Par Ibrahim El Marzouki
Dernière mise à jour : décembre 2018

1. Le cadre d'emplois

Le cadre d’emplois des ingénieurs territoriaux a été réformé le 1er mars 2016. Désormais il comprend trois grades : ingénieur, ingénieur principal et ingénieur hors classe.

Les ingénieurs territoriaux assurent des missions de conception et d’encadrement. Ils peuvent être chargés de missions d’expertise, d’études ou de conduite de projets. Ils sont chargés, suivant le cas, de la gestion d’un service technique, d’une partie du service ou d’une section à laquelle sont confiées les attributions relevant de plusieurs services techniques.

Plus précisément, les ingénieurs exercent leurs fonctions dans tous les domaines scientifiques et techniques entrant dans les compétences d’une collectivité ou d’un établissement public territorial. Ils interviennent notamment dans les domaines.

  • de l’ingénierie,
  • de la gestion technique et de l’architecture,
  • des infrastructures et des réseaux,
  • de la prévention et de la gestion des risques,
  • de l’urbanisme, de l’aménagement et des paysages,
  • de l’informatique et des systèmes d’information.

Fin 2014, d'après une étude publiée par le CNFPT, les ingénieurs sont plus de 30 000.

Ils occupent aussi bien des postes très techniques que des postes de managers et/ou de direction, comme directeur général des services d'une collectivité. 

On compte une centaine de métiers d'ingénieur territorial, dont 46 concentrent les deux tiers des effectifs. Selon le CNFPT, les 5 métiers les plus importants par le nombre d'agents les exerçant sont, dans l'ordre : 

Ils exercent leurs missions dans les collectivités locales (commune, département, région), les EPCI, mais aussi dans des laboratoires, des établissements publics, etc.

2. L'ingénieur expert

L’ingénieur territorial est le plus souvent issu d'une formation spécialisée (génie civil, paysagiste, etc.) à dominante technique et/ou scientifique.

Avec l'avènement de la décentralisation, les collectivités ont dû exercer des compétences nouvelles et les besoins en recrutements ont été plus importants.

Les années 90 et suivantes sont donc marquées par l'arrivée d’ingénieurs territoriaux issus de formation universitaire sans avoir le titre d'ingénieur. Ils sont considérés comme des généralistes mais qui ont la capacité de comprendre les enjeux au sein d'une collectivité et de répondre aux attentes des élus.

A compter de 2005, les filières universitaires se sont vu refuser l'accès au concours externe d'ingénieur dont le plus bel exemple est les titulaires d'un master d'urbanisme (ou ex DESS).

Ce changement montre la volonté de réaffirmer le caractère technique du cadre d'emploi.

Désormais, pour faire simple, seul les titulaires d'un titre d'ingénieur et les architectes peuvent s'inscrire au concours externe.

Les autres doivent passer devant une commission REP (reconnaissance de l'expérience professionnelle) pour démontrer qu'ils ont acquis au regard de leur parcours professionnel des compétences scientifiques et techniques.

En tout état de cause, l'ingénieur territorial a un rôle d'expert auprès de sa hiérarchie et des élus. Il a un rôle d'aide à la décision dans un ou plusieurs domaines à dominante technique.

Quelques exemples :

  • projet de construction / réhabilitation d'un équipement (scolaire, sportif, culturel, etc.),
  • projet de création / requalification d'une voie,
  • entretien / création d'un réseau d'assainissement,
  • entretien / création d'un espace vert,
  • conduite d'un projet urbain,
  • conduite d'un projet informatique,
  • etc.

Il participe directement et étroitement aux instances qui vont permettre une aide aux arbitrages politiques.

Il n'est pas simplement le garant de la mise en œuvre d'une politique publique locale, il doit aussi être force de propositions.

3. L'ingénieur manager

L'ingénieur territorial est appelé, le plus souvent, à occuper des fonctions d'encadrant. Bien entendu, la multitude des fonctions exercées par les ingénieurs territoriaux au sein des collectivités locales peut amener celui-ci à ne pas occuper des fonctions de manager. Son rôle sera alors plus celui d'un expert.

Toutefois il est admis qu'en tant que cadre de la catégorie A, celui-ci a vocation à être encadrant. Son rôle sera alors non seulement d'avoir des savoir-faire mais aussi des savoir-être. Ces savoir-être reposeront sur des qualités humaines indispensables pour mener à bien les missions qui lui sont confiées. Exemplarité et efficacité doivent être au cœur de son action auprès de son équipe.

La taille des équipes encadrées peut être très variable selon la taille de la collectivité. Il est bien connu qu'un individu ne peut pas encadrer plus de 8/10 personnes en encadrement direct.

En tant que manager, il veillera à la bonne répartition des missions confiées aux collaborateurs selon les compétences de chacun, les moyens alloués et les priorités. Il devra manier l'art de manager : management participatif, délégatif, persuasif, directif.

Il doit s'assurer que les objectifs collectifs et individuels sont partagés, fixés, et dans la mesure du possible, atteints. Pour cela, il doit disposer d'un certain nombre d'outils tels que les tableaux de bords, des fiches de suivi, fiches de poste, entretien individuel, charte, formation, réunions périodiques etc. Ces outils doivent lui permettre notamment d'organiser, d'anticiper et de décider. Ils participent pleinement à l'amélioration du travail en équipe, à son organisation et à sa qualité.

La communication devra jouer un rôle essentiel. Elle doit être claire, cohérente, qu'elle soit écrite, orale ou électronique. Le manager n'est pas, n'est plus, celui qui donne un ordre. Il doit s'adapter au contexte très instable à plusieurs niveaux : organisationnel, politique, réglementaire etc.

Le socle commun des managers territoriaux est celui de mener à bien des politiques publiques locales dans un souci permanent d'améliorer le service rendu au public, aux habitants.

Enfin, il doit veiller à garantir la santé et la sécurité de son équipe avec le respect strict des règles en la matière et en travaillant en étroite collaboration avec les acteurs du secteur (CHSCT, conseiller de prévention, ACFI, médecin du travail, etc.).

L'enjeu de la santé des agents prend une place de plus en plus importante au sein des collectivités locales. Nombre d'entre elles mènent une politique de projet managérial pour prévenir le mal-être au travail.

4. L'ingénieur gestionnaire

En tant que technicien (au sens de la technique), l'ingénieur territorial doit définir les besoins de son service (ou direction) pour atteindre les objectifs fixés par les élus.

La préparation budgétaire est un moment clé pour définir le recensement des besoins : études nécessaires, moyens techniques, moyens humains, matériel, chiffrage des travaux sont autant d'exemples qui montrent qu'il doit avoir une vision globale des besoins nécessaires.

Non seulement cette préparation budgétaire doit s'inscrire dans le calendrier annuel traditionnel, mais aussi de plus en plus dans la durée d'un mandat électoral (construction des plans pluriannuels).

Pour répondre aux besoins, la collectivité locale dispose de plusieurs moyens : régie, marchés publics, délégation (concession), contrat de partenariat.

Le rôle de l’ingénieur est de proposer l'outil le plus efficace. Il doit veiller à ce que le moyen utilisé permette d'atteindre l'objectif visé dans un calendrier et un budget optimisés tout en garantissant la sécurité juridique de la collectivité et des élus.

Au sein d'une direction des services techniques (patrimoine bâti, voirie, espaces verts, assainissement, espace public, cadre de vie, etc.), les questions dites de « quotidienneté » occupent une place majeure. L’ingénieur à la tête d'un ou de plusieurs de ces services doit s'assurer que ces missions de quotidienneté sont menées avec le maximum d'efficience.

Le meilleur exemple est sans doute celui de la propreté urbaine auquel les élus accordent une importance primordiale. En effet, cette mission est visible, mesurable ; elle s'inscrit dans une temporalité spécifique (jour / nuit, semaine, week-end, été / hiver, etc.). Elle est le miroir de l'action publique locale auprès des habitants.

On peut distinguer les métiers où les ingénieurs occupent en très grande partie des missions qui relèvent de la quotidienneté et ceux dont le travail est surtout axé sur la conduite de projet.

Certains ingénieurs sont amenés à avoir les deux casquettes, gérant à la fois la quotidienneté et des projets, c'est le cas des directeurs des services techniques par exemple.

5. L'ingénieur au service du projet

La conduite de projet, plus ou moins complexe, est une partie intégrante des missions de l'ingénieur. On la retrouve dans toutes les spécialités de manière plus ou moins exacerbée.

Les fondamentaux de la conduite de projet doivent donc être connus et maîtrisés. Il convient juste de souligner quelques étapes clés et quelques concepts utiles. Cette fiche n'a pas pour objectif d'être exhaustive sur la conduite de projet.

1. Phase avant-projet

  • Définition des besoins, étude d'opportunité, étude de faisabilité, benchmarking
  • Bien comprendre et analyser la commande politique, définir les enjeux (financiers, techniques, humains, organisationnels, sociaux, etc.).

2. Phase de diagnostic

  • Phase primordiale et incontournable. Elle permet de bien limiter le périmètre du projet et d'avoir un diagnostic partagé avec l'ensemble des acteurs. Ce diagnostic aura vocation à identifier les atouts et les contraintes de l'existant.
  • Il est souvent initié par les services et finalisé par un bureau d’études. Il permet de poser les premiers jalons de la méthode de travail et d’avoir quelques éléments de chiffrage.

3. Equipe projet

  • L'objectif est de bien cerner « qui fait quoi » en mettant en place une conduite de projet adaptée. Sa structure est souvent identique mais s'adapte au projet. Par ailleurs, l'organisation de l'équipe projet évolue en fonction de l'avancée de celui-ci, elle n'est pas figée ni dans sa composition, ni dans sa fréquence.
  • Maîtrise d'ouvrage / maîtrise d’œuvre : bien définir les missions et la procédure envisagée (régie, AMO, délégation de maitrise d'ouvrage)
  • Comité de pilotage : composé d'élus et direction générale mais aussi des techniciens, rôle décisionnel, il fixe les orientations et rend les arbitrages.
  • Comité technique : composé des techniciens (internes à la collectivité et externes), maîtrise d'œuvre, bureaux d'études techniques. Il a pour mission de traduire les volontés du comité de pilotage, de les étudier, de les analyser et d'en faire la critique. Il doit aussi être force de propositions et alimenter les réunions du comité de pilotage.
  • Groupes de travail : ils ont plus une approche plus thématique (exemples : groupes utilisateurs, groupe gestionnaire, etc.)
  • Chef de projet : il anime et coordonne l'ensemble. Il assure l'interface entre tous les acteurs et les différentes instances.

4. Outils

  • Programmiste pour la spécialité bâtiment
  • Planification / diagramme de Gantt / gestion du risque
  • Reporting / fiches projet
  • Outils de communication (réunions, conseils de quartiers, etc.) / place accordée aux habitants (concertation / co-production)

5. Phase projet au sens loi MOP

  • Avant-projet sommaire (APS)
  • Phase de concertation obligatoire – enquête publique
  • Avant-projet détaille (APD)
  • Etudes de projet (PRO)
  • Dossier de consultation des entreprises (DCE)

6. Réalisation du projet

  • Phase visible du projet.
  • Désignation des entreprises pour les travaux / prestations intellectuelles
  • Désignation des coordinations SPS le cas échéant
  • Phase réception et mise en service

7. Bilan, évaluation et ajustement

  • Ne pas attendre la fin projet
  • Bilan régulier
  • Evaluation des objectifs fixés au départ

6. L'ingénieur au service du public

La crise de la légitimité de l’action publique, l’augmentation de l’abstention aux élections ont notamment conduit les élus à mieux associer les habitants aux actions menées.

La participation des habitants, la démocratie locale, sont des champs largement investis par les collectivités locales dans les domaines de la politique de la ville, la conception des espaces publics, la quotidienneté, etc.

La volonté des habitants est d’être mieux associés dans les décisions concernant leur quartier, leur ville. La défense des intérêts particuliers prime souvent. Toutefois, les habitants sont amenés parfois à se constituer en association pour défendre des intérêts partagés et plus d’intérêt général.

L’ingénieur territorial ne peut plus ignorer cette dimension dans son activité. Au-delà de sa dimension politique, la participation des habitants permet de fédérer autour des projets, d’identifier des points de blocage, de les anticiper et de s’appuyer sur l’expertise de l’usage.

Les outils traditionnels de la participation des habitants sont la réunion publique, le conseil de quartier. Certaines collectivités s’appuient sur des outils plus aboutis tels que des ateliers, des diagnostics en marchant qui permettent un partage des informations et une volonté de co-production entre techniciens et habitants.

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