Par Ibrahim El Marzouki
Dernière mise à jour : décembre 2018

Se déplacer est une nécessité pour tous et répond à un principe de liberté individuelle « d’aller et venir ». Les motifs de déplacements sont bien identifiés et répondent à des besoins : aller travailler, étudier, se divertir, consommer, se cultiver, etc.

Le champ lexical a bien évolué ces dernières années et celui de la mobilité durable s’est largement imposé, témoignant ainsi de l’affirmation des préoccupations environnementales.

La mobilité durable peut se définir comme étant le mode de déplacement qui impacte moins le changement climatique par le recours à des modes de transport alternatifs à la voiture individuelle ou des véhicules moins polluants.

Selon l’OCDE, la mobilité durable est « une mobilité qui ne met pas en danger la santé publique et les écosystèmes, respecte les besoins de transport tout en étant compatible avec une utilisation des ressources renouvelables à un taux inférieur à celui nécessaire à leur régénération et une utilisation des ressources non renouvelables à un taux inférieur à celui nécessaire à la mise au point de ressources renouvelables de remplacement »

Le secteur des transports est le premier émetteur de dioxyde de carbone, donc de l’émission de gaz à effet de serre, et c’est un domaine fortement énergivore.

On identifie des enjeux environnementaux (climat, qualité de l’air...), de santé, urbains (étalement urbain attractivité des territoires…), économiques et sociaux.

Comment concilier développement de la ville, amélioration de l’offre de transports et intégration du développement durable dans le champ de la mobilité ?

La mobilisation des différents acteurs est nécessaire (Europe, Etat, collectivités, habitants) pour essayer de répondre à ce nouveau défi. Le projet de loi d’orientation sur les mobilités sera la dernière pierre du corpus législatif en la matière.

1. Les enjeux de la mobilité durable

1.1. Les enjeux environnementaux / santé

La mobilité des individus et plus particulièrement celle réalisée en voiture est à l’origine d’émissions de gaz à effet de serre. Si les transports, en général, sont à l’origine de plus d’un quart des émissions de gaz à effet de serre, la voiture représente à elle seule 90% de ces émissions (source ADEME).

Ces nuisances ont un double impact sur la santé et sur l’environnement. Un rapport de la santé publique estime ainsi que la pollution de l’air est responsable de 48 000 décès prématurés par an en France.

Cette pollution est également à l’origine de maladies respiratoires, cardio-vasculaires, allergies…

Ces polluants sont néfastes, non seulement pour la qualité de l’air, mais aussi pour les sols, les milieux aquatiques, etc.

1.2. Les enjeux urbains

Dans une société où les déplacements sont de plus en plus nombreux, les interactions entre mobilité et aménagement du territoire sont fortes.

L’un des principaux enjeux est la lutte contre l’étalement urbain qui est perçu comme néfaste : mitage de l’espace agricole, dénaturation des paysages, perturbation de la biodiversité…

1.3. Les enjeux économiques

Les deux tiers de l'énergie finale consommés en France, et la quasi-totalité de l’énergie nécessaire à la mobilité des personnes, sont aujourd’hui fournis par les énergies fossiles conventionnelles. La France est ainsi très dépendante du marché mondial du pétrole car elle importe ces énergies à 99%.

Par ailleurs, l’allongement des distances génère une production d’équipements, d’infrastructures et d’aménagements pour la puissance publique au moment même où sa capacité financière est réduite. On dit que l’étalement urbain a un coût pour la collectivité.

Les logements, les équipements et l’ensemble des bâtiments produits dans des zones peu denses induisent aussi des coûts de production de chaleur plus importants que dans un tissu dense.

Enfin, la part liée aux frais de déplacements (acquisition et entretien d’un véhicule, abonnement transport en commun) occupe dans le budget d’un ménage une part importante lorsque celui-ci s’éloigne du centre.

Si en moyenne les ménages dépensent 5 000 € par an pour leur mobilité, un cinquième d’entre eux consacre plus de 18% de leurs revenus à leur mobilité quotidienne.

1.4. Les enjeux sociaux

Si on parle souvent de stratégie résidentielle, il faut bien admettre que souvent les ménages s’installent là où ils peuvent et non là où ils veulent.

La mobilité des ménages est directement liée à la capacité budgétaire des familles. La possibilité de se déplacer détermine les choix que chacun fait pour se loger, orienter sa vie professionnelle. Les personnes les plus vulnérables (jeunes, seniors, handicap, chômeurs, personne isolée…) économiquement sont donc celles qui ont la capacité à se déplacer la plus faible, on parle alors de « précarité énergétique ». La dépendance à la voiture génère une fracture des territoires et une fracture sociale.

Cette fragilité sociale est accrue en milieu rural où les déplacements sont plus longs, l’offre de transport moins importante, etc.

2. Les acteurs de la mobilité durable

2.1. L’Europe

La politique des transports européenne s’est bâtie pour partie sur le principe de libre circulation des biens et des personnes avec la suppression des barrières douanières.

Ce premier objectif ayant été atteint, le second reposait sur l’idée que les déplacements devaient se faire dans une logique de respect du développement durable.

Le premier levier de l’Europe est donc d’offrir aux utilisateurs des modes de transports alternatifs à la voiture et au camion. L’Europe contribue ainsi au développement du ferroviaire notamment des lignes à grandes vitesse qui relient les grands bassins d’emplois et d’habitats.

L’Europe cherche notamment à :

  • renforcer la place des transports maritimes et fluviaux,
  • développer des voitures dites « propres »,
  • promouvoir les transports en communs dans les zones urbaines congestionnées.

Elle contribue parfois aussi à financer des projets par le biais de fonds tels que le FEDER.

Cette politique de l’Europe rencontre également des difficultés dont deux peuvent être citées. D’une part, il ne faut pas oublier que le secteur de l’industrie automobile contribue aussi au développement et à la richesse de l’Europe. Il est une ressource importante dans les PIB des pays et donc tout l’enjeu réside dans la conciliation du développement économique dans le respect des objectifs d’un développement durable.

D’autre part, au nom du principe de subsidiarité, la réflexion à l’échelle européenne sur les modes de transports les plus importants (domicile / travail) ne parait pas toujours être la plus pertinente.

2.2. L’Etat et les collectivités locales

2.2.1. Le rôle de l’Etat

La loi d’Organisation des transports intérieurs (LOTI) de 1982 fixe le cadre général du dispositif. Cette loi a été modifiée et complétée par la loi Solidarité et renouvellements urbains du 13 décembre 2000 et la loi relative aux libertés et responsabilités locales du 13 août 2004.

L’Etat fixe le cadre réglementaire de la politique en matière de transport et les grandes orientations stratégiques dans le cadre de schémas d’aménagements et d’infrastructures. Il participe aux contrats de plan Etat-Région

Il a un rôle de financeur à travers sa participation à Réseau ferré de France, établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) dont la vocation première est de gérer les infrastructures ferroviaires. Il est également l’autorité de tutelle de la SNCF qui exploite les trains (TGV, TER...)

Enfin, au niveau des transports urbains, l’Etat a un rôle réglementaire. Il oblige certaines collectivités à se doter de plans de déplacements urbains ou encadre les tarifs par exemple. Il a aussi un rôle dit « ressource » pour alimenter les réflexions sur les enquêtes ménages déplacements à titre d’exemple.

2.2.2. Le rôle de la Région

Depuis la loi SRU, la Région est l’autorité organisatrice des transports collectifs d’intérêt régional.

La Région est chargée de :

  • l’organisation des transports ferroviaires de voyageurs via le réseau des trains express régionaux (TER), qui sont effectués sur le réseau ferré national (à l'exception des services d'intérêt national et des services internationaux) ;
  • la signature de conventions avec la SNCF pour fixer les conditions d'exploitation et de financement des services ferroviaires régionaux ;
  • la participation au financement des infrastructures telles que les nouvelles lignes de TGV ;
  • l’organisation des transports routiers non urbains de personnes d’intérêt régional (par exemple les transports de substitution par autocar aux services ferroviaires) ;
  • l’établissement des plans régionaux des transports (relatifs aux services réguliers non urbains d’intérêt régional) ;
  • l’organisation des transports de voyageurs en Île-de-France par le Syndicat des transports d'Île-de-France (STIF) ;
  • l’élaboration des schémas régionaux des infrastructures et des transports ;
  • la détermination du contenu du service public de transport régional de voyageurs (dessertes, tarification, qualité du service, information de l'usager…).

En matière de transport urbain, la Région intervient dans la modernisation des gares, leur organisation dans une logique multimodale et intermodale.

La Région est chargée d’élaborer le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) (loi NOTRe du 7 août 2015). La nouveauté de ce document réside dans le fait qu’il devient un document juridiquement opposable.

Les transports ferroviaires représentent un poste important dans les dépenses d’un budget régional.

2.2.3. Le rôle du Département

Les transports non urbains ou interurbains (hors PTU) relèvent de la compétence départementale.

La LOTI indique que le Département est l’autorité organisatrice pour organiser les services de transports routiers non urbains réguliers et les services à la demande dans la limite territoriale du département.

Les transports interurbains départementaux comprennent les services réguliers et les services à la demande de transport routier qui peuvent être délégués, par le département, à des autorités organisatrices de transports secondaires que sont les communes ou leurs groupements.

Les départements sont chargés :

  • d’élaborer le plan départemental relatif à la gestion des transports publics (services réguliers ou à la demande) ;
  • d’organiser les transports routiers non urbains de personnes ;
  • d'exploiter des infrastructures de transports ferroviaires ou de transports guidés non urbains ;
  • d’assurer, à la demande des communes, tout ou partie de l'organisation et de la mise en œuvre d'un service de transport ;
  • de mener des politiques de désenclavement des territoires ruraux par des transports collectifs destinés aux citoyens.

La loi du 13 août 2004 permet la délégation du transport scolaire aux départements par les AOT et le transfert du transport scolaire par le département aux communautés urbaines et d’agglomérations.

2.2.4. Le rôle des communes et des EPCI

Les communes et les groupements de communes sont des AOT sur leur PTU, compétentes pour :

  • l'organisation des transports publics urbains de personnes dans le cadre d'un PTU ;
  • la définition de la consistance de l'offre de transport, ainsi que de la tarification et du mode d'exploitation du service ;
  • l’élaboration par les EPCI des principales orientations de la politique et plan de déplacements urbains (PDU).

Trois acteurs participent au financement des transports collectifs : les usagers, les employeurs et les pouvoirs publics. Les entreprises et les administrations de plus de neuf salariés participent via le versement transport (VT). L’Etat et les collectivités locales peuvent participer au budget des transports.

Enfin, l’usager par le biais du paiement du titre de transport (ou abonnement) contribue également à ce financement. Ce dernier est aussi alimenté par une part du produit des amendes de police liées aux infractions au code de la route.

Les collectivités peuvent se doter d’un plan de déplacements administration (PDA) sur le modèle des plans de déplacements entreprise.

2.3. AOM, entreprises et ménages

2.3.1. Le rôle des AOM

La loi MAPTAM du 27 janvier 2014 crée les autorités organisatrices de la mobilité ou autorités organisatrices de la mobilité durable (AOM). A l’échelle intercommunale, les anciennes AOT et AOTU deviennent des AOM. Une AOM est une forme d’AOT.

Elle est chargée d’assurer l’organisation du réseau de transport urbain sur son territoire, le périmètre de transport urbain (PTU). Pour mener à bien ses missions, l’AOM perçoit le versement transport (VT).

Leurs missions ont été peu à peu renforcées, notamment avec l’avènement des enjeux liés au développement durable. Elle est chargée d’élaborer le PDU. Les missions ne relèvent plus simplement d’une organisation des transports mais d’une véritable politique de déplacements (stationnement, modes alternatifs à la voiture, etc.).

Les actions des AOM sont élargies et s’articulent autour :

  • de la délivrance du label autopartage,
  • du covoiturage,
  • du stationnement (pouvoirs de police transférés du Maire vers le président de l’EPCI),
  • des modes dits doux (vélos et marche à pieds),
  • de la livraison des marchandises et de la logistique urbaine.

2.3.2. Schéma régional de l’intermodalité (SRI) / SRADDET

Le schéma régional de l’intermodalité qui avait vocation à coordonner les politiques de mobilité durable à l’échelle régionale en matière d’offre de services, d’information aux usagers, de tarification et de billettique est absorbé dans le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET).

L’objectif reste identique, à savoir, mieux organiser l’intermodalité pour que les usagers puissent se rendre d’un point A à un point B en utilisant plusieurs moyens de transport sans avoir à changer sans cesse de billet et avec des correspondances fluides entre ces moyens de transport.

Il définit les principes guidant l'articulation entre les différents modes de déplacement, notamment en ce qui concerne la mise en place de pôles d'échange.

Il prévoit les mesures de nature à assurer une information des usagers sur l'ensemble de l'offre de transports, à permettre la mise en place de tarifs donnant accès à plusieurs modes de transport et la distribution des billets correspondants.

2.3.3. Le rôle des entreprises et des ménages

Les entreprises de plus de neuf salariés incluses dans un périmètre de transport urbain participent à la politique des transports par le biais du versement transport (VT).

Elles peuvent se doter d’outils de planification tels que les plans de déplacements des entreprises (PDE). L’objectif principal d’un PDE est d’inciter les salariés, les clients et les fournisseurs à réduire l’usage de la voiture individuelle au profit d’autres moyens de transport moins polluants.

Les ménages occupent une place particulière dans cet ensemble. En effet, c’est un acteur économique utilisateur des moyens de transport individuel et collectif.

Dans le même temps, il participe directement en tant que contribuable, mais aussi en payant le service offert, au financement des transports. Il est également le destinataire, on parle de « public visé » des politiques de transports et/ou de déplacements.

En conclusion, un nouveau volet s’ouvre avec le projet de loi d’orientation sur les mobilités dont les principaux points sont (en septembre 2018 donc possibilités d’évolution) les suivants.

Le projet de loi réorganise la gouvernance des transports et élargit généreusement les compétences des autorités organisatrices.

Ce texte propose l’élargissement du rôle des collectivités locales, de favoriser les déplacements propres et de lutter contre les inégalités face au transport.

Un des premiers objectifs est de lutter contre les « zones blanches », zones sans offre de transport autre que la voiture et qui représenterait 80% du territoire français. L’intercommunalité aurait le rôle d’AOM en lieu et place de la Région.

Des contrats opérationnels de mobilité seront signés entre les collectivités locales pour mieux articuler et mutualiser l’offre de transport à l’échelle régionale.

Les PDU deviendront des plans de mobilité. Au-delà du changement d’appellation, l’objectif est d’intégrer toutes les formes de mobilités et qu’elles soient accessibles au plus grand nombre.

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