Par Gilbert Lemardeley
Dernière mise à jour : mars 2019

« Les collectivités territoriales peuvent délivrer sur leur domaine public des autorisations d'occupation temporaire constitutives de droits réels en vue de la réalisation d'une opération d'intérêt général relevant de leur compétence. Le titulaire de ce titre possède un droit réel sur les ouvrages, constructions et installations de caractère immobilier qu'il réalise pour l'exercice de cette activité » (CGCT. art. L. 1311-5 à L. 1311-8). Au sein des droits patrimoniaux, on oppose les droits réels et les droits personnels. Un droit réel est un droit qui porte sur une chose. Le droit de propriété est un exemple de droit réel. Un droit personnel, ou droit de créance, est un droit d'exiger d'une personne une prestation.

L’ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 relative à la partie législative du Code de la Propriété des Personnes Publiques (CG3P) est venue codifier un droit essentiellement jurisprudentiel. Le décret n° 2011-1612 du 22 novembre 2011 est venu compléter la partie réglementaire dudit code.

Depuis le 1er juillet 2006 le domaine public se compose légalement de deux critères l’un organique l’autre d’affectation. Par principe l’occupation est payante sauf dérogation (CG3P, art. L. 2125-1).

En l'absence de tout texte l'imposant, les conventions d'occupation domaniale continuent à échapper à toute mesure de publicité et/ou de concurrence (CE, CE, 3 déc. 2010, n° 338272, Ville de Paris, assoc. Paris Jean Bouin, sté Paris Tennis, CE, 15 mai 2013, Ville de Paris, n° 364593) ainsi que les actes unilatéraux à l’exception des baux emphytéotiques administratifs pour lesquels l’article R. 1311-2 du CGCT prévoient une mise en concurrence en cas de contrat mixte c’est-à-dire associé à une délégation de service public, un marché public ou un contrat de partenariat.

En revanche, le gestionnaire du domaine public se doit de respecter la liberté du commerce et de l’industrie (CE, 23 mai 2012, RATP c/ Soc. 20 Minutes, n° 348909).

1. Fondement législatif 

L’ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 relative à la partie législative du Code de la Propriété des Personnes Publiques est entrée en vigueur le 1er juillet 2006.

Depuis cette date les personnes publiques au rang desquelles figurent l’État, les collectivités territoriales et leurs groupements et les établissements publics (article L. 1 dudit code) disposent d’un code regroupant les règles relatives à leurs domaines tant public que privée (Le code du domaine de l’État et les dispositions du Code civil relatives au domaine public sont abrogées).

La loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures a par son article 138 ratifié l’ordonnance n° 2006-460 qui a désormais force de loi.

2. Définition de la domanialité publique

Désormais, les domaines publics immobiliers naturel et artificiel sont légalement définis aux articles L. 2111-1 et s. du Code de la Propriété des Personnes publiques (C.G.3.P).

Le domaine public naturel est celui qui tire son origine de phénomènes naturels.

Ainsi, les domaines publics maritime naturel (art. L. 2111-4 à L. 2111-5 C.G.3.P.) et artificiel (art. L. 2111-6 C.G.3.P.); fluvial naturel (art. L. 2111-7 à L. 2111-9 C.G.3.P.) et artificiel (art. L. 2111-10 à 11 C.G.3.P.) sont codifiés.

Les domaines publics routiers (art. L. 2111-14 C.G.3.P.), ferroviaire (art. L. 2111-15 C.G.3.P.), aéronautique (art. L. 2111-16 C.G.3.P.) et hertzien (art. L. 2111-17 C.G.3.P.) connaissent le même sort.

Outre les composants légaux de cette domanialité publique naturelle et artificielle, désormais le domaine public immobilier artificiel se définit selon deux critères cumulatifs (règles générales : art. L. 2111-1 à L. 2111-3 C.G.3.P.)

Un critère dit organique selon lequel le bien doit appartenir à une personne publique.

Un critère dit d’affectation selon lequel le bien doit être affecté soit à l’usage direct du public, soit à un service public à condition d’avoir subi, dans ce second cas, un aménagement indispensable à cet effet. Par ailleurs, le domaine public peut se voir étendu par le biais de la théorie de la domanialité publique par accessoire. En effet, celle-ci est consacrée par le nouveau code qui dispose que « font également partie du domaine public les biens des personnes publiques (…) qui concourant à l’utilisation d’un bien appartenant au domaine public, en constituent un accessoire indissociable » (art. L. 2111-2 du C.G.3.P.). Ces liens physique et fonctionnel permettent lorsqu’ils sont cumulés d’étendre le champ d’application du régime de la domanialité publique. C’est notamment le cas des talus, mur de soutènement….

3. Définition du domaine privé

A contrario font partie du domaine privé les biens des personnes publiques qui ne relèvent pas du domaine public (art. L. 2211-1 et 2 du C.G.3.P.). Font également partie du domaine privé les chemins ruraux, les bois et forêts des personnes publiques relevant du régime forestier, les réserves foncières.

Il en va de même des bâtiments à usage de bureaux, qui ne font pas l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de service public, qui sont exclus du régime de la domanialité publique.

Les biens relevant du domaine privé sont gérés en application des règles du droit privé.

4. Le régime juridique du domaine public

Ce régime juridique, caractérisé par les principes d’inaliénabilité, d’imprescriptibilité et d’insaisissabilité, a pour fonction de protéger l’affectation du bien.

Un bien relevant du régime de la domanialité publique ne peut donc être vendu ou saisi. Il ne peut davantage faire l’objet d’une procédure acquisitive.

5. L’utilisation du domaine public

L’utilisation du domaine public peut être de deux natures :

  • La première concerne l’utilisation classique à savoir l’utilisation collective.

Cette utilisation impose la liberté d’usage, d’accès au domaine, la gratuité et l’égalité dans l’utilisation de celui-ci.

  • La seconde concerne l’utilisation privative du domaine public, qui impose à son occupant des contraintes propres à la nature du domaine utilisé à savoir essentiellement une occupation temporaire et révocable.

Dans cette seconde hypothèse, il convient de respecter certains principes généraux.

  • Toute occupation privative du domaine public se doit d’être précédée d’une autorisation expresse (L. 2122-1 du C.G.3.P.)
  • Toute occupation privative du domaine public est par nature précaire, temporaire et révocable (L. 2122-2 et 3 C.G.3.P.)
  • L’objet de l’association doit être compatible avec l’affectation du domaine public étant précisé que le régime de la domanialité publique a pour principal fonction la protection de l’affectation du domaine (inaliénabilité, imprescriptibilité et insaisissabilité). La collectivité détermine librement les conditions de mise à disposition de ses locaux dans la limite « de l’affectation de l’immeuble et de l’intérêt d’une bonne gestion du domaine ».

Toute occupation ou utilisation du domaine public quel qu’en soit le propriétaire, donne en principe lieu au paiement d’une redevance (art. L. 2125-1 et s. du Code Général de la Propriété des Personnes Publiques) sauf dérogation.

L'autorisation d'occupation ou d'utilisation du domaine public peut toutefois être délivrée gratuitement :

  • Soit lorsque l'occupation ou l'utilisation est la condition naturelle et forcée de l'exécution de travaux ou de la présence d'un ouvrage, intéressant un service public qui bénéficie gratuitement à tous ;
  • Soit lorsque l'occupation ou l'utilisation contribue directement à assurer la conservation du domaine public lui-même (Loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2008 de finance pour 2008).

Pour répondre à la fronde des départements relative à l’occupation du domaine public routier départemental par les radars automatiques, la loi de finance rectificative n° 2010-1658 a complété l’alinéa 1er de l’article L. 2125-1 du CG3P en ajoutant une catégorie supplémentaire de gratuité au bénéfice de l’État à savoir « lorsque l'occupation ou l'utilisation concerne l'installation par l'État des équipements visant à améliorer la sécurité routière ».

L'organe délibérant de la collectivité concernée détermine les conditions dans lesquelles il est fait application du présent alinéa.

  • Le paiement de cette redevance domaniale est obligatoire quand bien même l’occupation s’effectue sans droit ni titre. Peu importe que cette occupation résulte d’une autorisation unilatérale ou d’un contrat. Le montant est fixé par l’assemblée délibérante de la collectivité propriétaire. Toutefois, le paiement de la redevance ne vaut pas titre d’occupation. Cette redevance doit toujours être fixée en argent et ne saurait l’être en nature.
  • La personne publique doit s’assurer de l’égalité de traitement entre les associations susceptibles de bénéficier d’une occupation temporaire du domaine public.

Cela signifie que l’autorisation expresse et obligatoire d’occupation du domaine public n’est accordée que pour une période précisément déterminée et peut être à tout moment révoquée notamment pour méconnaissance par le titulaire des termes de la convention d’occupation ou encore pour motif d’intérêt général.

Ceci est la contrepartie de l’atteinte qui est portée au droit d’accès à tous les usagers du domaine public d’une part et d’autre part des avantages individuels que le redevable tire de l’autorisation de l’occupation.

6. La gestion du domaine public

6.1. Les outils

Les collectivités territoriales ont désormais à leur disposition plusieurs outils :

L’autorisation d’occupation temporaire traditionnelle (art. L. 2122-1 à 3 C.G.3.P., permis de stationnement, la permission de voirie, la convention de mise à disposition) le bail emphytéotique administratif (art. L. 1311-2 et s. C.G.C.T.) l’Autorisation d’Occupation Temporaire (AOT) Constitutive de Droits Réels (droit de superficie, d’usage, d’usufruit et de servitude, art. L. 2122-20 C.G.3.P. et L. 1311-5 à L. 1311-8 C.G.C.T.).

Selon les articles L. 1311-5 et s. du CGCT, les collectivités territoriales peuvent délivrer sur leur domaine public des autorisations d'occupation temporaire constitutives de droits réels en vue de la réalisation d'une opération d'intérêt général relevant de leur compétence. Le titulaire de ce titre possède un droit réel sur les ouvrages, constructions et installations de caractère immobilier qu'il réalise pour l'exercice de cette activité. 

6.2. La procédure de passation

L'ordonnance du 19 avril 2017 impose aux collectivités territoriales, lorsqu'elles souhaitent conférer un titre d'occupation ou d'utilisation de leur domaine public en vue d'une exploitation économique, d'organiser librement une procédure de sélection préalable présentant toutes les garanties d'impartialité et de transparence et comportant des mesures de publicité permettant aux candidats potentiels de se manifester.

C'est à partir de l'analyse des stipulations du contrat en cause que devra être qualifié exactement ce dernier. Autrement dit, c'est la densité et la nature des obligations mises à la charge du cocontractant qui devraient permettre de déterminer si l'administration a entendu assurer un pilotage de l'activité ou si, au contraire, elle ne vise qu'à s'assurer de l'intégrité ou du maintien de la destination du domaine. Dans le premier cas elle est soumise aux règles de mise en concurrence mais pas dans le second.

Selon l’article R. 1311-2 du CGCT, lorsque l'un des baux emphytéotiques administratifs mentionnés à l'article L. 1311-2 est accompagné d'une convention non détachable constituant un marché public au sens de l'article 1er du code des marchés publics, une délégation de service public au sens de l'article L. 1411-1 du présent code, un contrat de partenariat au sens de l'article L. 1414-1 ou un contrat de concession de travaux publics au sens de l'article L. 1415-1, sa conclusion est précédée des mesures de publicité et de mise en concurrence prévues par les dispositions applicables à ce contrat.

6.3. La liberté du commerce et de l’industrie

Dans un arrêt du 23 mai 2012 (RATP C/ Soc. 20 minutes, n° 348909) le Conseil d’Etat a précisé que « l'autorité chargée de la gestion du domaine public peut autoriser une personne privée à occuper une dépendance de ce domaine en vue d'y exercer une activité économique, à la condition que cette occupation soit compatible avec l'affectation et la conservation de ce domaine ; que la décision de délivrer ou non une telle autorisation, que l'administration n'est jamais tenue d'accorder, n'est pas susceptible, par elle-même, de porter atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie, dont le respect implique, d'une part, que les personnes publiques n'apportent pas aux activités de production, de distribution ou de services exercées par des tiers des restrictions qui ne seraient pas justifiées par l'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi et, d'autre part, qu'elles ne puissent prendre elles-mêmes en charge une activité économique sans justifier d'un intérêt public ; que la personne publique ne peut toutefois délivrer légalement une telle autorisation lorsque sa décision aurait pour effet de méconnaître le droit de la concurrence(…) ».

7. La circulation du patrimoine relevant du domaine public

Un bien du domaine public bénéficie d’une protection renforcée en raison de son affectation. Cette protection impose que pour ne plus bénéficier de celle-ci le bien fasse l’objet d’une désaffectation matérielle puis formelle. Ce principe consacré par la procédure de déclassement (art. L. 2141-1 C.G.3.P.) connaît quelques dérogations.

Ainsi en cas de cession à l’amiable entre personnes publiques (art. L. 3112-1 C.G.3.P.) d’échange entre personnes publiques des biens du domaine public (art. L. 2141-3, L. 3112-2 C.G.3.P.) le déclassement préalable n’est pas obligatoire. En revanche, l’échange des biens du domaine public avec des biens de personnes privées ou du domaine privé de personnes publiques (art. L. 3112-3 C.G.3.P.) impose un déclassement préalable.

8. Contentieux

Enfin, le contentieux de la propriété publique relève de la compétence de la juridiction administrative (art. L. 2331-1 et L. 3331-1 C.G.3.P.) à l’exception des contraventions de voirie routière prévues à l’article L. 116-1 du Code de la Voirie Routière.

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