Le système français de protection sociale : principes, évolutions historiques, organisation des acteurs - Le pilotage des finances sociales : les lois de financement et les comptes de la sécurité sociale

Modifié par Julien Lenoir le 27 septembre 2018

Le système français de protection sociale : principes, évolutions historiques, organisation des acteurs :

C/ Le pilotage des finances sociales : les lois de financement et les comptes de la sécurité sociale

Par Yves Palau

Dernière mise à jour : mai 2017

1. Les principaux points à retenir

  • Des lois de financement de la sécurité sociale qui s’apparentent aux lois de finances, dans leur procédure d’adoption mais sont purement prévisionnelles.
  • Les comptes de la sécurité sociale soumis à un triple contrôle, celui de l’exécutif, celui du législatif et celui de la Cour des comptes.
  • La Cour des comptes alimente régulièrement le débat public autour des comptes de la sécurité sociale. A travers eux, elle évalue l’ensemble des politiques publiques sociales et s’érige en force de proposition.

2. Les lois de financement

«Les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique». (Article 34 de la Constitution complété par la loi constitutionnelle du 22 février 1996) 

Trois types de données sont présentés par la loi de financement :

  • Les prévisions de recettes : Le parlement approuve les recettes de la sécurité sociale par branche, à travers les prévisions de recettes de l'ensemble des régimes obligatoires de base et, de manière spécifique, celles du régime général ainsi que les recettes des organismes concourant au financement de ces régimes. Depuis la première loi de financement, ces recettes sont réparties en sept catégories : les cotisations sociales effectives1, les cotisations fictives2, les contributions publiques3, les impôts ou taxes affectés, les transferts entre régimes et les autres ressources qui recouvrent des recettes de nature très diverse.
  • Les objectifs de dépenses : Le parlement approuve les dépenses de la sécurité sociale, à travers les objectifs de dépenses de l’ensemble des régimes obligatoires de base, du régime général et des organismes concourant au financement de ces régimes. Ces dépenses correspondent aux opérations courantes de quatre branches, maladie-maternité-invalidité-décès, accidents du travail-maladies professionnelles, vieillesse et famille, des différents régimes. Elles recouvrent les prestations sociales, les prestations des services sociaux, les frais de gestion engagés par les organismes de sécurité sociale, les transferts entre régimes de protection sociale, les frais financiers et les autres dépenses.
  • Les plafonds d'avances de trésorerie. Le parlement fixe, d'une part, pour chacun des régimes obligatoires de base dont les objectifs de dépenses sont fixés par la loi de financement et, d'autre part, pour les organismes concourant à leur financement, le plafond de recours à l'emprunt. Cette disposition est l'une des plus normatives des lois de financement justifiant, le cas échéant, le dépôt d'un projet de loi de financement rectificatif en cas de dérives financières des régimes de sécurité sociale les conduisant à dépasser le plafond autorisé.

La loi de financement de la sécurité sociale suit une procédure proche de celle de la loi de finances dont elle se distingue néanmoins sur un point essentiel, car elle n’a pas de portée budgétaire c’est-à-dire qu’elle est prévisionnelle et non pas impérative. Elle fixe des objectifs de dépense qui constituent une norme d’évolution et non pas une enveloppe budgétaire limitative comme dans le cas de la loi de finances de même qu’elle prévoit les recettes mais ne les fixe pas. Pour le reste, comme dans le cas de la loi de finance, la constitution fixe des délais d’examen parlementaires extrêmement stricts qui encadrent fortement les débats sous le contrôle de l’exécutif. Le projet de l'année doit être déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale au plus tard le 15 octobre ou le premier jour ouvrable qui suit. L'Assemblée nationale doit se prononcer, en première lecture, dans le délai de 20 jours après le dépôt du projet, le Sénat, dans un délai de 15 jours après avoir été saisi. Si l'Assemblée nationale n'a pas émis un vote en première lecture sur l'ensemble du projet dans le délai de 20 jours, le gouvernement saisit le Sénat du texte qu'il a initialement présenté, modifié, le cas échéant, par les amendements votés par l'Assemblée nationale et acceptés par lui. Le Sénat doit alors se prononcer dans un délai de 15 jours après avoir été saisi. Si le Sénat n'a pas émis un vote en première lecture sur l'ensemble du projet dans le délai de 15 jours, le gouvernement saisit à nouveau l'Assemblée nationale du texte soumis au Sénat, modifié, le cas échéant, par les amendements votés par le Sénat et acceptés par lui. Si le Parlement ne s'est pas prononcé dans un délai de 50 jours, les dispositions du projet peuvent être mises en œuvre par ordonnance. Dans le cas où à l'issue de la première lecture, les deux assemblées n'ont pas pu se mettre d'accord sur l'ensemble du texte, le gouvernement peut demander la réunion d'une commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion : si la commission parvient à un accord, le texte qu'elle a adopté est soumis au vote, en séance plénière, de chacune des deux assemblées. Dans le cas contraire ou si le texte de la CMP est rejeté, le projet de loi est examiné en nouvelle lecture, d'abord à l'Assemblée nationale, puis au Sénat. En cas de désaccord persistant, le gouvernement a alors la faculté de donner le dernier mot à l'Assemblée nationale.

3. Les comptes de la sécurité sociale

Ils sont placés sous un triple contrôle : celui du parlement, celui de l’exécutif et celui de la Cour des comptes.

Un contrôle renforcé du parlement : les rapporteurs de la commission des Affaires sociales suivent et contrôlent, sur pièces et sur place, l'application de ces lois auprès des administrations de l'État, de l'ensemble des organismes gérant des régimes de base obligatoire de sécurité sociale ainsi que des établissements publics compétents. Ils sont habilités à se faire communiquer tout document de quelque nature que ce soit. En outre la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie a prévu, dans son article 38, qu’« Il peut être créé au sein de la commission de chaque assemblée saisie au fond des projets de loi de financement de la sécurité sociale une mission d'évaluation et de contrôle chargée de l'évaluation permanente de ces lois ». La mission dispose de pouvoirs importants. Les personnes invitées à participer à une audition sont tenues de s’y soumettre. Elle peut aussi contrôler les suites données à ses observations. Une mission a été mise en place dans chacune des deux assemblées du parlement. Elle peut travailler en étroite collaboration avec la Cour des comptes. Ainsi, celle de l’Assemblée nationale a-t-elle retenu le principe de deux rencontres annuelles, en mai et en octobre, au cours desquelles la mission d’évaluation et la Cour des comptes s’informent réciproquement de l’état d’avancement de leurs travaux et réflexions et évoquent les thèmes d’études susceptibles de faire l’objet d’une saisine de la Cour. La réunion d’octobre permet d’évaluer les conditions de mise en œuvre de la coopération et d’examiner les suites susceptibles d’être données, par l’Assemblée nationale et par la Cour, aux conclusions de la mission d’évaluation. Par ailleurs, les auditions de la mission, auxquelles participent des membres de la Cour, sont précédées d’une réunion préparatoire avec ces magistrats destinée à accroître l’efficacité de la phase publique de ses travaux.

L’exécutif joue un rôle également important, en lien avec le parlement, à travers la commission des comptes de la sécurité sociale. Créée en 1979 elle a pour mission d’analyser les comptes des régimes de sécurité sociale. Elle prend, en outre, connaissance des comptes des régimes complémentaires de retraite rendus obligatoires par la loi, ainsi que d’un bilan relatif aux relations financières entretenues par le régime général de la sécurité sociale avec l’État et tous autres institutions et organismes. La commission est présidée par le ministre chargé de la sécurité sociale. Elle est composé de parlementaires, d’un membre du Conseil économique, social et environnemental, d’un magistrat de la Cour des comptes, de représentants des organisations professionnelles syndicales et sociales, de représentants des organismes de sécurité sociale, de représentants des organisations professionnelles de médecins et des établissements de soins et de personnalités qualifiées désignées pour leur compétence particulière par le ministre chargé de la sécurité sociale. La commission se réunit au moins deux fois par an et analyse l’ensemble des comptes des régimes de sécurité sociale. Les rapports de la commission sont communiqués au parlement. Ils portent sur l’exécution passée des comptes de la sécurité sociale et sur les prévisions pour l’année suivante, en analysant les principaux déterminants des dépenses et recettes de chaque régime.

La qualité de l’information transmise sur les comptes de la sécurité sociale est également placée sous le contrôle de la Cour des comptes. Depuis 2006, la mission de certification des comptes confiée à cette dernière consiste à apprécier si les comptes sont réguliers, sincères et offrent une image fidèle de la situation financière et du patrimoine. Elle certifie également l’activité de recouvrement du régime général de la sécurité sociale. Elle peut être saisie de demandes d’enquête sur des champs spécifiques par le Parlement.

La Cour publie chaque année deux rapports. L’un, depuis 1996, porte sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale. Il analyse la situation des comptes sociaux et l’efficience des dépenses de sécurité sociale. Il est transmis au Parlement et au Gouvernement afin d’accompagner le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l’année suivante dans le cadre de sa mission constitutionnelle d’assistance au Parlement et au Gouvernement pour le contrôle de l’application des lois de financement de la sécurité sociale. Il comprend en particulier les avis par lesquels la Cour se prononce sur la cohérence des tableaux d’équilibre des comptes et sur celle du tableau patrimonial des régimes obligatoires de base de sécurité sociale. En outre, il contient une analyse de l’ensemble des comptes des organismes de sécurité sociale soumis au contrôle de la Cour et fait une synthèse des rapports et avis émis par les organismes de contrôle placés sous sa surveillance. Il contribue à l’évaluation comparative des coûts et des modes de gestion des établissements sanitaires et médico-sociaux financés par l'assurance maladie, quel que soit leur statut public ou privé. La préparation du rapport est assurée, au sein de la Cour, par la chambre chargée du contrôle de la sécurité sociale.

L’autre rapport, depuis l’exercice 2006, porte sur la certification des comptes du régime général de la sécurité sociale. La Cour établit chaque année un rapport de certification des comptes du régime général de sécurité sociale qu’elle remet au Parlement et au Gouvernement également au titre de sa mission constitutionnelle d’assistance au Parlement et au Gouvernement dans le contrôle de l’application des lois de financement de la sécurité sociale. Dans le cadre de ce rapport, qu’elle publie, la Cour se prononce sur la régularité, la sincérité et la fidélité de neuf ensembles d’états financiers (comptes de résultat, bilans et annexes) : les comptes annuels des quatre établissements publics nationaux de l’État constituant les têtes de réseau du régime général : agence centrale des organismes de sécurité sociale, caisse nationale des allocations familiales, caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés et caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés, les comptes combinés de quatre branches (accidents du travail et maladies professionnelles, famille, maladie et vieillesse) et de l’activité de recouvrement. La Cour conduit ses vérifications en se référant aux normes internationales d’audit (normes ISA) édictées par la fédération internationale des experts comptables (IFAC). Les travaux de certification sont réalisés par la sixième chambre de la Cour.

4. Deux extraits de rapports de la Cour des comptes

Extrait du Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale 2016.

Dans son rapport paru en septembre 2016 qui comporte 712 pages, la Cour des comptes4 analyse la situation et les perspectives financières de la sécurité sociale et éclaire des possibilités de réforme de nature susceptible, selon elle, de contribuer au rétablissement de son équilibre. Elle formule 5 grandes catégories de recommandations.

Elle invite dans un premier temps les pouvoirs publics à poursuivre le retour à l’équilibre des comptes sociaux et à faire reculer la dette de la sécurité sociale : « Comme chaque année depuis 2002, la sécurité sociale est demeurée en déficit en 2015. Alors qu’une simple stabilisation était attendue, les déficits agrégés des régimes de sécurité sociale et du fonds de solidarité vieillesse (FSV) ont poursuivi un mouvement de baisse modéré : ils se sont repliés de 12,8 Md€ à 10,2 Md€. Toutefois, le déficit continue de s’inscrire à un niveau supérieur à celui, déjà très élevé, des années antérieures à la crise, et conserve une importante composante structurelle (4 Md€). Il se concentre désormais sur la branche maladie du régime général (5,8 Md€) et sur le FSV (3,9 Md€), dont le déséquilibre en augmentation porte désormais l’essentiel du déficit de la branche vieillesse du régime général. Selon les prévisions actualisées à l’été, les déficits agrégés des régimes de sécurité sociale et du FSV ne se réduiraient que légèrement en 2016 (à hauteur de 1 Md€), au bénéfice notamment de l’intégration, discutable, dans ces prévisions d’un « produit exceptionnel » de CSG (0,7 Md€) ». « Équilibrer les comptes sociaux nécessite de concentrer l’effort sur les dépenses par des réformes structurelles portant prioritairement sur l’assurance maladie et allant au-delà des économies associées à la trajectoire aujourd’hui affichée de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM). Cette trajectoire est au demeurant imparfaitement assurée. Certes, la progression de l’ONDAM se ralentit (+2 % en 2015, +1,75 % fixés pour 2016 et 2017, après +2,4 % en 2014) et l’objectif a, pour la sixième année consécutive, été respecté en 2015. Cependant, ce respect de l’ONDAM a une nouvelle fois été assuré par des mesures de régulation en cours d’année portant essentiellement sur les dotations aux établissements de santé publics et aux établissements médicosociaux et destinées à compenser la vive dynamique des dépenses de soins de ville (+2,5 %). (…) la dynamique des dépenses de soins de ville exige une stricte vigilance. En outre, les augmentations salariales dans la fonction publique hospitalière et les négociations conventionnelles avec les professions médicales et paramédicales créent une très forte tension sur l’ONDAM 2017 ».

La Cour invite ensuite dans ce rapport à maîtriser plus vigoureusement les dépenses de santé pour assurer un accès plus équitable aux soins. « Ces constats appellent à renforcer substantiellement la maîtrise des dépenses d’assurance maladie, sauf à se résigner à un désengagement accru de la sécurité sociale dans la prise en charge des soins. Le maintien sur longue période d’un haut niveau moyen de remboursement des dépenses de santé par l’assurance maladie, qui a même eu tendance à augmenter dans la dernière période (76,8 % en 2015), s’est accompagné néanmoins en effet d’une érosion des niveaux individuels de prise en charge des dépenses, particulièrement pour les assurés qui ne sont pas atteints par une affection de longue durée (ALD) conduisant à exonérer du ticket modérateur les dépenses qui s’y rapportent. Les assurances complémentaires permettent certes de réduire le risque de restes à charge élevés mais ne le font pas disparaître. En outre, elles créent des inégalités entre assurés et sont coûteuses pour ces derniers comme pour la collectivité du fait des aides fiscales et sociales importantes qui leur sont accordées. À responsabilités inchangées de l’assurance maladie et des assurances complémentaires, et dans le contexte d’un niveau de dépenses de santé particulièrement élevé en France, maîtriser plus rigoureusement leur dynamique est une priorité pour maintenir l’accès de tous aux soins. Plusieurs mesures devraient être engagées par ailleurs afin de réduire les écarts de traitement entre assurés sociaux à niveau identique de dépenses, de limiter les risques de restes à charge trop élevés pour les assurés et d’accroître la solidarité financière entre ces derniers. Au-delà, il pourrait être envisagé à terme de clarifier les financements et les responsabilités entre l’assurance maladie et l’assurance maladie complémentaire : le « panier de soins » de l’assurance maladie pourrait alors être recentré sur certains postes qui bénéficieraient de niveaux plus élevés de prise en charge, tandis que les assurances complémentaires, en voie de généralisation à l’ensemble de la population, couvriraient au premier euro d’autres dépenses que l’assurance maladie, dont la part est déjà parfois très réduite (optique, prothèses dentaires, etc.), pourrait ne plus prendre en charge. À plus long terme, il pourrait être envisagé de plafonner les restes à charge des assurés dans le cadre même de l’assurance maladie, en modulant le cas échéant le plafond en fonction des revenus et de la présence ou non d’une maladie chronique, comme pratiqué en Allemagne (…) ».

La Cour invite dans un troisième temps à rendre l’hôpital plus efficient. « Compte tenu de leur dynamique (+32 % en euros constants entre 2007 et 2014), les dépenses issues de prescriptions hospitalières (25 Md€ en 2014) représentent un enjeu majeur. Elles sont cependant mal connues et imparfaitement mesurées. Des mécanismes contractuels de régulation qui se sont superposés au fil du temps se sont révélés inopérants. Une maîtrise effective des prescriptions hospitalières, qu’elles soient exécutées en ville ou à l’hôpital, nécessite avant tout d’impliquer collectivement et individuellement les médecins hospitaliers dans leur maîtrise, ce qui n’est pas le cas actuellement, en utilisant plus efficacement l’ensemble des leviers disponibles, à commencer par l’identification individuelle des prescripteurs, obligatoire depuis plusieurs années et toujours largement inappliquée. Le caractère stratégique des systèmes d’information est aujourd’hui bien perçu par les communautés médicales hospitalières (…) ».

La Cour demande ensuite que soit assurée la soutenabilité des retraites. « Les régimes de base et complémentaires de retraites des salariés du secteur privé (181,9 Md€ de pensions versés en 2015) relèvent respectivement de la responsabilité de l’État et des partenaires sociaux. Les réformes mises en œuvre depuis la fin des années 1980 ont contribué à les ramener sur une trajectoire financière qui les rapproche, à court ou moyen terme, de l’équilibre. Cependant, le FSV, qui finance une partie des avantages non contributifs, connaît un déficit persistant et qui augmente. Selon des scénarios prudents, les déficits des régimes de base et complémentaires pourraient cependant s’amplifier ou réapparaître dès la seconde moitié des années 2020. De nouveaux ajustements pourraient donc s’avérer nécessaires afin d’assurer la soutenabilité des retraites. Ils appellent la mise en place d’un cadre structuré de concertation entre l’État, les partenaires sociaux et les gestionnaires des régimes, permettant d’y procéder de manière coordonnée et progressive ».

La Cour en appelle enfin à l’amélioration des performances et de la gestion de la sécurité sociale. « Depuis dix ans, la certification des comptes du régime général par la Cour des comptes et des autres régimes par des commissaires aux comptes a permis des progrès considérables dans la transparence et la sincérité des comptes. Elle a aussi constitué un levier majeur du renforcement de la maîtrise des risques financiers et de la modernisation des organismes. Ces derniers doivent néanmoins effectuer de nouveaux progrès afin d’améliorer le paiement à bon droit des prestations. Au-delà, ce sont l’objet et les modalités de la certification des comptes eux-mêmes qui doivent être adaptés à l’intégration financière et fonctionnelle croissante de l’ensemble des régimes de sécurité sociale ».

Pour conclure, la Cour rappelle que, selon elle, « le déficit de la sécurité sociale n’est ni légitime, ni fatal. Solution de facilité, il n’empêche pas des reculs de la protection sociale au détriment d’abord des plus fragiles, tout en reportant la charge de la dette sur la génération suivante. Cet engrenage n’a rien d’inéluctable. Le déficit peut être résorbé à terme rapproché sans de nouvelles augmentations des recettes, en mettant en œuvre des réformes structurelles visant à conjuguer amélioration du service rendu aux assurés sociaux, gestion plus efficace et efficience accrue des dépenses. Les réformes des retraites des salariés du secteur privé montrent qu’il est possible de réformer une composante majeure de la protection sociale en obtenant d’importants résultats. L’assurance maladie devrait de même être réformée en profondeur, afin non seulement de revenir à l’équilibre financier, mais aussi et avant tout de mieux remplir sa mission d’assurer l’accès de tous aux soins. L’objectif n’est pas comptable. Il est celui de la préservation et de la modernisation d’un dispositif essentiel de solidarité. C’est dans cette perspective que s’inscrivent les analyses et recommandations de la Cour ».

En juin 2016, la Cour des comptes a rendu son rapport portant sur la certification des comptes du régime général de sécurité sociale pour l’exercice 2015. Ce rapport de 141 pages certifie l’ensemble des comptes des branches en émettant réserves

Elle certifie les comptes 2015 de la branche maladie sous cinq réserves et ceux de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés sous trois réserves. Pour la Cour « la branche maladie a poursuivi en 2015 les travaux destinés à constituer le dispositif rénové de contrôle interne. La mesure du risque financier résiduel des prestations en nature facturées directement et des indemnités journalières confirme le montant élevé des erreurs de liquidation non corrigées par les dispositifs de contrôle. L’approfondissement des travaux d’audit a mis en évidence un risque élevé de facturation erronée des établissements de santé anciennement sous dotation globale et conduit la Cour à formuler une nouvelle réserve ».

La Cour certifie les comptes 2015 de la branche accidents du travail et maladies professionnelles sous cinq réserves. Selon elle « la provision enregistrée par la branche au titre des contentieux pouvant donner lieu à une réduction des cotisations des employeurs demeure insuffisamment fiable, en l’absence de suivi par les URSSAF du dénouement des contentieux. Le contrôle interne de la détermination et du recouvrement des cotisations reste insuffisant ».

Elle certifie les comptes 2015 de la branche famille sous quatre réserves et ceux de la Caisse nationale des allocations familiales sous deux réserves. Selon la Cour « des progrès sensibles ont été observés en 2015 dans la justification des comptes, les estimations comptables et les annexes aux comptes. Les nouveaux indicateurs de mesure du risque financier résiduel des prestations légales font apparaître un niveau de risque très élevé, qui confirme les insuffisances marquées du dispositif de contrôle interne ».

La Cour certifie les comptes 2015 de la branche vieillesse sous quatre réserves et ceux de la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés sous deux réserves. Pour elle, « la mise en place en 2015 d’une comptabilité auxiliaire a permis le rétablissement d’une piste d’audit pour la justification des charges de prestations légales, même si des incertitudes liées au contexte technique demeurent. Le niveau de risque financier résiduel s’améliore légèrement. Les provisions pour rappel demeurent incomplètes ».

La Cour certifie les comptes 2015 de l’activité de recouvrement sous quatre réserves et ceux de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale sous trois réserves. Selon elle « l’exercice 2015 a été marqué par l’extension progressive des contrôles de l’ordonnateur et par des avancées dans la définition des référentiels nationaux de contrôle interne. L’approfondissement des travaux d’audit a montré en revanche l’impact significatif sur les comptes des irrégularités relevées dans la gestion des taxations d’office des travailleurs indépendants. Par ailleurs, des insuffisances demeurent sur les dispositifs de contrôle interne et la justification des comptes ».

1 C’est-à-dire les cotisations assises sur les salaires bruts (part patronale et part salariale), sur des revenus non salariaux ou sur des prestations (pensions de retraite, indemnités de chômage...).

2 Les cotisations fictives représentent la contrepartie non couverte par des cotisations effectives des prestations de protection sociale versées directement de l’employeur à ses salariés (et non par une caisse d’assurance sociale).

3 Les contributions publiques sont des versements de l’État aux régimes de protection sociale. Elles regroupent des subventions d’équilibre ou d'allègement de charges sociales et des versements correspondant au financement par l’État de certaines prestations.

4 Cour des comptes, La sécurité sociale. Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, septembre 2016.

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