Par Denis Fraysse
Dernière mise à jour : octobre 2019

Le manque d’entretien des bâtiments - d’habitation, commerciaux, agricole, industriel - peut engager la sécurité des personnes et des biens. La législation (codes de la construction et la santé publique) permet au Maire (ou au Préfet de Police à Paris) d’intervenir afin de remédier aux situations dangereuses. Les procédures de péril et d’insalubrité sont les plus courantes.
Un bâtiment peut être insalubre et ne pas menacer ruine. De la même façon, un édifice peut menacer ruine sans être nécessairement insalubre. Les deux désordres peuvent également se cumuler, un bâtiment peut simultanément faire l'objet d'une procédure de péril et d'insalubrité.

1. La procédure de péril

1.1. Principe et champ d’application

La procédure de péril relève des articles L.511 et suivants du Code de la Construction et de l’Habitation (CCH). Elle est mise en œuvre pour un édifice bâti, quel que soit l’usage : bâtiments d’habitation, commerciaux, industriels ou agricoles. Cela englobe toutes les constructions, qu’elles soient anciennes ou récentes, qu’elles soient achevées ou inachevées ainsi que leurs parties annexes.

La jurisprudence administrative précise le champ d’application de la procédure et s’applique :

  • aux murs et toitures d’un bâtiment
  • aux gouttières, balcons et cheminées
  • de manière générale, à tous les éléments incorporés à l’édifice
  • aux galeries souterraines dès lors qu’elles sont l’œuvre des mains de l’homme

Il existe un cas particulier pour les équipements communs dans les immeubles collectifs à usage d’habitation. Le Maire peut intervenir, au nom de l’État, selon des modalités précises qui sont prévues aux articles L. 129-1 et L. 129-3 du CCH. Par exemple, si un ascenseur collectif d’habitation présente un risque pour la sécurité publique, le Maire peut prescrire, par voie d’arrêté, la remise en état de fonctionnement ou le remplacement de l’ascenseur, tout en fixant le délai imparti pour l’exécution de ces mesures.

Par l’article 21 de la loi du 19 décembre 2008 relative à la législation funéraire, une procédure de péril est créée pour la ruine des monuments funéraires dans les cimetières.

Le péril peut être constaté par le Maire mais aussi par tout particulier qui a le devoir de le lui signaler. Le Maire enclenche la procédure de péril et peut alors « faire procéder à toutes visites qui lui paraîtront utiles à l’effet de vérifier l’état de solidité de tout mur, bâtiment et édifice ». De ces visites, le Maire peut conclure à l’état de péril et le qualifier d’ordinaire ou d’imminent dans le cas où sa réalisation est susceptible d’intervenir à brève échéance.

Le Maire ou la commune peuvent être poursuivis en cas d’accident dont l’origine serait un immeuble ou un édifice en ruine.

1.2.  Le péril imminent

Dès que le Maire a connaissance de la situation d’urgence, il avertit le propriétaire du lancement de la procédure de péril imminent et demande au juge des référés du tribunal administratif la nomination d’un expert qui doit examiner le bâtiment dans les 24h après sa nomination. Il rédige alors un rapport et propose des mesures d’urgences pour mettre fin à l’imminence du péril.

Si le rapport met en évidence un péril grave et imminent, le Maire prend un arrêté de péril imminent mettant en demeure le propriétaire dans un délai qu’il fixe de prendre les mesures provisoires pour garantir la sécurité des personnes. Le Maire peut également prescrire une interdiction temporaire ou définitive d’habiter les lieux.

Passé le délai, si les travaux n’ont pas été réalisés, le Maire les fait réaliser d’office aux frais du propriétaire défaillant.

Soit les travaux ont mis fin durablement au péril et le Maire prend un arrêté de levée de péril imminent, soit les travaux ont seulement supprimé l’urgence et le Maire poursuit la procédure en prenant un arrêté de péril non imminent.

Pour les bâtiments d’habitation, l’arrêté de péril imminent oblige le propriétaire à procéder à l’hébergement temporaire ou au relogement des occupants en cas d’évacuation définitive.

1.3. Le péril ordinaire

La procédure de péril ordinaire débute par une phase contradictoire. Le Maire doit informer le propriétaire, par une lettre remise contre signature, de l’état constaté du bâtiment (art. R 511-1 du CCH). Le propriétaire est invité à présenter ses observations dans un délai qui ne peut être inférieur à un mois. Passé ce délai, si la situation n’a pas évolué, le Maire prend un arrêté de péril ordinaire mettant en demeure le propriétaire, dans un délai minimum d’un mois, d’effectuer les travaux de réparation nécessaires.

Lorsque le bâtiment menaçant ruine est à usage principal d’habitation, le Maire peut, sans attendre l’expiration du délai fixé par la mise en demeure, appliquer une astreinte, d’un montant maximal de 1 000 euros par jour de retard, à l’encontre du propriétaire défaillant.

Après ce délai, soit le propriétaire a effectué les travaux et le Maire fait constater la suppression du danger par un homme de l’art - un architecte ou un expert -  et prend un arrêté de levée de péril ; soit le propriétaire n’a pas réalisé les travaux et le Maire peut les faire réaliser d’office aux frais du propriétaire défaillant.

L’arrêté de péril n’interdit pas la vente du bâtiment ; l’acheteur éventuel sera tenu, comme le propriétaire initial, d’exécuter les travaux prescrits. L’arrêté de péril constitue une servitude qui suit le bien.

2. La procédure d'insalubrité

2.1. Principe et champ d’application

La procédure d’insalubrité relève du Code de la Santé Publique (article 1331-26).

Cette procédure vise tous immeubles, groupes d’immeubles ou îlots, groupes d’îlots, destinés ou utilisés aux fins d’habitation (logements individuels, immeubles, parties communes ou privatives, hôtels, etc.) présentant un danger pour la santé des occupants ou des voisins. L’insalubrité peut concerner des locaux commerciaux inclus dans les bâtiments d’habitation. La procédure peut affecter un seul logement ou plusieurs logements d’un bâtiment, que celui-ci soit en copropriété ou non.

L'insalubrité s'analyse au cas par cas et après visite des lieux, en se référant à une liste de critères d'évaluation :

  • de l'éclairement naturel des pièces principales,
  • des structures du logement (organisation intérieure, dimensions des pièces, protection phonique, isolation thermique, état des surfaces),
  • de facteurs de risques spécifiques (installations de combustion, toxiques présents tels que peintures au plomb, amiante, risques de chutes de personnes),
  • de l'humidité, de l'aération des pièces,
  • des équipements (alimentation en eau potable, évacuation des eaux usées, électricité, gaz, chauffage, cuisine, WC, salle de bain ou d'eau),
  • de l'usage et l'entretien des lieux (propreté courante, mode d'occupation, sur-occupation).

2.2. La procédure

Tout locataire ou occupant d'un logement insalubre doit avertir la mairie. En principe, c'est le Service Communal d'Hygiène et de Santé (SCHS) ou des agents d'une Agence Régionale de Santé (ARS) qui interviennent pour visiter le logement et réaliser un rapport concluant ou non à l'insalubrité.

Au vu des désordres dans le logement et des risques pour la santé des occupants, le Préfet convoque le propriétaire à présenter ses observations devant le CODERST (Conseil départemental de l’environnement des risques sanitaires et technologiques).

Selon la gravité des désordres et l'importance des travaux à effectuer, l'insalubrité sera qualifiée :

  • de remédiable, lorsque qu’il est demandé au propriétaire d’effectuer des travaux
  • ou d'irrémédiable, lorsqu’il n’existe aucun moyen technique pour y mettre fin ou lorsque les travaux seraient plus coûteux que la reconstruction du bâtiment.

Suivant les conclusions du CODERST, le Préfet prend un arrêté d’insalubrité remédiable / irrémédiable et le notifie au propriétaire et au Maire. Les loyers cessent d’être dus dès la notification de l’arrêté au propriétaire.

Si l’insalubrité est remédiable, le Préfet fixe un délai au propriétaire pour réaliser les travaux. A l’issu du délai, soit le propriétaire a réalisé les travaux et le Préfet prend un arrêté de levée d’insalubrité sur le rapport du Maire ; soit le propriétaire n’a pas réalisé les travaux, le Maire ou le Préfet peut les réaliser d’office aux frais du propriétaire.

Dans le cas d’une insalubrité irrémédiable, le Préfet prescrit toutes mesures nécessaires pour empêcher l’accès et l’usage de l’immeuble au fur et à mesure de son évacuation. Les mêmes mesures peuvent être décidées à tout moment par le Maire au nom de l’État. Ces mesures peuvent faire l’objet d’une exécution d’office

En dehors de ces procédures d’insalubrité, qui concernent des logements avec de graves désordres pour la santé des occupants, le Maire doit dans tous les cas faire respecter le Règlement Sanitaire Départemental qui fixe les règles sur les conditions d’habitations (logement sans humidité, avec chauffage, ventilation adaptée, etc.)

Le Maire ne pouvant s’adresser d’injonctions, les propriétés communales ne relèvent pas de procédures de péril ou d’insalubrité. La commune est censée entretenir son patrimoine. A ce sujet, consulter la fiche sur la stratégie de maintenance préventive.

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