Par Mikael Penduff
Dernière mise à jour : décembre 2018

1. Contexte et définitions

La question de l’accessibilité est liée à la prise en compte du handicap dans les politiques publiques d’aménagement et de gestion de l’espace urbain. Le premier texte qui s’intéresse à la personne handicapée est la loi du 30 juin 1975. Son principal objectif était de maintenir la personne handicapée dans un cadre de vie ordinaire. Elle a posé comme droit fondamental de pouvoir se déplacer pour permettre l'exercice de la citoyenneté et la participation à la vie sociale. Puis ont suivi plusieurs textes qui concernaient aussi bien les établissements recevant du public, les lieux d’habitation, les lieux de travail, l’espace public, l’emploi, la santé, les transports… La loi du 11 février 2005 sur l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a franchi une étape supplémentaire par rapport à la loi de 1975 en ne se limitant plus essentiellement au handicap physique, mais en reconnaissant à la fois les personnes handicapées et les personnes à mobilité réduite.

Aujourd’hui, on estime que 12 millions de personnes en France seraient concernées par les mesures de la loi de 2005 : les personnes handicapées, mais également les personnes âgées, malades ou accidentées, les femmes en fin de grossesse, les personnes avec des poussettes ou accompagnant de jeunes enfants, les voyageurs encombrés de bagages, etc.

1.1. Définition du handicap

La loi de loi de 2005 définit 6 types de handicaps (art. 2) :

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« La déficience, c’est la perte de substance ou l’altération d’une structure ou d’une fonction psychologique, physiologique ou anatomique » (source OMS).

L’incapacité, c’est la réduction totale ou partielle de la capacité à accomplir une activité dans les limites considérées comme normales, en raison d’une déficience ou d’une maladie. C’est par ailleurs, la réduction du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel dont est atteinte la personne. Habituellement, il est dit qu’elle constitue son invalidité ou son déficit physiologique.

La loi de 2005 s’intéresse ainsi à un grand nombre de sujets autres que l’accessibilité physique : accueil des personnes handicapées, droit à compensation, ressources, scolarité, emploi, citoyenneté et participation à la vie sociale. La loi définit le handicap et rappelle les droits fondamentaux des personnes handicapées : « constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d'une altération substantielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant ».

Elle repose sur trois piliers :

  • L'accessibilité généralisée pour tous les domaines de la vie sociale (cadre bâti, transports, éducation, emploi) ;
  • Le droit à compensation des conséquences du handicap ;
  • La participation et la proximité, mises en œuvre par la création des Maisons Départementales des Personnes Handicapées (MDPH).

Nous nous intéresserons ici à la notion de « chaîne du déplacement » (article 45), pierre angulaire de la traduction des objectifs de la loi dans l’aménagement de l’espace urbain. Sa réalisation oblige les acteurs publics à mettre en cohérence leurs actions dans le domaine de l’urbanisme, des transports publics et de la voirie.

1.2. Notion d’accessibilité et de « chaîne du déplacement »

La notion d’accessibilité concerne les établissements recevant du public, les installations ouvertes au public, les transports publics, la voirie et les espaces publics qui doivent être accessibles aux personnes handicapées, quel que soit leur handicap. Est considéré comme accessible aux personnes handicapées tout bâtiment, matériel de transport public (train, métro, tram, bus, car, etc.) ou espace public (voirie, place, square, etc.) permettant, dans des conditions normales de fonctionnement, à des personnes handicapées, avec la plus grande autonomie possible, de circuler, d’accéder aux locaux, équipements et services, de se repérer, de communiquer et de bénéficier des prestations en vue desquelles cet établissement, cette installation ou cet espace a été conçu. Les conditions d’accès des personnes handicapées doivent être les mêmes que celles des personnes valides ou, à défaut, présenter une qualité d’usage équivalente. Cela se traduit essentiellement par des normes (largeur de cheminement, de passage, % de pente, etc.) prioritairement à destination des « PMR » (Personnes à Mobilités Réduites) dont font partie les « UFR » (Usagers de Fauteuils Roulants). Des dispositifs spécifiques à destination des déficients visuels sont également mis en œuvre dans les bâtiments, matériels de transport et l’espace public.

Illustration de la chaîne du déplacement 

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Par contre, les handicaps psychiques ou cognitifs sont plus difficiles à prendre en compte dans l’aménagement urbain et ne font pas l’objet d’un cadre normatif précis. Pour ce public aux besoins spécifiques, l’enjeu est de s’inscrire dans l’esprit de la loi et d’œuvrer pour rendre le cadre bâti et l’espace public urbain les plus accessibles possibles afin de lutter contre les facteurs d’exclusion sociale qui résulterait de l’absence d’une prise en compte de ces handicaps.

2. Le cadre des lois de 005 et 2014 et leurs principaux outils

2.1. L’ambition initiale de 2005 confrontée au principe de réalité et réévaluée en 2014

Dans son texte initial, la loi du 11 février 2005 a fixé un délai de dix ans à compter de sa date de publication avant le 11 février 2015 pour rendre accessible le cadre bâti et les services de transport collectif aux personnes handicapées et à mobilité réduite.

Le décret n°2006-555 du 17 mai 2006 relatif à l’accessibilité des établissements recevant du public, des installations ouvertes au public et des bâtiments d’habitation et modifiant le code de la construction et de l’habitation a défini de nouvelles normes à destination des maîtres d’ouvrage pour les constructions neuves et une obligation de mise en conformité pour le bâti existant. Face à l’impossibilité d’atteindre l’objectif initial, notamment en raison des investissements à réaliser pour les collectivités locales sur leur patrimoine bâti sur une période aussi courte (10 ans), la loi du 10 juillet 2014 a habilité le gouvernement à recourir à une ordonnance pour redéfinir les modalités de mise en œuvre du volet accessibilité de la loi de 2005.

2.2. Application au cadre bâti

La mesure-phare a été l’Agenda d’Accessibilité Programmée (Ad’AP) qui devient obligatoire pour tous les propriétaires ou exploitants d’Etablissements Recevant du Public (ERP) qui n’auront pas respecté leurs obligations d’accessibilité au 1er janvier 2015.

L’Ad’AP est le seul moyen pour être en accord avec la loi pour ceux qui n’ont pas satisfait à ses obligations. L’article L.152-4 du code de la construction et de l’habitation qui punit la non accessibilité au 1er janvier 2015 d’une amende pénale de 45 000 euros. Des sanctions financières proportionnées seront appliquées en cas de non-respect de l’Ad’AP. Le produit des sanctions sera réinvesti au profit de l’accessibilité universelle.

Les propriétaires ou exploitants de plusieurs établissements pourront construire au choix un Ad’AP par ERP, un Ad’AP incluant tout leur patrimoine non accessible, un Ad’AP thématique ou géographique (les écoles, les supermarchés de centre-ville…).

La durée d’un Ad’AP sera de 3 ans pour les ERP isolés de 5e catégorie et ira jusqu’à 6 ans pour les ERP du premier groupe (1ere à 4catégories) et pour les ERP dits « de patrimoine » incluant un ERP du premier groupe. Les Ad’AP dits « de patrimoine » et constitués de plusieurs ERP de 5e catégorie pourront, eux, disposer de 9 ans pour se mettre en conformité.

2.3. Application aux services de transport public

L’ordonnance du 26 septembre 2014 complète la loi de 2005 en instaurant les Agendas d’Accessibilité Programmée (Ad’AP), qui permettent de poursuivre au-delà de 2015 la dynamique d’accessibilité dans les transports.

L’Ad’AP est lié à l’approbation d’un Schéma Directeur d’Accessibilité (SDA) qui fixe la programmation de la mise en accessibilité des services de transport et définit les modalités de l’accessibilité des différents types de transport. Ses objectifs sont :

  • D’accorder du temps en échange d’un engagement sur chacune des années et des périodes pour atteindre l’objectif final de mise en accessibilité ;
  • De construire un dispositif dans le cadre de l’acceptabilité des différentes parties présentes à la concertation et le respect de la loi de 2005.

Le SDA-Ad’AP a pour fonction de :

  • Préciser la programmation de la mise en accessibilité du service de transport d’ici le 11 février 2015 ;
  • Définir les modalités de l’accessibilité des différents types de transport ;
  • Identifier les cas d’impossibilités techniques de mise en accessibilité du service existant ;
  • Préciser le "transport de substitution" qui sera mis à disposition pour pallier ces impossibilités de mise en accessibilité ;
  • Déterminer les modalités de maintenance pouvant assurer la pérennité des équipements d’accessibilité.

Le SDA-Ad’AP est élaboré par l'autorité responsable (autorité organisatrice des transports urbains, AOTU) dans le cadre d'une concertation organisée avec l'ensemble des acteurs concernés et les associations représentatives de personnes handicapées et à mobilité réduite, aux différentes phases de la démarche qui demeure volontaire, comme cela est clairement stipulé dans l’ordonnance. Il s’agit d’un dispositif dérogatoire à l’application de la loi du 11 février 2005 qui permet aux AOT de bénéficier, en toute légalité, d’un délai supplémentaire et de certains aménagements pour atteindre leurs objectifs en matière d’accessibilité du service de transport public dont elles ont la responsabilité. L'échéance de mise en accessibilité des transports publics est ainsi repoussée de trois ans dans l'urbain, six dans l'interurbain et neuf dans les réseaux ferrés. Enfin, les EPCI dotés d’un PDU doivent annexer à ce dernier une annexe « accessibilité ».

2.4. Application à la voirie et l’espace public

L’outil issu de la loi de 2005 reste le Plan d’Accessibilité de la Voirie et des Espaces publics (PAVE) qui doit être arrêté par le/la maire ou le/la président(e) de l’Etablissement Public de Coopération Intercommunale (EPCI). La loi de 2014 a néanmoins introduit deux dérogations : les communes de moins de 500 habitants bénéficient d’une dispense de PAVE et les communes de 500 à 1 000 habitants d’une limitation du PAVE aux voies les plus fréquentées.

Le PAVE fixe les dispositions susceptibles de rendre accessible aux personnes handicapées et à mobilité réduite l’ensemble des circulations piétonnes et des aires de stationnement situées sur le territoire de la commune ou de l’EPCI. Ce plan de mise en accessibilité fait partie intégrante du Plan de Déplacements Urbains (PDU) quand il existe.

2.5. Le rôle de la commission communale (ou intercommunale) pour l’accessibilité

La création, dans toutes les communes de plus de 5 000 habitants, d’une commission communale pour l’accessibilité (CCA) est rendue obligatoire. La commission peut être intercommunale si l’EPCI est compétent en matière de transports ou d’aménagement. Elle est un outil de concertation pour la mise en place d’une politique globale d’accessibilité à l’échelle d’une commune.

Cette commission est présidée par le/la Maire ou le/la Président(e) de l’EPCI et elle est composée des représentants de la commune, d’associations ou organismes représentant les personnes handicapées pour tous les types de handicap (notamment physique, sensoriel, cognitif, mental ou psychique), d’associations ou organismes représentant les personnes âgées, de représentants des acteurs économiques ainsi que de représentants d’autres usagers de la ville.

Elle exerce plusieurs missions :

  • Dresse le constat de l’état d’accessibilité du cadre bâti existant, de la voirie, des espaces publics et des transports ;
  • Etablit un rapport annuel présenté en conseil municipal ;
  • Fait toutes les propositions utiles de nature à améliorer la mise en accessibilité de l’existant ;
  • Organise un système de recensement de l’offre de logements accessibles aux personnes handicapées ;
  • Tient à jour, par voie électronique, la liste des établissements recevant du public situés sur le territoire communal qui ont élaboré un Ad’AP et la liste des établissements accessibles aux personnes handicapées.

Elle a un rôle consultatif et dresse un rapport annuel qui peut comporter des propositions de programmes d’actions, une évaluation et un suivi des réalisations, un bilan des résultats obtenus. Ce rapport est également adressé au comité départemental des retraités et des personnes âgées.

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