Par Vincent Chrétien
Dernière mise à jour : octobre 2019

Un espace naturel sensible est un site remarquable en terme de patrimoine naturel (faune, flore et paysage), tant pour la richesse que pour la rareté des espèces qu'il abrite.
Compte tenu de la pression foncière, pression urbaine, évolution du paysage, déprise agricole, intensification des cultures..., qui s’exercent, les sites sont souvent soumis à des menaces, ce qui oblige les pouvoir publics à intervenir dans le cadre des espaces naturels sensibles.

1. Les espaces naturels sensibles ENS

Les Espaces naturels sensibles (ENS) ont pour objectif de préserver la qualité des sites, des paysages, des milieux naturels et des champs d’expansion des crues et d’assurer la sauvegarde des habitats naturels ; mais également d’aménager ces espaces pour être ouverts au public, sauf exception justifiée par la fragilité du milieu naturel.

1.1. La loi confie un rôle important aux départements

Les espaces naturels sensibles des départements ont été créés par l’article 12 de la loi n° 85-729 du 18 juillet 1985.
Afin de préserver la qualité des sites, des paysages, des milieux naturels et des champs naturels d’expansion des crues et d’assurer la sauvegarde des habitats naturels, le département est compétent pour élaborer et mettre en œuvre une politique de protection, de gestion et d’ouverture au public des espaces naturels sensibles, boisés ou non. Dans la plupart des départements français, la mise en œuvre de cette compétence s’est traduite par l’élaboration d’un schéma départemental des espaces naturels sensibles qui définit la politique et les moyens d’intervention du département. Ce schéma prévoit notamment les priorités du département en matière d’acquisitions foncières, de connaissance du patrimoine naturel et paysager, de politique foncière, de gestion des espaces, de mise en réseau des acteurs du milieu naturel et agricole, d’ouverture au public et d’éducation à l’environnement.
La politique du département doit être compatible avec les orientations des schémas de cohérence territoriale (Scot) et des chartes intercommunales de développement et d’aménagement, lorsqu’ils existent, ou avec les directives territoriales d’aménagement mentionnées à l’article L. 111-1-1 ou, en l’absence de directive territoriale d’aménagement, avec les lois d’aménagement et d’urbanisme prévues au même article.
La loi de finances rectificative pour 2010 du 29 décembre 2010, en réformant les taxes d’urbanisme, a supprimé la TDENS (Taxe départementale sur les espaces naturels sensibles) et l’a remplacée par une part départementale de la nouvelle taxe d’aménagement.
Il convient de remarquer qu’il n’existe pas de définition précise de cette notion d’espace naturel sensible. L’article L.142-1 du Code de l’urbanisme évoque la qualité des sites, des paysages, des milieux naturels, des champs naturels d’expansion des crues et la sauvegarde des habitats naturels. L’article L.142-11 indique, quant à lui, que peuvent être qualifiés d’espaces naturels sensibles « les bois, forêts et parcs (…) dont la préservation est nécessaire ». L’article L.143-1, issu de la loi relative au développement des territoires ruraux du 25 février 2005, parle lui de protection et de mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains.
Pour mettre en œuvre cette politique, le département dispose de trois procédures réglementaires :

  • zones de préemption ;
  • espaces boisés classés (EBC) ;
  • périmètre de protection des espaces agricoles et périurbains.

1.2. La création de zones de préemption

Le conseil départemental peut créer des zones de préemption des espaces naturels sur son territoire. Cette politique doit être compatible avec les orientations des schémas de cohérence territoriale (Scot), des chartes intercommunales de développement et d’aménagement et les directives territoriales d’aménagement lorsqu’ils existent. À l’intérieur de ces zones, le département dispose d’un droit de préemption sur tout terrain.

1.2.1. Dans les communes dotées d’un POS ou d’un PLU

Dans les communes dotées d’un plan d’occupation des sols rendu public, ou d’un plan local d’urbanisme approuvé, ces zones de préemption sont créées avec l’accord du conseil municipal. Les représentants des organisations professionnelles agricoles et forestières sont consultés sur la délimitation de ces zones de préemption.

​​​​​​​1.2.2. En l’absence de plan local d’urbanisme

En l’absence d’un tel document ou à défaut d’accord des communes concernées, ces zones ne peuvent être créées par le conseil départemental qu’avec l’accord du représentant de l’État dans le département.

​​​​​​​1.2.3. La Non utilisation ou délégation de ce droit de préemption

Si le département n’exerce pas son droit de préemption, celui-ci peut être utilisé par :

  • le Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres, lorsque celui-ci est territorialement compétent ;
  • un établissement public chargé de la gestion d’un parc national.

1.2.4. L'utilisation des terrains acquis

Les terrains acquis doivent être aménagés pour être ouverts au public, sauf exception justifiée par la fragilité du milieu naturel. Ces aménagements doivent être compatibles avec la sauvegarde des sites, des paysages et des milieux naturels.
La personne publique propriétaire est responsable de la gestion des terrains acquis. Elle s’engage à les préserver, à les aménager et à les entretenir dans l’intérêt du public. Elle peut éventuellement confier la gestion des espaces aménagés à une personne publique ou privée y ayant vocation.

1.3. L’instauration d’espaces boisés classés

À l’intérieur des zones de préemption qu’il a délimitées, à compter de la décision du département de percevoir la taxe départementale d’aménagement, le président du conseil départemental peut, par arrêté pris sur proposition du conseil départemental, après délibération des communes concernées et en l’absence de plan local d’urbanisme opposable, déterminer les bois, forêts et parcs, qu’ils relèvent ou non du régime forestier, enclos ou non, attenants ou non à des habitations, dont la préservation est nécessaire et auxquels est applicable le régime des espaces boisés classés défini par l’article L. 130-1 et les textes pris pour son application.
Cet arrêté cesse d’être applicable dès qu’un plan d’occupation des sols est rendu public ou dès qu’un plan local d’urbanisme est approuvé sur le territoire considéré.

​​​​​​​1.4. La protection et la mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains

Cette nouvelle compétence, issue de la loi relative au développement des territoires ruraux du 25 février 2005, vient conforter le rôle du département dans la gestion des territoires naturels et s’articuler avec sa politique des espaces naturels sensibles.
À l’intérieur de ce périmètre, les terrains peuvent être acquis par le département ou avec son accord par une autre collectivité ou EPCI, après information des communes et des établissements publics de coopération intercommunale concernés. Cette acquisition peut se faire à l’amiable, par voie d’expropriation ou par exercice du droit de préemption.

2. Les ZNIEFF

Lancé en 1982, l’inventaire des Zones naturelles d’intérêt écologique faunistique et floristique (ZNIEFF) a pour objectif d’identifier et de décrire des secteurs présentant de fortes capacités biologiques et un bon état de conservation. On distingue deux types de ZNIEFF :

  • les ZNIEFF de type I : secteurs de grand intérêt biologique ou écologique ;
  • les ZNIEFF de type II : grands ensembles naturels riches et peu modifiés, offrant des potentialités biologiques importantes.

L’inventaire ZNIEFF concerne progressivement l’ensemble du territoire français (Métropole, près de 15 000 zones : 12 915 de type I et 1 921 de type II, Outre-Mer, milieux terrestre et marin).
Une modernisation nationale (mise à jour et harmonisation de la méthode de réalisation de cet inventaire) a été lancée en 1996 afin d’améliorer l’état des connaissances, d’homogénéiser les critères d’identification des ZNIEFF et de faciliter la diffusion de leur contenu. En 2004, près de 2 000 ZNIEFF ont été modernisées et validées au plan national sur trois régions (Limousin, Normandie, Champagne-Ardenne).
Cet inventaire est devenu aujourd’hui un des éléments majeurs de la politique de protection de la nature. Il doit être consulté dans le cadre de projets d’aménagement du territoire (document d’urbanisme, création d’espaces protégés, élaboration de schémas départementaux de carrière...).

3. Les zones humides

Marais, tourbières, prairies humides, lagunes, mangroves… entre terre et eau, les milieux humides présentent de multiples facettes et se caractérisent par une biodiversité exceptionnelle. Ils abritent en effet de nombreuses espèces végétales et animales. Par leurs différentes fonctions, ils jouent un rôle primordial dans la régulation de la ressource en eau, l’épuration et la prévention des crues.
Menacé par les activités humaines et les changements globaux, ce patrimoine naturel fait l’objet d’une attention toute particulière. Sa préservation représente des enjeux environnementaux, économiques et sociaux importants.
Depuis bientôt 40 ans, la France s’est engagée à préserver les zones humides sur son territoire, notamment à travers la signature de la convention internationale de Ramsar.
Dans leur grande majorité, les textes nationaux intéressant les zones humides figurent dans le code de l’environnement (Livre II, titre I sur les milieux aquatiques et Livre III sur les espaces naturels). Ils sont complétés par le code forestier, le code de l’urbanisme, le code rural, le code général des collectivités territoriales.

4. Le réseau Natura 2000

Le réseau Natura 2000 s’inscrit au cœur de la politique de conservation de la nature de l’Union européenne et est un élément-clé de l’objectif visant à enrayer l’érosion de la biodiversité.
Ce réseau, mis en place en application de la directive « Oiseaux » datant de 1979 et de la directive « Habitats » datant de 1992, vise à assurer la survie à long terme des espèces et des habitats particulièrement menacés, à forts enjeux de conservation en Europe. Il est constitué d’un ensemble de sites naturels, terrestres et marins, identifiés pour la rareté ou la fragilité des espèces de la flore et de la faune sauvage et des milieux naturels qu’ils abritent.
La structuration de ce réseau comprend :

  • des Zones de protection spéciales (ZPS), visant la conservation des espèces d'oiseaux sauvages figurant à l'annexe I de la directive « Oiseaux » ou qui servent d'aires de reproduction, de mue, d'hivernage ou de zones de relais à des oiseaux migrateurs ;
  • des Zones spéciales de conservation (ZSC) visant la conservation des types d'habitats et des espèces animales et végétales figurant aux annexes I et II de la directive « Habitats ».

Pour la désignation des ZSC, chaque État membre fait part de ses propositions à la Commission européenne, sous la forme de pSIC (proposition de site d'intérêt communautaire). Après approbation par la Commission, le pSIC est inscrit comme site d'intérêt communautaire (SIC) pour l'Union européenne et est intégré au réseau Natura 2000.
La désignation des ZPS relève d’une décision nationale, se traduisant par un arrêté ministériel, sans nécessiter un dialogue préalable avec la Commission européenne.
Pour atteindre cet objectif, les États membres peuvent librement utiliser des mesures réglementaires, administratives ou contractuelles selon le principe général de subsidiarité.

5. Corridor écologique

Un corridor écologique, à distinguer du corridor biologique et du continuum écologique, est une zone de passage fonctionnelle pour un groupe d’espèces inféodées à un même milieu, entre plusieurs espaces naturels. Ce corridor relie donc différentes populations et favorise la dissémination et la migration des espèces, ainsi que la recolonisation des milieux perturbés.
Par exemple, une passerelle qui surplombe une autoroute et relie deux massifs forestiers constitue un corridor écologique. Elle permet à la faune et à la flore de circuler entre les deux massifs malgré l’obstacle quasi imperméable que représente l’autoroute. C’est pour cette raison que cette passerelle est appelée un passage à faune.
Les corridors écologiques sont un élément essentiel de la conservation de la biodiversité et du fonctionnement des écosystèmes. Sans leur connectivité, un très grand nombre d’espèces ne disposeraient pas de l’ensemble des habitats nécessaires à leurs cycles vitaux (reproduction, croissance, refuge, etc.) et seraient condamnées à la disparition à plus ou moins brève échéance.
Par ailleurs, les échanges entre milieux sont un facteur de résilience majeur. Ils permettent ainsi qu’un milieu perturbé (incendie, crue…) soit recolonisé rapidement par les espèces des milieux environnants.
L’ensemble des corridors écologiques et des milieux qu’ils connectent forme un continuum écologique pour ce type de milieu et les espèces inféodées.
C’est pour ces raisons que les stratégies actuelles de conservation de la biodiversité mettent l’accent sur les échanges entre milieux et non plus uniquement sur la création de sanctuaires préservés mais clos et isolés.
Le corridor écologique se décline à travers les lois du Grenelle de l’Environnement sur les notions de trame verte et bleue.

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