Par Raymond Ferretti : maître de conférences des Universités
Dernière mise à jour : octobre 2016

Le président de la République est la clef de voûte des institutions selon l’expression utilisée par Michel Debré. Cette place prééminente du chef de l’Etat se traduit par l’existence de pouvoirs importants qui lui sont dévolus.

Plus précisément la Constitution lui reconnait des pouvoirs qui lui appartiennent en propre à côté de pouvoirs qu’il partage avec d’autres organes ou institutions.

1. LES POUVOIRS PROPRES

Ce sont des pouvoirs dispensés de contreseing. Au départ le contreseing permettait l’authentification des actes. Mais par la suite, le contreseing exprimait l’endossement de la responsabilité : c’est la signification liée au régime parlementaire. Le Président étant irresponsable ne peut agir et donc édicter des actes que dans la mesure où un ministre endosse la responsabilité de ceux-ci.

L’article 19 de la Constitution rappelle le principe selon lequel les actes présidentiels doivent être contresignés. Mais il précise que certains actes sont dispensés du contreseing. Il s’agit des actes prévus aux articles : 8.1 ; 11 ; 12 ; 16 ; 18 ; 54 ; 56 et 61.

Mais tous ces pouvoirs ne sont pas exercés de la même manière. Certains sont conditionnés par l’existence d’une situation ou d’un événement, d’autres ne sont pas exclusifs dans la mesure où d’autres institutions se voient reconnaître les même pouvoirs, seuls quelques-uns appartiennent irréductiblement au président de la République qui ne peut en aucune circonstance en être privé.

1.1. Les pouvoirs propres irréductibles

1.1.1. Le droit de dissolution. (art 12)

Elle est prononcée par décret du président de la République.

1.1.1.1. L’organisation du droit de dissolution

Il appartient au président de la République qui l'exerce sans condition et sans contreseing sauf durant trois périodes : pendant l'année suivant les élections provoquées par une dissolution, mais aussi pendant l'intérim présidentiel, enfin pendant la durée d'utilisation de l'article 16.

Contrairement aux règles qui prévalaient sous les Républiques précédentes, ce droit est aujourd’hui d'un usage extrêmement facile, d'autant que seule la consultation du Premier ministre, du Président de l'Assemblée nationale ainsi que du Président du Sénat, est exigée.

Par ce caractère discrétionnaire, la dissolution de la Ve est assez proche de celle de la Restauration et de la Monarchie de Juillet, mais tranche avec celles prévues par les constitutions des IIIe et IVe.

1.1.1.2. La signification du droit de dissolution

Sous la Ve République, la dissolution cesse d'être ce qu'elle a été auparavant. On passe d'une « dissolution parlementaire » à une « dissolution présidentielle ».

La Constitution de 1958 a mis en place un régime qui est certes parlementaire mais qui subit néanmoins un puissant correctif présidentiel. Aussi, le droit de dissolution est-il transformé : il cesse d'être conçu pleinement comme cet élément essentiel du régime parlementaire pour devenir un instrument d'un type nouveau entre les mains du président de la République.

Le président de la République devenant le premier responsable d'une politique ratifiée et confirmée par le peuple, la dissolution est pensée autrement, elle devient alors un moyen pour le chef de l’Etat de solliciter le soutien populaire. « Elle lui permet de vérifier et éventuellement de consolider la confiance populaire dont le régime fait une condition même du bon fonctionnement des institutions » (R. Capitant)

Date de la  dissolutionPrésident de la République
9 octobre 1962Charles De Gaulle
30 mai 1968Charles De Gaulle
22 mai 1981François Mitterrand
14 mai 1988François Mitterrand
21 avril 1997Jacques Chirac

La pratique de la dissolution

1.1.2. Les pouvoirs de crise (art 16)

L’article 16 permet de donner au président de la République des pouvoirs exceptionnels dans des situations tout aussi exceptionnelles. En d'autres termes le président de la République doit, pour sauver le régime, pouvoir exercer une véritable dictature légale.

Il trouve son origine dans les événements de 1940 qui ont marqué le Général De Gaulle. Il pense aussi que la question algérienne pourrait déboucher sur une crise majeure, ce en quoi il ne se trompe pas, car la seule utilisation, à ce jour de cette disposition se fera en 1961 lors du putsch des généraux du 21 avril.

21 avril 1961Putsch des Généraux
23 avril 1961Décision de recourir à l'article 16
25 avril 1961Fin du putsch
30 sept. 1961Fin des pouvoirs de l'article 16

1.1.2.1. Le recours à l’article 16

Un recours relativement aisé à l’article 16

 Sur le fond

La Constitution exige la présence simultanée de deux conditions :

- une menace grave et immédiate sur les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité du territoire ou l’exécution des engagements internationaux

- l’interruption du fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels.

Ces deux conditions peuvent sembler difficiles à réunir, toutefois il faut remarquer que c’est le chef de l’Etat qui en apprécie la réalité, et que d’autre part les termes utilisés par la Constitution sont particulièrement généraux.

Sur le plan de la forme

Le président de la République doit simplement s’il estime que les conditions précédentes sont réunies, consulter officiellement le Premier ministre, les Présidents des assemblées et le Conseil constitutionnel. Enfin, il doit adresser un message à la Nation.

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1.1.2.2. Des pouvoirs importants

Dès lors que l’article 16 est en vigueur, le président de la République peut prendre « les mesures exigées par ces circonstances ». Il peut donc exercer aussi bien les pouvoirs qui sont ceux, en période normale, de l’exécutif : président mais aussi Gouvernement, comme il peut exercer les pouvoirs qui sont ceux, normalement, du Parlement. Tous ces pouvoirs sont mis en œuvre à travers des actes juridiques que l’on appelle des « décisions ».

Ces pouvoirs sont d’autant plus étendus que les limites posées sont extrêmement réduites. On peut citer en premier lieu des limites relatives à la finalité des pouvoirs puisque les mesures prises « doivent être inspirées par la volonté d'assurer aux pouvoirs publics constitutionnels … les moyens d'accomplir leurs missions »

En second lieu, il faut évoquer des limites relatives à l’objet des pouvoirs. S’il est un pouvoir dont on est sûr qu’il ne peut être utilisé par le président pendant la période d’application de l’article 16, c’est bien le droit de dissolution puisque le dernier alinéa le précise explicitement.

Moins explicite est l’interdiction de réviser la Constitution, mais comme il est dit que les mesures prises « doivent être inspirées par la volonté d'assurer aux pouvoirs publics constitutionnels » etc… on peut facilement en déduire que les pouvoirs ne peuvent être modifiés, la révision est donc impossible.

En troisième lieu, on peut mettre en avant des limites relatives à la durée d’exercice de ces pouvoirs. Mais ces limites sont très approximatives. Le texte dit que les mesures doivent être prises « dans les meilleurs délais » Rien n’est plus vague !

1.1.2.3. Un contrôle réduit

L’article 16 a prévu deux types de contrôle, ils se sont révélés inefficaces. Par contre le contrôle non prévu par ce texte s’est révélé, lui, plus efficace.

Les contrôles prévus par l’article 16

 Le contrôle du Parlement

« Le Parlement se réunit de plein droit » précise l’article 16 mais rien n’est dit sur les modalités de ce contrôle. Dans la réalité, le Parlement siègera mais sera de fait dénué de toutes réelles prérogatives.

 Le contrôle du Conseil Constitutionnel

Il donne un avis public et motivé sur la décision de recourir à l'article 16. Cet avis n’étant que consultatif. De plus chacune des décisions prises dans le cadre de l'article 16 doivent faire l’objet d’un avis consultatif qui n’est pas publié lui.

Depuis la révision des 23 juillets 2008, après 30 jours d’exercice des pouvoirs de l’article 16, le Conseil constitutionnel peut être saisi par le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat, soixante députés ou soixante sénateurs. Celui-ci doit, dans les délais les plus brefs se prononcer par un avis public.

De plus après 60 jours, le Conseil constitutionnel peut se saisir lui- même.

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Le contrôle non prévu par l’article 16

Il s’agit du Conseil d’Etat qui en tant que juge administratif a été amené à se prononcer sur la régularité d’une décision prise dans le cadre de l’article 16.

Dans l'arrêt Rubin de Servens (2 mars 1962) le Conseil d’Etat précise les conditions dans lesquelles il peut exercer son contrôle juridictionnel :

S’agissant d’abord de la décision de recourir à l'article 16, le Conseil estime qu’elle échappe à son contrôle car c'est un "acte de Gouvernement"

S’agissant des décisions de mise en œuvre de l'article 16, il faut distinguer celles qui en période normale relèveraient du domaine de la loi et celles qui en période normale relèveraient de l'exécutif. Les premières ne peuvent être contrôlées alors que les secondes peuvent l’être et donc éventuellement annulées.

1.1.3. Le droit de message (art18)

Le président de la République ne pouvait traditionnellement s’adresser aux assemblées parlementaires qu’à travers des messages écrits. L’interdiction faite au Président de s’adresser directement aux parlementaires ne s’expliquait que par des circonstances historiques particulières, puisque c’est la loi du 13 mars 1873, dite « de Broglie » qui a imposé au président de la République une procédure que l’on qualifia alors de « cérémonial chinois ». C’est ce qui explique sans doute qu’une telle interdiction n’existe qu’en France ou presque et qu’au contraire, le Président américain, comme la Reine d’Angleterre prononcent régulièrement le discours sur l’état de l’Union ou le discours du Trône.

C’est pourquoi la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a prévu que le Président « peut prendre la parole devant le Parlement réuni à cet effet en Congrès. Sa déclaration peut donner lieu, hors sa présence, à un débat qui ne fait l'objet d'aucun vote ».

Une première application de cette disposition a eu lieu le lundi 22 juin 2009. Nicolas Sarkozy avait convoqué le Congrès pour faire une déclaration sur la crise économique qui frappait l’Europe depuis quelques mois. Le 16 novembre 2015, François Hollande s’est à son tour rendu à Versailles devant le Congrès à la suite des attentats du 13 novembre pour annoncer une révision de la Constitution.

Ajoutons que cette nouvelle version du droit de message ne supprime pas pour autant la version classique préexistante.

1.2. Les pouvoirs propres non exclusifs

1.2.1. La nomination de membres du Conseil constitutionnel (art 56)

Le président de la République nomme trois des neuf membres du Conseil constitutionnel ainsi que son président. La nouvelle procédure de l’article 13 de la Constitution s’applique désormais à la nomination des membres du Conseil Constitutionnel. Ce même pouvoir appartient aux présidents des deux assemblées parlementaire. La seule différence tenant au fait qu’ils ne désignent pas le président de l’institution.

1.2.2 La saisine du Conseil constitutionnel (art 54 et 61.2)

Le Chef de l’Etat peut saisir le Conseil constitutionnel dans deux hypothèses différentes.

1.2.2.1. La saisine de l’article 54

Il lui permet de saisir le Conseil aux fins d’examiner la constitutionnalité d’un engagement international. Ici encore on remarquera que le même pouvoir appartient au Premier Ministre, au Président de l'une ou l'autre des assemblées et enfin à soixante députés ou à soixante sénateurs.

Les saisines présidentielles ont été peu nombreuses, mais importantes : Décision européenne relative à l’élection du Parlement européen au suffrage universel en 1976 ; Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme en 1985 ; Traité de Maastricht en 1992 ; Traité d’Amsterdam en 1997 ; Traité constitutionnel en 2005, Traité de Lisbonne 2008.

1.2.2.2 La saisine de l’article 61.2

Il s’agit ici pour le président de la République de saisir le Conseil constitutionnel en vue du contrôle de constitutionnalité d’une loi ordinaire. Comme dans le cas précédent le même pouvoir appartient au Premier Ministre, au Président de l'une ou l'autre des assemblées et enfin à soixante députés ou à soixante sénateurs. Mais ceux-sont ces derniers qui usent essentiellement de ce pouvoir.

1.3. Les pouvoirs propres conditionnés

Dans les deux cas suivants le président est certes dispensé du contreseing, mais il ne peut pleinement décider que s’il dispose à l’Assemblée nationale d’une majorité qui se réclame de lui.

1.3.1. La nomination du Premier ministre (art 8.1) 

Ce pouvoir est d’autant plus important que le président ne se contente pas de nommer le Premier ministre, c'est-à-dire d’en rester à une pure opération juridique, il va plus loin puisqu’il choisit également le Premier ministre et il le fait en toute liberté.

Toutefois, le Premier ministre doit être pris dans la majorité parlementaire et donc, en cas de cohabitation le Président ne peut nommer que le chef de la nouvelle majorité qui lui est hostile.

1.3.2. Le référendum (art 11)

Le référendum est la technique juridique qui permet au peuple de se prononcer. L'objet de l'opération peut simplement être de donner un avis auquel cas le référendum sera consultatif, il peut aussi être plus important : adopter un texte auquel cas il s'agira d'un référendum normatif, législatif ou constituant. L’article 11 permet au président de la République de soumettre à l’approbation du peuple français un projet de loi, il s’agit donc d’un référendum législatif.

La loi constitutionnelle du 23 juillet a ajouté dans l’article 11, un référendum d’initiative minoritaire au référendum d’initiative présidentielle.

1.3.2.1. Le référendum d’initiative présidentielle

Cette technique juridique particulière a donné lieu à une pratique variée.

Une technique particulière

Le référendum est mis en œuvre à travers une procédure simple, mais seulement dans un domaine spécifique.

 Une procédure simple

C’est le président de la République qui décide du référendum. Sa décision n’a pas à être contresignée. Toutefois, elle ne peut être prise que sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions du Parlement ou sur proposition conjointe des deux assemblées.

Le Conseil constitutionnel est consulté sur l'organisation du référendum mais il s'est déclaré incompétent pour examiner la constitutionalité de la loi référendaire (62-20 DC du 6 novembre 1962 et 92-313 DC du 23 septembre 1992 Maastricht) Par contre, il s’est reconnu compétent en matière de contentieux des actes préparatoires au référendum et détachables de celui-ci.

 Un domaine spécifique

Au début de la Veme il était relativement réduit puisqu’il ne pouvait porter que sur un projet de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics ou comportant approbation d'un accord de Communauté ou tendant à autoriser la ratification d'un traité qui sans être contraire à la Constitution aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions.

Plusieurs tentatives d’élargissement de ce domaine ont été faites. Elles sont restées infructueuses. Il s’agit en premier lieu du projet de loi constitutionnelle du 20 juillet 1984. Il élargissait le domaine du référendum aux projets de loi « concernant les garanties fondamentales des libertés publiques » que le Sénat rejeta. Le projet de loi constitutionnelle du 10 mars 1993 qui reprenait notamment les dispositions du précédent a connu le même sort.

En 1995, pourtant, la réforme a pu aboutir puisque la loi constitutionnelle du 4 août 1995 a élargi le domaine du référendum aux projets de loi « portant sur des réformes relatives à la politique économique ou sociale ainsi qu'aux services publics qui y concourent ». Plus récemment, la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a élargi ce domaine aux réformes relatives à la politique environnementale.

Une pratique diversifiée

 Le détournement de la technique

Le général De Gaulle a détourné le référendum dans deux directions différentes.

D’une part, le référendum a connu une dérive plébiscitaire. Par cette expression on veut souligner qu’à travers la question sur le texte, c’est une question sur l’homme qui est posé. Tel qu’il a été utilisé par le général De Gaulle, le référendum lui a permis d’élargir ses prérogatives ou de faire soutenir sa politique, bref de renforcer sa position au sein des institutions.

Le général De Gaule a également transformé le référendum législatif en référendum constituant. Par deux fois il a utilisé le référendum de l’article 11 pour réviser la Constitution. La première fois, ce sera avec succès. Le 20 octobre 1962, un nouveau mode d’élection du président de la République était décidé par le peuple français.

Quant au deuxième référendum, celui de 1969, son objectif principal était de mettre en place la réforme régionale, mais il devait aussi supprimer le Sénat. Le peuple français rejettera le projet de loi. Et comme le général De Gaulle avait annoncé qu’il démissionnerait en cas d’échec, il abandonna le pouvoir.

Dans les deux cas, le président contournait le refus du Parlement, qui dans le cadre de l’article 89 l’aurait empêché de proposer sa réforme à l’approbation du peuple. De cette façon, le président de la République éludait l’un des défauts importants de l’article 89 : l’impossibilité de faire trancher par le peuple un différend entre le Président et le Parlement.

 Le retour à une pratique plus conforme

Après une longue période d’abandon du référendum, on reviendra à une pratique plus conforme à la Constitution. Le premier référendum de François Mitterrand sur la Nouvelle Calédonie, était bien, pour la première fois, d’origine gouvernementale et non présidentielle. Avec ce référendum on découvrait ce qu’il aurait toujours dû être. Le deuxième référendum de François Mitterrand (sur le Traité de Maastricht) était du même type sauf que l’initiative était plus présidentielle que gouvernementale. Mais en aucune manière le président n’engagera explicitement sa responsabilité. Cette pratique a été suivie et renforcée par Jacques Chirac à travers le référendum du 29 mai 2005, relatif à la ratification du traité constitutionnel, dans la mesure où malgré la victoire du non, le président de la République n’a pas démissionné.

LES 8 REFERENDUMS DE L’ARTICLE 11
8 janvier 1961DE GAULLEAutodétermination en AlgérieOUI 75,2 %
8 avril 1962DE GAULLEApprobation des accords d'EvianOUI 90,7 %
20 octobre 1962DE GAULLEÉlection du Président au SUDOUI 62,2 %
27 avril 1969DE GAULLERéforme régionale et du SénatNON 53,1 %
23 avril 1972POMPIDOUÉlargissement de la CEEOUI 67, 7 %
6 novembre 1988MITTERRANDAvenir de la Nouvelle-CalédonieOUI 79, 9 %
20 sept. 1992MITTERRANDRatification du traité de MaastrichtOUI 51 %
29 mai 2005CHIRACRatification du traité constitutionnelNON 54.67%

1.3.2.2. Le référendum d’initiative minoritaire

La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 introduit ce que le Comité Vedel avait appelé en février 1993, le référendum d’initiative minoritaire. Afin de préciser les modalités de ce nouvel instrument, un projet de loi organique a été adopté en Conseil des ministres le 22 décembre 2010. Le texte a été voté définitivement le 21 novembre 2013. Il a été validé par le Conseil constitutionnel le 5 novembre 2013. C’est donc la loi organique n° 2013-1114 du 6 décembre 2013 portant application de l'article 11 de la Constitution qui régit ce référendum d’initiative partagée.

 Un référendum particulier

Il ne s’agit pas d’un référendum d’initiative populaire comme il en existe en Italie ou en Suisse. Cette option a été écartée au profit d’une solution particulière : permettre à une minorité de citoyens et de parlementaires de prendre l’initiative. La difficulté en la matière consiste à concilier le droit d’initiative des citoyens et les garanties indispensables dont il convient de l’entourer pour éviter les inconvénients pouvant résulter du choix de certains sujets de société. De plus, une contradiction pouvait exister entre la volonté d’une part, d’émanciper le Parlement et d’autre part, celle d’étendre de manière excessive le champ de la démocratie directe. Aussi, fallait-il associer les parlementaires, dès son origine, à la procédure nouvelle.

 Une procédure originale

Le référendum ne peut porter que sur les matières énumérées à l’article 11, celle du référendum d’initiative présidentielle. Mais, il ne peut avoir pour objet « l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an » ou porter sur tout sujet ayant figuré dans une proposition de loi rejetée par référendum dans les deux années précédentes.

L’initiative prend la forme d’une proposition de loi contrairement au référendum d’initiative présidentielle où il s’agit d’un projet de loi. Celle-ci doit être soutenue par un cinquième des membres du Parlement (185 parlementaires). Ces derniers doivent saisir le Conseil Constitutionnel qui statue, dans le délai d’un mois, sur la recevabilité de l’initiative. Cette décision est publiée au Journal officiel, elle est accompagnée de la proposition de loi et du nombre de soutiens à recueillir.

L’ouverture de la période de recueil des soutiens intervient dans le mois suivant la publication de la décision du Conseil constitutionnel, elle dure neuf mois. Le nombre de soutiens est d’un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales, soit approximativement 4,5 millions de citoyens. Ce nombre est supérieur à celui exigé dans la plupart des procédures d’initiative populaire existant dans d’autres États (500 000 citoyens en Espagne, 50.000 ou 100 000 citoyens en Suisse, 500 000 citoyens en Italie) Il est également supérieur au nombre de signatures nécessaires pour saisir par voie de pétition le Conseil économique, social et environnemental (500 000 personnes majeures, de nationalité française ou résidant régulièrement en France).

Les soutiens sont recueillis par voie électronique mais tout électeur peut, à sa demande, faire enregistrer électroniquement par un agent de la commune ou du consulat son soutien présenté sur papier. L'ensemble de la liste des soutiens pourra être consulté par tout citoyen, y compris à des fins de vérification et d'authentification de cette liste.

Une commission est mise en place. Elle est composée de deux membres du Conseil d’État, de deux membres de la Cour de cassation, de deux membres de la Cour des comptes, choisis par leur institution, pour une durée de six ans non renouvelable. La commission se renouvelle par moitié tous les trois ans. Elle vérifie le nombre de soutiens, elle transmet le dossier au Conseil constitutionnel avec ses observations. Le Conseil statue sur la recevabilité de l’initiative par une seconde décision, publiée au Journal officiel.

La proposition de loi revient alors au Parlement. Trois possibilités se présentent :

Soit le Parlement se prononce favorablement, le texte deviendra loi.

Soit elle est rejetée, dans ce cas, aucune nouvelle proposition de référendum portant sur le même sujet ne peut être présentée avant l’expiration d’un délai de deux ans.

Enfin, la proposition de loi n’est pas inscrite à l’ordre du jour dans un délai de un an, le président de la République doit alors, dans les quatre mois, soumettre le texte à l’approbation du peuple par référendum.

2. LES POUVOIRS PARTAGES

Ces pouvoirs ne peuvent être mis en œuvre par le président de la République qu’avec le concours d’un autre organe, le plus souvent le Premier ministre. Le partage est produit par deux instruments.

Le premier et le plus important est le contreseing. L’article 19 rappelle le principe selon lequel les actes présidentiels doivent être contresignés à l’exception de ceux prévus aux articles 8.1 ; 11 ; 12 ; 16 ; 18 ; 54 ; 56 et 61.

L’autre technique de partage est la proposition préalable. Dans certains cas en effet, l’exercice d’un pouvoir du président est conditionné par l’intervention d’un acte préalable émanant généralement du Premier ministre.

Bien sûr le partage n’est réel qu’en période de cohabitation. Lorsqu’il y a concordance des majorités il s’agit d’un faux partage dont profite le président car le contreseing est un dû et la proposition préalable s'impose.

2.1. Les relations avec le Gouvernement

2.1.1. La nomination des ministres. (art 8.2)

C'est le Président qui nomme les ministres sur proposition du Premier ministre, le décret devant être contresigné par le Premier ministre.

2.1.2. La fin des fonctions du Premier ministre et des ministres (art 8.1)

Là encore, c'est sur présentation de la démission du Gouvernement par le Premier ministre que le Président met fin aux fonctions du Gouvernement ou de tel et tel ministre. De plus le décret mettant fin aux fonctions doit être contresigné par le Premier ministre.

2.1.3. Le pouvoir réglementaire (art 13)

Ce pouvoir est plus large sous la Ve que par le passé, puisqu’il se traduit aussi bien par le règlement d’application que par le règlement autonome. Mais il n’appartient au Premier ministre que sous la réserve de l’article 13, c’est à dire la délibération en Conseil des Ministres.

En effet, tout décret délibéré en Conseil des ministres doit être signé par le président de la République. La réserve de l’article 13 a donc pour effet de faire partager le pouvoir réglementaire du Premier ministre par le président de la République.

La véritable question c’est celle de savoir quand le passage en Conseil des ministres est obligatoire.

La Constitution est muette sur ce point. Seules quelques lois organiques ou ordinaires mentionnent dans quelques cas cette obligation.

Mais, un arrêt du Conseil d’Etat (CE, 10 mai 1992, Meyet) a fait évoluer quelque peu la situation puisqu’il prévoit qu’un décret signé par le président de la République ne peut être modifié que par un décret signé par le président de la République. Ainsi, lorsque le Premier ministre veut modifier un décret qui a été délibéré en Conseil des ministres, il ne peut le faire que par un décret du même type.

2.1.4. Le pouvoir de nomination aux emplois publics (art 13)

L’article 21 donne au Premier ministre le pouvoir de nommer tant aux emplois civils que militaires. Toutefois, ce pouvoir peut être réduit au profit du président de la République par la réserve de l’article 13. De plus, le président de la République dispose d’un pouvoir de nomination propre. Mais la nouvelle procédure mise en place par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 vient quelque peut restreindre les pouvoirs de nomination présidentiel dans certains cas.

2.1.4.1. La réserve de l’article 13

Dans ce cas, cette réserve est beaucoup plus efficace car il existe deux «listes » d’emplois pourvus en Conseil des Ministres.

La « liste » de l’article 13 de la Constitution

« Les conseillers d'Etat, le grand chancelier de la Légion d'honneur, les ambassadeurs et envoyés extraordinaires, les conseillers maîtres à la Cour des Comptes, les préfets, les représentants du Gouvernement dans les territoires d'Outre-mer, les officiers généraux, les recteurs des académies, les directeurs des administrations centrales sont nommés en Conseil des Ministres»

La « liste » de l’Ordonnance du 28 novembre 1958 complétée par décret

« Article ler - Outre les emplois visés à l'article 13 (§ 3) de la Constitution, il est pourvu en Conseil des Ministres:

Aux emplois de procureur général près la Cour de cassation, de procureur général près la Cour des comptes, de procureur général près la Cour d'appel de Paris;

Aux emplois de direction dans les établissements publics, les entreprises publiques et les sociétés nationales quand leur importance justifie inscription sur une liste dressée par décret en Conseil des Ministres;

Aux emplois pour lesquels cette procédure est actuellement prévue par une disposition législative ou réglementaire particulière.»

2.1.4.2. Les nominations par décret simple du président de la République (art 2 de l’Ordonnance du 28 novembre 1958)

« Article 2. - Sont nommés par décret du président de la République: Les membres du Conseil d'Etat et de la Cour des comptes

Les magistrats de l'ordre judiciaire, les professeurs de l'enseignement supérieur, les officiers des armées de terre, de mer et de l'air. Sont en outre nommés par décret du président de la République, à leur entrée dans leurs corps respectifs, les membres. des corps dont le recrutement est normalement assuré par l'École Nationale d'Administration, les membres du corps préfectoral, les ingénieurs des corps techniques dont le recrutement est en partie assuré conformément au tableau de classement de sortie de l'École polytechnique

2.1.4.3. La nouvelle procédure de l’article 13

La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a mis en place une nouvelle procédure de nomination.

Elle concerne les emplois, autres que ceux pourvus en Conseil des ministres, qui jouent un rôle important pour la garantie des droits et libertés ou dans la vie économique et sociale de la Nation.

La liste de ceux-ci a été donnée dans la loi organique du 23 juillet 2010. Il s’agit par exemple du Directeur de l’Autorité des marchés financiers, du Président de l’Autorité de la concurrence, du Gouverneur de la Banque de France, mais aussi du PDG d’EDF, du PDG d’Aéroport de Paris et de bien d’autres dirigeants du secteur public économique ou de certaines Autorités administratives indépendantes.

Tous ces dirigeants ainsi d’ailleurs que les membres du Conseil constitutionnel, un certain nombre de membres du Conseil supérieur de la magistrature ainsi que le Défenseur des droits nouvellement créé sont nommés selon une procédure largement inspirée des «hearings» américains. Plus précisément, le président de la République nomme après « avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée ».

L’audition présente des avantages: elle contraint l’intéressé à définir sa vision des fonctions qui lui sont confiées et à fixer ses priorités stratégiques. Elle permet par ailleurs de donner des garanties de transparence et de compétence, puisque la perspective de l’audition place l’autorité de nomination dans l’obligation de présenter des candidats ayant les qualités requises.

Si l’avis des commissions n’est que consultatif, celles-ci peuvent néanmoins empêcher la nomination en se prononçant à la majorité des trois cinquièmes. Il s’agit donc bien d’un droit de veto.

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2.2. Les relations avec le Parlement

2.2.1. La promulgation des lois et la demande d’une nouvelle délibération (art 10)

La promulgation des lois est une formalité substantielle. Puisqu’elle conditionne son entrée en vigueur. Mais le président est obligé de prendre le décret de promulgation puisque l’article 10 de la Constitution prévoit un délai de promulgation, il s’agit des 15 jours qui suivent la transmission au Gouvernement de la loi définitivement adoptée. La promulgation ne peut donc pas être interprétée comme un droit de veto présidentiel.

La seule possibilité ouverte au président, c’est de demander une nouvelle délibération au Parlement. Elle est de droit, mais le Parlement peut évidemment maintenir intégralement son texte.

Dans la pratique on constate que deux nouvelles délibérations ont été demandées par François Mitterrand. Une première fois, en 1983 sur la loi prévoyant l’organisation d’une exposition universelle à Paris, une seconde fois en 1985 sur la loi relative à la Nouvelle-Calédonie.

Une nouvelle délibération a été demandée par Jacques Chirac le 5 avril 2003, après l’annulation par le Conseil constitutionnel de l'article 4 de la loi relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen.

2.2.2. La convocation du Parlement en sessions extraordinaires (art 29 et 30)

La convocation du Parlement en session extraordinaire est un pouvoir qui appartient au président de la République en vertu de l’article 30 : « Hors les cas dans lesquels le Parlement se réunit de plein droit, les sessions extraordinaires sont ouvertes et closes par décret du président de la République ». Mais ce pouvoir est conditionné par l’existence d’une proposition préalable puisque selon l’article 29 c’est « à la demande du Premier Ministre ou de la majorité des membres composant l'Assemblée nationale, sur un ordre du jour déterminé » que le Parlement est convoqué.

Au début de la Veme République, nombreux étaient ceux qui estimaient que le président ne disposait en la matière que d’une compétence liée, c’est à dire qu’il était obligé de suivre la demande formulée par le Premier ministre ou les députés.

Or, le général De Gaulle refusera de convoquer le Parlement le 18 mars 1960. Pour lui en effet, c’est sous la pression des manifestants que les députés demandaient une session extraordinaire consacrée à la situation agricole.

Par la suite, François Mitterrand à son tour, refusera deux convocations demandées par le Premier ministre, en décembre 1987 : à propos de la réforme du statut de Renault et en juillet 1993 à propos de la révision de la loi Falloux. Il est vrai que l’on était en cohabitation.

2.2.3. L’initiative de la révision de la Constitution (art 89)

L'initiative de la révision de la Constitution appartient au président de la République sur proposition du Premier Ministre nous rappelle l’article 89. Ce pouvoir s’exerce par l’intermédiaire d’un décret présidentiel contresigné par le Premier ministre.

Toutes les révisions intervenues sur la base de l’article 89 ont fait l’objet d’une initiative présidentielle.

2.2.4. La réunion du Congrès (art 89)

A la fin de la procédure de révision de la Constitution, telle qu’elle est prévue par l’article 89, le président de la République, lorsqu’il est à l’origine de la révision, peut choisir entre la convocation du Congrès et l’organisation d’un référendum. Ce choix est opéré par décret contresigné. Toutes les révisions ont été adoptées par le Congrès, sauf celle instituant le quinquennat en 2000.

2.2.5. Le pouvoir d’engager les forces militaires

L’article 15 de la Constitution fait du président de la République, le chef des armées, mais le Premier ministre est responsable de la Défense Nationale selon l’article 20, quant au Gouvernement il dispose de la force armée en vertu de l’article 20. Le pouvoir d’engager les forces militaires est donc partagé entre les différents éléments de l’exécutif, même si là encore le partage n’est pas réel en période de concordance des majorités. Toutefois, il faut distinguer selon qu’il s’agit de la force nucléaire ou des autres interventions.

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2.2.5.1. Un pouvoir partagé : les interventions militaires

Comme chef des armées c’est le Président de le République qui décide des interventions militaires. Ce pouvoir sans partage est depuis la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 limité.

Le nouvel article 35 de la Constitution prévoit en effet l’information du Parlement par le Gouvernement dans les 3 jours qui suivent l’intervention. Cette information pouvant être suivie d’un débat sans vote.

Au-delà de 4 mois, l’autorisation de poursuivre doit être demandée au Parlement par le Gouvernement.

2.2.5.2 Une exception : le feu nucléaire

C’est le président de la République seul qui décide du feu nucléaire en vertu du décret du 12 juin 1996. Dans ce cas il n’y a effectivement pas de partage.

3. LES POUVOIRS « ASPIRÉS »

Ces pouvoirs ne sont pas dévolus au Président de la République par la Constitution comme les précédents. Ils résultent d’une situation politique : le phénomène majoritaire à la française à savoir la concordance des majorités parlementaire et présidentielle. De ce fait, le Gouvernement procède du Président de la République et comme celui-ci préside le Conseil des ministres, on peut parler d’un Gouvernement présidentiel au sens fonctionnel du terme. Les pouvoirs du Gouvernement remontent vers le Président qui les absorbe ou les aspire.

Ainsi, les différents Présidents ont eu tendance à déterminer eux-mêmes la politique de la Nation, en contradiction avec l’article 20. Ils se sont ainsi substitués au Gouvernement dans ce qu’il faut bien appeler la fonction gouvernementale. Pour le général De Gaulle, le Président de la République est en effet non seulement le chef de l’Etat mais aussi le guide de la France. Pour Georges Pompidou, il est « à la fois arbitre et premier responsable national ». Valéry Giscard d’Estaing quant à lui déclarait : « Il y a deux fonctions dans ce personnage. Il y a un …garant des institutions, protecteur des libertés des français. Et il y a quelqu'un qui représente du fait de son élection, l'application d'une certaine politique… ». François Mitterrand lui aussi déclarait : « La politique de la France, je l’ai moi-même définie et (…) elle est conduite sous mon autorité ». Ils ne laissaient au Gouvernement que le soin de « conduire » cette politique, cantonnant l’hôte de Matignon à l’exercice de la seule fonction exécutive au sens strict du terme. Jacques Chirac, évoquant l’un de ses ministres précisait : « Je décide, il exécute » Même François Hollande fera sienne cette conception : « c’est la politique que j’ai décidée et que le Premier ministre met en œuvre en coordonnant l’action gouvernementale ».

Bien sûr, lorsqu’il y a cohabitation le Président de la République ne dispose plus de ces pouvoirs.

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