans un délai déterminé ou en urgence.

Si la juridiction refuse de transmettre la question, sa décision ne pourra être contestée qu’à l’occasion d’un recours portant sur la décision au fond.

Il faut souligner que la QPC ne peut pas être soulevée devant la Cour d’assises.

Les juridictions suprêmes disposeront de trois mois pour examiner la requête et la transmettre, ou non, au Conseil constitutionnel si elles l'estiment nécessaire, ce dernier disposera lui aussi d’un délai de trois mois pour se prononcer. 

  • L’aboutissement de la procédure 

Dans le cadre d’un contrôle à priori qui était le seul possible jusqu’à la réforme, une disposition déclarée « inconstitutionnelle ne peut être promulguée ni mise en application » selon l’article 62 de la Constitution. La disposition en question ne verra donc jamais le jour.

Dans le cas du contrôle à postériori le même article modifié en 2008 précise : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision

Le Conseil peut donc, en fonction des circonstances, retarder l’abrogation de la loi comme d’ailleurs il peut déterminer les conditions et les limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause.

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Cette solution tranche avec celle qui s’applique traditionnellement en cas d’exception d’inconstitutionnalité et notamment aux Etats-Unis, où le juge n’annule pas la loi, mais en écarte simplement l’application au cas qui lui est soumis. Cette différence de solution s’explique par le fait qu’aux Etats-Unis le juge constitutionnel est un juge ordinaire alors qu’en France il s’agit d’une juridiction spéciale.

La QPC a connu un grand succès puisque depuis le 1er mars 2010, date d’entrée en vigueur de la réforme, le Conseil d'État et la Cour de Cassation ont saisi le Conseil constitutionnel de 465 questions prioritaires de constitutionnalité, soit respectivement 207 décisions de renvoi du Conseil d'Etat et 258 décisions de renvoi de la Cour de cassation.

En outre, cinq questions prioritaires de constitutionnalité ont été soulevées directement devant le Conseil constitutionnel à l'occasion du contentieux électoral.

Depuis le 1er mars 2010, le Conseil constitutionnel a rendu 395 décisions. Ces décisions se répartissent ainsi : 56,2 % de décisions de conformité, 14,1 % de conformité sous réserve, 14,6 % de non-conformité totale, 9,3 % de non-conformité partielle, 4,5 % de non-lieu et 1,3 % relatives à des aspects de procédure.

2.2. Les autres contrôles de constitutionnalité

2.2.1. Le contrôle de constitutionnalité des engagements internationaux (art 54 C)

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Les engagements internationaux c'est-à-dire essentiellement les traités doivent être conformes à la Constitution. Le contrôle de la conformité des traités à la constitution peut être réalisé tant que le traité n’est pas ratifié. S’il n’est pas ratifié le Conseil constitutionnel peut être saisi par le Président de la République, le Premier ministre, les présidents des assemblées parlementaires ainsi que par soixante députés ou sénateurs. Le conseil constitutionnel ainsi saisi a un mois pour se prononcer. S’il estime que le traité est conforme à la Constitution, il pourra être ratifié. S’il n’est pas conforme il ne pourra être ratifié que dans la mesure où la Constitution aura été révisée de façon à ce que le traité soit conforme. La ratification de six traités (Maastricht, Amsterdam,  Rome,  Traité constitutionnel et le deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Traité de Lisbonne) a ainsi provoqué six révisions.

2.2.2. Le contrôle de constitutionnalité des lois organiques et des règlements des assemblées

Les lois organiques et les règlements des assemblées parlementaires font l’objet d’un contrôle obligatoire. Dès leur adoption définitive ces actes sont transmis par le Premier ministre au Conseil constitutionnel. Ce contrôle obligatoire permet d’éviter le contournement des dispositions relevant du parlementarisme rationalisé.

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