Par Frédérique Thomas

Dernière mise à jour : juillet 2018

1. Propos liminaires

L'apprentissage est définit comme « un changement adaptatif observé dans le comportement de l'organisme. Il résulte de l'interaction de celui-ci avec le milieu. Il est indissociable de la maturation physiologique et de l'éducation »1. La littérature sur l'apprentissage offre de nombreux théories et modèles d'apprentissage.

A l'intérieur de chaque théorie ou modèle, se distingue l'importance accordée au sujet et aux situations lors du changement de comportement et la construction de ce nouveau comportement.

Seront évoqués ici de manière inévitablement réductrice quelques grandes théories de l’apprentissage et ceci sans prétendre à l’exhaustivité.

2. Le behaviorisme

Le béhaviorisme est la première grande théorie de l'apprentissage qui a fortement marqué les domaines de l'enseignement, de l'éducation et de la formation. Ce courant théorique exerce encore une forte influence dans les pays anglo-saxons. Le terme « béhaviorisme » a été créé à partir du mot anglais « behavior » qui signifie « comportement ». Le béhaviorisme définit l'apprentissage comme une modification durable du comportement résultant de la conséquence d'un entraînement particulier.

F. Skinner développa le concept de « conditionnement opérant » (initié au départ par Edward Thorndike, 1913), qu'il distingue du conditionnement pavlovien ou classique (Pavlov, 1901). Sa thèse est que « le comportement peut être structuré par l'utilisation appropriée des conditionnements appropriés ». Skinner rejette toute explication mentale ou cognitive. Il accorde de l'importance à deux éléments : le stimulus et la réponse en décrivant le lien qui les unit. Il s'intéresse de façon particulière au « réflexe » qui est une « corrélation observée entre le stimulus et la réponse ».
Skinner définit l'apprentissage comme une modification du comportement provoquée par les stimuli venant de l'environnement. Il affirme que l'apprentissage peut être obtenu par l'utilisation de récompenses appelées « renforcements positifs » (ex. : des bonnes notes chez les élèves) et de punitions appelées « renforcements négatifs » (ex.: des mauvaises notes chez l'élève.)
C'est dans ce sens que l'individu adopte un comportement lui permettant d'éviter les renforcements négatifs et d'augmenter la chance d'obtenir les renforcements positifs. Cette procédure est appelée « conditionnement opérant ». Skinner (1971) a critiqué sérieusement l'enseignement traditionnel fondé essentiellement sur des renforcements négatifs et a proposé de remplacer ceux-ci par des renforcements positifs. Ce modèle se base sur les principes suivants :

  • la matière à enseigner est découpée en une série d'éléments courts pour permettre un renforcement le plus rapide possible,
  • le contenu part du niveau le plus simple et le niveau de difficulté augmente de manière graduelle afin de favoriser un apprentissage sans erreur,
  • le contenu est présenté sous forme d'une séquence linéaire mais chacun peut la faire à son propre rythme, ce qui va dans le sens d'une individualisation de l'enseignement,
  • les renforcements positifs (à travers des encouragements, etc.) sont favorisés et doivent être donnés le plus rapidement possible.

La force du béhaviorisme était de proposer une théorie complète de l'apprentissage : « apprendre c'est devenir capable de donner la réponse adéquate, c'est encore construire un comportement adapté à un environnement ».

3. Le constructivisme

Le représentant le plus célèbre de ce courant est Jean Piaget (psychologue et pédagogue). Il a développé les théories dites constructivistes à partir de 1925. Ses travaux portent essentiellement sur la construction des connaissances au cours du développement biologique de l'homme. Ses théories transposent les modèles du développement biologique à la construction de la connaissance. Pour lui, apprendre c'est construire des connaissances au cours de son développement. Cette construction suppose que chaque sujet acquiert des outils conceptuels (mentaux) qui lui permettent de comprendre le monde dans lequel il est et de se l’approprier. C'est parce que l'homme est actif qu'il acquiert des connaissances : elles se construisent par ceux qui apprennent.

Nécessairement, l'acquisition des connaissances suppose l'activité des apprenants (manipulation d'idées et de conceptions). Cette activité bouscule et contrarie les manières de faire et de comprendre de l'apprenant. L'individu devient protagoniste actif du processus de connaissance. Pour Jean Piaget, celui qui apprend n'est pas simplement en relation avec les connaissances qu'il apprend. Il organise son monde au fur et à mesure qu'il apprend en s'adaptant. Cet auteur insiste sur la nature adaptative de l'intelligence et sa fonction organisatrice et structurante. Cela implique deux processus d'interaction de l'individu et son milieu: l'assimilation et l'accommodation. Il ne suffit pas de voir, de percevoir (théorie empiriste), mais il faut agir et expérimenter.

Le modèle constructiviste considère « l'apprendre » comme le résultat d'une construction des savoirs. Ces étapes sont définies par des paramètres biologiques qui définissent un développement naturel de l'enfant.

4. Le socioconstructivisme

Cette approche est basée sur le modèle social de l'apprentissage2, développé essentiellement par les psychologues sociaux et les psychologues du développement social.

L'approche socioconstructivisme appelée aussi sociocognitive, introduit des interactions, des échanges, du travail de verbalisation, de construction et de co-élaboration.

Dans cette théorie développée principalement par Vygotsky (1985), l'apprentissage est considéré comme le résultat des activités sociocognitives liées aux échanges didactiques entre enseignant/élèves et élèves/élèves. Le concept d'une construction sociale de l'intelligence est la continuité d'une auto-socioconstruction des connaissances par ceux qui apprennent.

Les conditions de mise en activité des apprenants sont indispensables dans le cadre des modèles socioconstructivistes. L’apprentissage n'est plus, seulement, ce que l'enseignant transmet et les formes de mise en activité des élèves, mais l'apprentissage est aussi la mise en interactivité entre élèves, entre enseignant et élèves. C'est à partir de cela que le savoir se construit.

  • Vygotsky

Vygotsky (1985) met en avant le rôle de la culture dans l'apprentissageSon hypothèse centrale est « le fonctionnement fondamentalement social de l'être humain ». Dans son approche historico-culturelle, il affirme que l'homme est un acteur culturel et social et qu’il se développe grâce au processus social et historiquePour cet auteur, « la vraie direction du développement ne va pas de l'individuel au social, mais du social à l'individuel ». C'est l'apprentissage qui « tire » le développement. Vygotsky affirme que « les recherches montrent incontestablement (...) que ce que l'enfant sait faire aujourd'hui en collaboration, il saura le faire tout seul demain » et parle alors de « zone proche de développement » (ZPD) pour décrire les fonctions en maturation chez l'enfant.

Vygotsky définit la zone proche de développement comme la distance entre deux niveaux :

  • celui du développement actuel, mesuré par la capacité qu'a un enfant de résoudre seul des problèmes, et
  • le niveau de développement mesuré par la capacité qu'a l'enfant de résoudre des problèmes lorsqu'il est aidé par quelqu'un. Apprendre revient alors à former une zone proche de développement.

Le devoir de l'école est de proposer aux enfants des tâches à un niveau supérieur de ce qu'ils savent faire. L'enfant peut imiter de nombreuses actions qui dépassent de loin les limites de ses capacités. Grâce à l'imitation, dans une activité collective, sous la direction d'adultes, l'enfant est en mesure de réaliser beaucoup plus que ce qu'il réussit à faire de façon autonome. La théorie de Vygotsky met l'accent sur la coopération sociale parce qu'elle permet à l'enfant de développer plusieurs fonctions intellectuelles : l'attention volontaire, la mémoire logique, l'abstraction, l'habileté à comparer et différencier.

En résumé, l'apprentissage ne coïncide pas avec le développement, mais active le développement mental de l'enfant, en réveillant les processus évolutifs qui ne pourraient être actualisés sans lui, grâce à la médiation socioculturelle. La zone proche de développement a une caractéristique spéciale : elle est sociale et culturelle. Par exemple, le sujet qui apprend à utiliser l'ordinateur, l'utilisera comme le professeur d'informatique lui a montré et comme les autres apprenants l'utilisent. Le comportement est déterminé par le contexte de l'apprentissage. En apprenant, le sujet imite aussi les autres. Ce qui constitue un processus d'apprentissage social et culturel.

5. Les théories interactionnistes

Les théories interactionnistes accordent la prédominance à l'interaction entre facteurs internes et externes. Un de ses représentants est le psychologue américain Robert Gagné. Il définit l'apprentissage comme un processus qui résulte d'une interaction entre l'individu et son environnement.

Pour qu'il y ait apprentissage, le changement dans la performance est très important à observer. Selon la théorie de Gagné, « l'apprentissage est influencé par des événements internes (motivation) et externes (rétroaction donnée par une personne externe, l'enseignant) ». Autrement, l'apprentissage nécessite les deux types de motivation : extrinsèque et intrinsèque.

Pour procéder à un apprentissage efficace, Gagné utilise des hiérarchies qui consistent à décrire les habiletés et leurs relations dans la réalisation d'une tâche plus globale. Pour obtenir un apprentissage signifiant, il faut un ensemble des préalables. C’est ainsi qu'apprendre résulte d'une séquence d'événements où interviennent les récepteurs et le registre sensoriel, la mémoire à court terme et à moyen terme et les générateurs de réponses. Il affirme que les événements externes tels que :

  • l'activation de la motivation de l'élève,
  • l’information des objectifs d'apprentissages,
  • l’activation de l'attention,
  • la stimulation et le rappel des connaissances antérieures,
  • le guidage de l'apprenant.

favorisent de manière très précise l'apprentissage.

  • Nota bene

Les processus mis en jeu dans l'apprentissage demeurent complexes, mystérieux et suscitent le débat entre chercheurs. En confrontant des points de vue divergents, un accès s’ouvre aux théories de l'apprentissage et contribue à la compréhension des pratiques éducatives en matière d’activités physiques et sportives.

  • Pour aller plus loin

« L’apprentissage »

Nathalie Gal-Petitfaux, Jacques Fiard, Michel Récopé, Luc Ria, Carole Sève, coordonné par Michel Récopé Collection : Pour l’action.

  1. ^ Dictionnaire de Psychologie, 1999.
  2. ^ Bandura, 1986.
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