Par Denis Fraysse
Dernière mise à jour : octobre 2019

Les laboratoires publics d’analyses gérés par les collectivités territoriales constituent un élément essentiel de la politique publique de sécurité sanitaire. Ils sont indispensables au maintien d’un maillage sanitaire territorial apte à prévenir des crises sanitaires comme celles de la « vache folle » et de la grippe aviaire.

Les laboratoires territoriaux permettent de conjuguer :

  • la neutralité des analyses car ils sont libres de tout intérêt économique,
  • la fiabilité des analyses de par leur proximité (les échantillons voyageant très mal) et leurs compétences (accréditations).

1. Les laboratoires départementaux d'analyses

Issus des lois de décentralisation de 1982, les laboratoires vétérinaires de l’Etat (ex-DSV) ont été transférés dans les années 1990 aux conseils généraux où ils sont devenus des services ou des directions. On dénombre 75 laboratoires départementaux sur le territoire. Une vingtaine de départements ont fermé leurs laboratoires publics en raison de déficits trop importants ou par choix. Ce mouvement s’est accentué ces dernières années du fait de la privatisation du marché de contrôle sanitaire des eaux. Dans ce cas, les analyses sont effectuées par des laboratoires privés ou des laboratoires de départements voisins.

Dans leur souci d’économie de moyens, les Départements réfléchissent à des possibilités de regroupements interdépartementaux pour tout ou partie de l’activité de leurs laboratoires.

Exemples 

Le Conseil départemental de l'Aisne a pris la décision politique de maintenir et de renforcer son laboratoire d'analyses et de recherche. Un nouveau pôle a ainsi été construit, réunissant le laboratoire départemental mais également des partenaires comme l'INRA et l'Institut technique de la betterave. Le laboratoire développe ainsi des prestations pour 20 000 clients, issus de cinq régions et douze départements.

Les Départements du Gers, du Tarn, du Lot et de Tarn-et-Garonne ont décidé d’organiser une coopération entre leurs 4 laboratoires pour renforcer ce service public face à la concurrence du privé. Une convention signée le 9 décembre 2013 crée l’entente, Public Labos, où chaque laboratoire garde son autonomie. Les 4 départements vont mutualiser leurs compétences et leurs moyens pour intervenir dans les domaines de la protection de l’eau et de l’environnement, la sécurité alimentaire, la santé animale, le contrôle de la radioactivité, etc. Il s’agit de rationaliser les coûts de production par la mise en commun progressive des achats, de rechercher de la cohérence et de la complémentarité dans les projets de développement et d’élargir la palette des services proposés.

Missions

A l’origine, les laboratoires départementaux d’analyse intervenaient essentiellement pour la santé animale et l’hygiène alimentaire, mais ils ont au fil du temps, et suivant les choix propres à chaque conseil départemental, diversifié leurs activités dans le domaine de l’environnement (hydrologie, pollution, suivi de la faune sauvage) et dans celui des analyses spécifiques aux enjeux locaux (analyses laitières, vins, produits de la mer…).

L’émergence de nouvelles maladies animales transmissibles à l’homme leur confère un rôle important pour la santé publique. Ils sont particulièrement sollicités lors de crises sanitaires.

En général, le laboratoire départemental d’analyses est une des directions du conseil départemental, organisé en services recouvrant les différents secteurs d’activité : santé animale, hygiène alimentaire, hydrologie, audit, formation.

Financement et gestion

Au niveau comptable et financier, pratiquement tous les laboratoires départementaux d’analyses sous soumis à la TVA et disposent d’un budget annexe au budget principal du conseil départemental dont ils dépendent. Ce budget comprend :

  • les dépenses de fonctionnement (personnels, astreintes, veille épidémiologique, matériels, réactifs, fluides, locaux…),
  • les recettes provenant de la vente de prestations aux services de l’Etat, aux éleveurs, aux professionnels de l’alimentation, à des privés,…

Les prestations effectuées par les laboratoires sont rémunérées par leurs clients mais ne permettent pas, en général, de couvrir leurs charges de fonctionnement. L’équilibre budgétaire est réalisé grâce à des subventions des collectivités. Ce déséquilibre budgétaire, qui peut représenter une somme importante, trouve son origine, en partie, dans les missions et les obligations de service public qui sont confiées au laboratoire départemental d’analyses par :

  • les services d’Etat, en particulier pour les analyses réglementaires de santé animale dont le tarif national est en dessous du prix de revient (analyses spécifiques réalisées en petites séries qui n’intéressent pas les laboratoires privés),
  • le conseil départemental, pour la restauration des collèges (analyses, conseils, utilisation de produits frais de l’agriculture locale), pour la recherche des légionnelles dans les eaux chaudes sanitaires des internats et de ses propres établissements, pour le suivi des effluents des stations d’épuration (SATESE) et de la faune sauvage.

Un déséquilibre budgétaire trop important, dans un contexte économique difficile, peut conduire un conseil départemental à fermer son laboratoire, ce qui obligerait alors les acteurs sociaux-professionnels locaux à externaliser leurs commandes loin de leurs bases et à en supporter les inconvénients techniques et financiers.

2. Les laboratoires communaux ou intercommunaux

Ce sont pour certains des laboratoires rattachés aux services publics d’eau et d’assainissement qui peuvent être communaux ou intercommunaux (syndicat d’eau). Pour les services publics d’eau, ils sont indispensables pour contrôler en continu la qualité de l’eau potable distribuée, alors que pour les services d’assainissement (station d’épuration), ils permettent à la fois de contrôler la qualité des rejets et de piloter et ajuster la chaine de traitement de la pollution.

Les centres de santé (ex dispensaires) municipaux sont principalement créés dans l'entre-deux-guerres et spécifiquement dans les communes caractérisées par une situation sanitaire défavorable : un fort taux de mortalité infantile et un sous encadrement médical. On trouve les structures municipales essentiellement en banlieue parisienne, dans le Sud-Est et dans les villes membres du réseau français des Villes – Santé de l’OMS.

Certaines communes ont fait le choix de disposer de centres de santé avec des prestations médicales larges (médecine générale, dentiste, ophtalmologie…) dont les analyses médicales. Selon une enquête de la caisse nationale d’assurance maladie réalisée sur les quelques 1200 centres de santé du territoire, seuls 72 sont municipaux, dont une proportion plus faible dispose de laboratoire d’analyses. Les missions divergent suivant les choix des collectivités et la taille des établissements. La forte spécialisation demandée par les activités des laboratoires est soutenue par une importante formation permanente et une veille réglementaire technologique et scientifique. Devant la baisse des moyens, les municipalités délaissent de plus en plus les activités de laboratoire et d’analyses qui sont externalisés.

Exemples

Eau de Paris, régie de la ville de Paris en charge de la production et de la distribution de l’eau consommée dans la capitale, dispose d’un laboratoire d’analyse et de recherche.

En région parisienne, quelques municipalités disposent de centres de santé et de laboratoires d’analyses médicaux : Paris, Montreuil, Ivry sur Seine, Vitry sur Seine, Aubervilliers, Champigny, Gentilly…

Financement et gestion

Peu de données sont accessibles sur les modes de financements des laboratoires communaux d’analyse des eaux ou d’analyses médicales, les chiffres étant noyés dans les autres activités des structures dont ils dépendent. Les laboratoires des services publics d’eau et d’assainissement sont financés par les budgets annexes qui doivent être équilibrés.

Même si certains centres municipaux sont dotés d’un budget autonome ou d’une comptabilité analytique, de nombreux centres municipaux (et leurs laboratoires associés) sont alimentés par des subventions du budget général. Ils ont de grande difficulté à équilibrer leurs comptes à cause du décalage entre les recettes provenant de la facturation des soins et les dépenses globales.

3. Les laboratoires et l'évolution réglementaire

  • Le Code de la santé publique– Livre II concernant les laboratoires de biologie médicale, les centres de santé (Article L6323-1)
  • La loi du 21 juillet 2009 dite « Hôpital, patients, santé et territoire » oblige tous les laboratoires d’analyses médicales à être accrédités à échéance 2020.
  • L’arrêté du 9 novembre 2011 fixe les modalités d'agrément des laboratoires effectuant des analyses dans le domaine de l'eau et des milieux aquatiques au titre du code de l'environnement.
  • L’arrêté du 2 mai 2013 désigne les laboratoires nationaux de référence dans le domaine de la santé publique vétérinaire et phytosanitaire.
  • La Loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt réaffirme le rôle des laboratoires départementaux d’analyses départementaux à la politique publique de sécurité sanitaire
  • Le décret n° 2015-1902 du 30 décembre 2015 relatif aux conditions d'exécution des missions de service public dont sont chargés les laboratoires départementaux d'analyses.

Malgré l’éventualité de leurs disparitions avec celles des départements en 2020, les laboratoires départementaux d'analyses ont été confirmés et confortés dans leurs missions.

Par la loi NOTRe de 2014, les collectivités territoriales ne disposant pas de laboratoire agréé peuvent conclure une convention avec une autre collectivité territoriale.

Le décret du 30 décembre 2015 réaffirme le rôle des laboratoires départementaux d’analyses dans la lutte contre les menaces ou atteintes graves à la santé publique de par leur participation à la surveillance épidémiologique et en particulier des élevages et de la faune sauvage. Le texte impose aux laboratoires de maintenir la compétence technique et scientifique de l’ensemble du personnel afin d’avoir des experts indépendants et d’organiser un système d’astreinte de leurs personnels.

4. Assurance qualité et accréditations

L’activité des laboratoires publics est couverte par une assurance-qualité reconnue grâce à son accréditation suivant une norme par le Comité Français d’Accréditation COFRAC. 

Les accréditations portent sur la réalisation :

  • d’essais ou d’analyses suivant la norme NF EN ISO/CEI 17025
  • d’étalonnages suivant la norme NF EN ISO/CEI 17025
  • de vérifications d’instruments de mesure réglementés suivant le document LAB ML REF 02

Les accréditations sont accordées par évaluation des deux aspects suivants :

  • le socle commun : organisation du management de la qualité, qui doit s’inscrire dans une démarche d’amélioration continue,
  • les compétences techniques propres à l’activité de chaque laboratoire déclinées en programmes d’accréditation.

En fonction de choix locaux qui ont été faits par les collectivités pour l’activité de leurs laboratoires, l’accréditation peut porter sur des domaines tels que la sérologie animale, les analyses alimentaires, le dépistage des encéphalopathies spongiformes, la bactériologie et/ou chimie des eaux.

Les laboratoires accrédités font l’objet d’une évaluation tous les quinze mois qui porte sur les deux aspects de l’accréditation (management de la qualité et compétences techniques dans le domaine présenté à l’accréditation).

Pour conserver l’accréditation, les écarts constatés lors de l’évaluation doivent être soldés. Si cela ne peut être réalisé dans les délais impartis pour les écarts les plus importants appelés « écarts critiques », l’accréditation est alors retirée.

En matière d’accréditation, il n’y a pas de différence entre les laboratoires publics et les laboratoires privés : ils sont soumis aux mêmes règles.

5. Les méthodes d'analyse

Les méthodes d’analyse sont définies au niveau international (normes ISO) ou européen par le CEN (Comité européen de normalisation). Ces méthodes sont retranscrites par l'AFNOR dans le recueil des normes françaises.

Les analyses officielles des laboratoires sont réalisées conformément aux méthodes officielles publiées au Bulletin officiel sous couvert d’agréments des ministères :

  • de l’Agriculture pour les laboratoires spécialisés en alimentation et santé animale,
  • de l’Environnement pour les laboratoires spécialisés dans le domaine de l’eau et des milieux aquatiques,
  • de la Santé pour les laboratoires spécialisés dans les contrôles sanitaires des eaux de baignade et destinées à la consommation.

Lorsqu’une nouvelle méthode officielle est publiée pour un type d’analyse donné, les laboratoires agréés pour ce type d’analyse disposent d’un délai de dix-huit mois à dater de la publication pour obtenir l’accréditation relative à cette nouvelle méthode.

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