Par Denis Fraysse
Dernière mise à jour : octobre 2019

La radioactivité est un phénomène naturel de transformation d'un atome - précisément de noyaux d’atomes instables - avec émission de rayonnements. Les éléments composés d'atomes ayant des noyaux instables sont des éléments radioactifs ou appelés radioéléments.

La radioactivité naturelle provient des radioéléments produits dans les étoiles il y a des milliards d'années et se retrouve toujours dans l’atmosphère (carbone 14, radon 222), dans la croûte terrestre (uranium 238 et uranium 235, radium 226...) et dans notre alimentation (potassium 40).

La production artificielle de radioéléments se fait au moyen d’un cyclotron ou d’un réacteur nucléaire et permet de nombreuses applications. Par exemple, grâce aux rayonnements radioactifs, il est possible de suivre à la trace le déplacement d'une espèce chimique dans le corps humain ou de dater des vestiges de la préhistoire. Certains radioéléments sont inutilisés par l’homme, ce sont ce que l’on appelle les déchets nucléaires (strontium 90, césium 137...). Selon les atomes, la radioactivité dure quelques secondes, plusieurs jours ou des milliards d’années.

1. Définitions

Les rayonnements

Tous les rayonnements émis par les atomes radioactifs transportent de l’énergie. Lorsqu’ils rencontrent de la matière - organisme ou objet -, ils cèdent une partie ou la totalité de leur énergie à la matière rencontrée. Le transfert d’énergie à la matière est variable selon les types de rayonnement. Certains rayonnements (alpha, bêta, gamma et X) sont dits « ionisants » parce qu’ils transportent assez d’énergie pour provoquer un changement de la charge électrique des atomes qu’ils traversent (phénomène d’ionisation).

La sureté nucléaire est l'ensemble des dispositions techniques et des mesures d'organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l'arrêt et au démantèlement des installations ainsi qu'au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d'en limiter les effets.

La radioprotection désigne l'ensemble des mesures prises (règles, procédures) pour assurer la protection de l'Homme et de son environnement contre les effets néfastes que peut générer une exposition à des rayonnements ionisants.

La sécurité nucléaire comprend la sûreté nucléaire, la radioprotection, la prévention et la lutte contre les actes de malveillance ainsi que les actions de sécurité civile en cas d'accident.

La nature et l’intensité du risque nucléaire dépendent fortement de la nature et des quantités de matière mises en œuvre ainsi que de leur activité radiologique.

Le risque nucléaire provient par ordre d’importance :

  • des réacteurs/centrales nucléaires de production électrique, au nombre de 58 répartis sur 19 sites
  • des usines ou installations destinées à fournir le combustible de ces centrales, à le retraiter et à conditionner et entreposer les déchets des installations dites du « cycle du combustible »
  • des installations de recherche du domaine nucléaire
  • les centres de stockage de déchets radioactifs
  • les transports de matières radioactives
  • l’utilisation de radioéléments dans certaines applications industrielles - gammagraphes pour le contrôle des soudures par exemple
  • certaines installations ou substances radioactives à usage médical - appareils ou substances radioactives utilisées pour la radiothérapie ou le radiodiagnostic en particulier

Une échelle internationale a été établie pour caractériser la gravité des incidents et accidents nucléaires : il s’agit de l’échelle INES - de l’anglais « International Nuclear Event Scale ». Les événements de niveaux 1 à 3, sans conséquence significative sur les populations et l’environnement, sont qualifiés d’incidents ; ceux des niveaux supérieurs 4 à 7 d’accidents.

Le septième niveau correspond à un accident dont la gravité est comparable à la catastrophe de la centrale nucléaire de Tchernobyl.

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2. Effets des rayonnements et moyen de prévention

2.1. Effet des rayonnements

Irradiation

On parle d’irradiation pour une exposition externe aux rayonnements ionisants, c’est-à-dire lorsqu’une personne se trouve exposée de l’extérieur par les rayonnements ionisants émis par une source radioactive située dans son voisinage. Dans ce cas, l’exposition cesse dès lors que la source de radioactivité est éloignée de la personne ou si un écran, blindage, est interposé entre la personne et la source.

Contamination

On parle de contamination pour une exposition interne aux particules radioactives, c’est à dire lorsqu’une source radioactive a pénétré à l’intérieur du corps humain. Ceci peut se produire par inhalation des particules radioactives présentes dans l’air, par ingestion d’aliments contaminés par des particules radioactives, ou via contact direct avec la peau ou une plaie : on parle dans ce cas de « contamination externe ». Lors d’une contamination, l’exposition aux particules radioactives se poursuit tant que la source est à l’intérieur ou au contact du corps.

L’énergie générée par les rayonnements ionisants peut entraîner des modifications de la matière vivante en induisant des lésions au niveau cellulaire.

Les effets des rayonnements ionisants sur l’organisme varient en fonction de la dose reçue et de différents facteurs : la source - activité ou intensité de fonctionnement, nature, énergie -, le mode d’exposition - temps, débit - et la cible - tissus ou organes touchés, âge de l’individu, état de santé.

Une forte irradiation par des rayonnements ionisants provoque des effets immédiats sur les organismes vivants comme, par exemple, des brûlures plus ou moins importantes. En fonction de la dose et selon l’organe touché, le délai d’apparition des symptômes varie de quelques heures - nausées, radiodermites - à plusieurs mois.

Les expositions à des doses plus ou moins élevées de rayonnements ionisants peuvent avoir des effets à long terme sous la forme de cancers, de leucémies et d’anomalies génétiques. La probabilité d’apparition de l’effet augmente avec la dose. Le délai d’apparition après l’exposition est de plusieurs années.

2.2. Moyens de prévention du risque nucléaire

La réduction du risque à la source : la conception

La sûreté des centrales nucléaires est fondée sur le principe de "défense en profondeur" : des niveaux multiples de protection, ou lignes de défense, présents dès le stade de la conception de l’installation, ramènent à un niveau extrêmement faible le risque qu'un accident puisse avoir des conséquences graves à l'extérieur de la centrale. Chaque dispositif de sécurité, considéré a priori comme vulnérable, doit être doublé par un autre dispositif indépendant. L'un des objectifs majeurs de la sûreté des installations nucléaires est donc de maîtriser, en toutes circonstances, le confinement de la radioactivité.

La surveillance

Sur la base du dossier de sûreté rédigé par l’exploitant, l’ASN délivre l’autorisation de création d’une installation et vérifie, lors d’inspections régulières, programmées ou inopinées, le respect des règles d’exploitation. Elle peut ordonner la fermeture de tout équipement dont la sûreté ne lui paraît pas garantie.

La surveillance constante de l'installation en cours de fonctionnement par l’exploitant se fait au moyen de systèmes automatiques et manuels déclenchant des dispositifs de sécurité en cas d'anomalie.

Le vieillissement des installations doit également être maîtrisé : la loi du 13 juin 2006 impose un réexamen de sûreté des installations nucléaires tous les dix ans.

Gestion des matières et déchets nucléaires

Les déchets nucléaires sont encadrés par le Plan National de Gestion des Matières et Déchets Radioactifs (PNGMDR) et leur transport par des normes internationales éditées par l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA). Les transports doivent être fiables et des procédures d’intervention sont prévues en cas d’accident. Les colis ont l’obligation d’être robustes et doivent résister à des tests de résistance, par exemple un feu de 800°C pendant 30 minutes. Notons qu’il est impossible de fabriquer une bombe nucléaire avec des déchets radioactifs.

Information et participation des populations

L’ASN, l’IRSN et les Commissions locales d’information s’assurent de la qualité de l’information sur les dangers du nucléaire et sur la radioprotection afin de garantir la transparence de l’exploitation de l’énergie nucléaire.

Depuis 1996, l’ASN réalise tous les 5 ans en moyenne une campagne nationale de distribution de comprimés d’iode (dernière campagne en février 2016) à l’attention des 427 000 foyers résidant dans un rayon de 10 km autour des 19 centrales.

Afin d’éviter les risques de contamination interne, les riverains des installations nucléaires doivent connaitre quelques réflexes simples tels que la mise à l’abri, l’ingestion de comprimés d’iode, l’évacuation sur instruction des pouvoirs publics.

3. Cadre réglementaire : principaux textes

  • Les codes de l’environnement et de la santé publique
  • La Loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages
  • La Loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire
  • La Directive 2013/59/Euratom du 5 décembre 2013 fixant les normes relatives à la protection sanitaire contre les dangers résultant de l’exposition aux rayonnements ionisants
  • Les Décrets n°2018-437 et 438 du 4 juin 2018 relatifs à la protection des travailleurs contre les risques dus aux rayonnements ionisants

4. Les acteurs et leurs rôles

4.1. L’Etat

L’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) assure au nom de l’État 3 types de missions :

  • Elle est chargée de contribuer à l'élaboration de la réglementation, en donnant son avis au Gouvernement sur les projets de décrets et d'arrêtés ministériels ou en prenant des décisions réglementaires à caractère technique
  • Elle organise et anime le contrôle et la surveillance des installations nucléaires de base (INB)
  • Elle est chargée de participer à l'information du public, y compris en cas de situation d'urgence

L’Autorité de Sûreté Nucléaire de Défense (ASND) et le délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les activités et installations intéressant la défense (DSND)

La principale mission de l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) est de contribuer à la maîtrise des risques nucléaires et de leurs conséquences sur l’homme et l’environnement. L’IRSN réalise des missions d'expertise et de recherche dans des domaines allant de la surveillance radiologique de l’environnement, la radioprotection de l’homme ou la prévention des accidents majeurs dans les installations nucléaires. Il est placé sous la tutelle conjointe des ministres chargés de l’écologie, de la recherche, de l’énergie, de la santé et de la défense.

Le Commissariat à l’Energie Atomique et aux énergies alternatives (CEA) est un établissement public de recherche à caractère scientifique et industriel intervenant dans le domaine nucléaire à l’origine puis progressivement dans celui des énergies dites « bas carbone » ainsi qu’aux travaux liés aux grands enjeux de ce secteur comme le stockage d’énergie. Il effectue également des travaux de recherche fondamentale et appliquée dans d’autres secteurs : la défense, les technologies de l’information, la santé et les sciences de la vie.

L'Agence Nationale pour la gestion des Déchets RAdioactifs (ANDRA) est une agence publique et scientifique placée sous la tutelle des ministres de l'énergie, de la recherche et de l'environnement et chargée de la gestion à long terme de l'ensemble des déchets radioactifs produits en France. L’ANDRA doit également trouver, mettre en œuvre et garantir des solutions de gestion sûres. Elle exploite 3 installations de stockage des déchets de surface, 2 dans l’Aube et 1 dans la Manche.

4.2. Les collectivités territoriales

Les CLI

Les 37 Commissions Locales d’Information (CLI), présidées par les Conseils Départementaux sont financées principalement par l’ASN et les collectivités territoriales.

Elles sont composées d’élus, de représentants des organisations syndicales et agricoles, de personnalités qualifiées, de représentants des associations et des médias. Ces CLI recueillent et diffusent auprès de la population toutes les informations concernant l’installation nucléaire - fonctionnement, incidents, impact des rejets de l’installation sur l’environnement. Les CLI questionnent l’exploitant - EDF, AREVA, ANDRA - l’ASN et l’IRSN organisent des débats, effectuent des contre-analyses, surveillent l’environnement, engagent des expertises, participent à des inspections. Les travaux des CLI sont largement diffusés auprès de la population et des partenaires institutionnels via des lettres d’information, des réunions publiques, des articles de presse et via leurs sites internet.

Les mairies

Elles tiennent à disposition des riverains de centrales nucléaires les brochures d’information qui sont éditées par la préfecture et l’exploitant. Elles informent clairement sur les signaux d’alerte et indiquent toutes les mesures à prendre en cas d’accident. On dénombre 500 communes situées dans un rayon de 10 km autour des 19 centrales nucléaires du pays.

Exemple de collectivité actrice du risque 

L’Alsace compte avec Fessenheim, Haut-Rhin, la plus ancienne centrale encore en service -démarrage en 1977.

Depuis 1979, le Conseil Général du Haut-Rhin a créé une commission locale de surveillance, qui a servi de modèle aux commissions locales d’information (CLI) de la loi de 2006, qui les a généralisées à tous les sites nucléaires de France. La commission haut-rhinoise est restée « de surveillance » et c’est donc la seule en France à être une CLIS et non une CLI.

La CLIS de Fessenheim est composée de 40 membres, parmi lesquels les maires des 5 communes situées dans un rayon de 10 km du site, des associations et des experts, ainsi que des représentants des collectivités allemandes voisines du site.

La présence des collectivités transfrontalières n’est pas prévue par la loi, mais le conseil départemental a estimé nécessaire d’inclure les voisins allemands dans la CLIS.

4.3. Les associations

La question des risques liés au nucléaire ne fait pas consensus et de nombreuses associations existent avec pour but d’apporter un éclairage différent du discours officiel de l’Etat et des exploitants des sites nucléaires. On peut citer, liste non exhaustive, : le Centre de Recherche et d’Information Indépendantes sur la Radioactivité (CRIIRAD), l’Association Nationale des CLI (ANCCLI), le réseau « sortir du nucléaire ».

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