Par Ibrahim El Marzouki
Dernière mise à jour : décembre 2018

Le réchauffement climatique, l’étalement urbain, les émissions de gaz à effets de serre (GES), les impacts sur la santé, les économies d’énergies, la préservation des milieux fragiles …sont autant d’enjeux et de préoccupations pour les habitants et la puissance publique qui ont amené ces dernières années à l’émergence de l’urbanisme durable ou encore de la ville durable. Les thèmes que recouvrent la ville durable sont larges : biodiversité, déchets, gestions de l’eau, déplacements, participation citoyenne…

La ville durable, avec l’avènement du développement durable, est cette ville qui participe activement à un projet environnemental, économique et social ; en somme reposant sur les trois piliers du développement durable. Il s’agit d’appliquer les piliers à ce système qu’est la ville.

Cette première approche permet de définir la ville durable tout en précisant que celle-ci est en réalité plus complexe, voir confuse. C’est un processus long, un projet et non un état à atteindre qui dépend des contextes locaux et qui reposent sur des initiatives, des exemplarités, etc.

La ville durable ne repose pas que sur des techniques d’aménagement mais pose aussi la question de sa gouvernance, d’une vision à long terme et de la place des habitants. Il y a donc dans cette notion une approche spatiale et temporelle.

Le Ministère de l’Ecologie, du Développement Durable, des Transports et du Logement précise de manière officielle : « La ville durable doit répondre à des objectifs globaux (climat, biodiversité, empreinte écologique) et locaux (resserrement urbain, qualité de vie, nouvelles formes de mobilité, mixité sociale...) ».

1. Historique, approche réglementaire

 

1.1. Les premiers fondements

On peut considérer que la charte d’Aalborg de 1994 constitue la première initiative de grande ampleur en matière de ville durable.

La Charte d’Aalborg est considérée par beaucoup comme un tournant par rapport aux principes énoncés dans la charte d’Athènes (1933). Elle précise : « Nous, villes européennes [...] comprenons qu’aujourd’hui notre mode de vie urbain, et en particulier nos structures [...] nous rendent essentiellement responsables des nombreux problèmes environnementaux auxquels l’humanité est confrontée ». Cette année-là, 80 villes affirment l’importance de la ville comme échelle d’action pertinente, prônent une densité et une mixité des fonctions urbaines et recommande un certain nombre d’orientations favorisant le développement durable des villes. Elle engage moralement les signataires à établir un Agenda 21 local…

1.2. Approche réglementaire

La loi du 12 Juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement précise que l’objectif de développement durable répond de façon concomitante et cohérente à cinq finalités :

1° La lutte contre le changement climatique ;
2° La préservation de la biodiversité, des milieux et des ressources ;
3° La cohésion sociale et la solidarité entre les territoires et les générations ;
4° L’épanouissement de tous les êtres humains ;
5° Une dynamique de développement suivant des modes de production et de consommation responsables.

Il est également stipulé que l’Agenda 21 est un projet territorial de développement durable.

2. Enjeux : santé environnement et socio-économiques

Si les villes ne représentent que 2 % de la surface du globe, elles ont un impact considérable sur l’environnement. En Europe, deux tiers des personnes vivent en ville et celles-ci émettent 80 % des émissions de gaz à effet de serre (source ADEME).

Les villes sont les moteurs de l’économie et jouent un rôle majeur dans la lutte contre le changement climatique « parce qu’elles sont à la fois à l’origine des problèmes et à l’origine des solutions ».

« Avec les milliards de citadins attendus en 2050 et un développement économique associé 4 fois plus important qu’aujourd’hui, une augmentation de 80 % de la demande mondiale en énergie est attendue d’ici 2050.

Cette hausse sera en majeure partie le fait des économies émergentes et sera couverte à 85 % par des énergies fossiles. Avec pour corollaire un accroissement de 50 % des émissions mondiales de GES et une aggravation de la pollution de l’air.

La surface urbaine augmente plus vite que la population urbaine. Cet étalement urbain consomme des terres agricoles et naturelles.

La superficie des forêts devrait se réduire de 13 % d’ici 2050. Avec pour conséquence un appauvrissement de la biodiversité, une accélération de la désertification et la perte de services écosystémiques. » (source OCDE).

La préservation de la santé et la qualité de l’environnement sont liées : un environnement de qualité contribue à préserver voire améliorer la santé.

Les pollutions extérieures / intérieures dans les bâtiments, la qualité des milieux (eau, air, sol), les pollutions sonores, les pollutions olfactives, etc. sont autant d’éléments qui ont un impact sur le bien-être et la santé.

Le défi pour demain est la réduction des impacts environnementaux de la ville et de ses fonctionnements. Les villes concentrent les deux principaux secteurs consommateurs de ressources (énergie, espace) et émetteurs de GES - les transports et les bâtiments.

Enfin, l’étalement urbain est considéré comme anxiogène. Il est perçu comme un modèle de développement de la ville qui présente une multitude d’inconvénients : chronophage pour les déplacements, coûteux pour la réalisation des équipements d’infrastructures et néfastes pour l’environnement puisqu’il est à l’origine du mitage de l’espace agricole.

L’étalement urbain est à l’origine du mitage (voir gaspillage) de l’espace agricole ou naturel Ces espaces, faut-il le rappeler, sont indispensables à différents besoins : économiques (lieu de production des agriculteurs), équilibre entre les espaces urbanisés et espaces non urbanisés (aspects sociaux et environnementaux), poumons de villes, En France, sur ces 50 dernières années, la surface agricole a diminué de plus de 15% ; soit un département tous les 10 ans.

L’étalement urbain est aussi à l’origine de la dénaturation des paysages (ex : une ligne de TGV qui traverse un paysage remarquable).

Les déplacements, par l’utilisation de la voiture notamment, sont à l’origine de l’émission des gaz à effet de serre.

Les études montrent que plus la densité urbaine est forte, plus la distance des déplacements est faible et donc la pollution émise est faible.

Il convient toutefois de préciser que certaines études insistent sur les effets de seuil et qu’une densité trop élevée produit des effets de congestion dont la conséquence est une production élevée de gaz à effet de serre.

La fabrication de la ville perturbe aussi la biodiversité, modifie les propriétés naturelles des sols, imperméabilise les sols entrainant des risques de crues plus importants.

Il ne faut pas omettre les enjeux liés à la vulnérabilité de certains territoires plus exposés que d’autres : montée des eaux, réchauffement climatique, inondations, canicule, ilots de chaleur, etc. Ces dérèglements ont des coûts sociaux et économiques. La notion de résilience des territoires devient un enjeu majeur.

3. Les outils au service d’un urbanisme durable

Cyria Emelianoff (une des spécialistes de la question) distingue quatre champs d’intervention qui sont liés :

  • politiques climatiques (plans de réduction du CO2 urbain, énergies renouvelables) ;
  • politiques de mobilité et de planification (densification, renouvellement urbain, polycentrisme, trames d’espaces naturels et agricoles) ;
  • politiques d’écoconstruction (quartiers ou lotissements “durables”) ;
  • Agendas 21 locaux : outil d’accompagnement, de sensibilisation, d’inflexion des modes de vie (initiatives d’habitants ou d’acteurs, projets de services) ».

Contrairement à d’autres champs en urbanisme (exemples : logements, déplacements, foncier, etc.), il n’y a pas un outil par excellence pour la mise en œuvre d’une ville durable mais des outils dont le caractère réglementaire est d’ailleurs relativement peu contraignant.

Les collectivités s’appuient sur des outils qui se veulent de plus en plus globaux et qui présentent une certaine instabilité juridique du fait de leur évolution régulière.

Le plus connu est sans doute l’agenda 21 qui est aujourd’hui connu et reconnu même si on peut lui reprocher son caractère peu opérationnel et parfois son caractère « fourre-tout ». Si au début, il a eu le mérite d’initier, d’impulser une démarche de développement durable à une échelle locale, certains considèrent aujourd’hui qu’il doit être rénové.

Le Grenelle de l’Environnement s’est donné comme objectif de préparer les décisions à moyen et long termes en matière de protection de l’environnement et de développement durable.

Ses principaux objectifs sont de diviser par 4 les émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2050 : généralisation des bâtiments basse consommation (BBC) en 2012 et des bâtiments à énergie positive à l’horizon 2020 ; l’objectif global de réduction de la consommation d’énergie primaire dans les bâtiments existants de 38 % d’ici 2020 ainsi que la contribution des énergies renouvelables (objectif de 23 % d’énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie d’ici 2020).

La démarche de construction durable concerne l’ensemble des étapes du projet : conception, construction, exploitation du bâtiment et fin de vie (démolition, déconstruction, recyclage des matériaux, réhabilitation, etc.).

La lutte contre l’étalement urbain et une utilisation plus économe de l’espace sont de nouveau affirmées.

Le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) issu de la loi NOTRe de 2015, document de planification, précise la stratégie régionale et détermine les objectifs et règles fixées par la région dans plusieurs domaines de l’aménagement du territoire. Contrairement à son prédécesseur (SRCE), il est opposable au tiers.

Il intègre plusieurs schémas régionaux thématiques préexistants : schéma régional de cohérence (SRCE), schéma régional de l’air, de l’énergie et du climat (SRCAE).

Le SRADDET doit viser notamment à une plus grande égalité des territoires et à assurer les conditions d’une planification durable du territoire, prenant en compte à la fois les besoins de tous les habitants et les ressources du territoire, en conjuguant les dimensions sociales, économiques et environnementales (dont la gestion économe de l’espace).

Il est élaboré par la Région et s’impose entre autres à plusieurs autres documents de planification : plans de déplacements urbains (PDU), plans climat air énergie territoriaux (PCAET), chartes de parcs naturels régionaux (PNR), schémas de cohérence territoriale (Scot)...

Les documents de stratégie territoriale et de planification urbaine (Scot et PLU/I) restent des incontournables pour la prise en compte du développement durable dans la fabrique de la ville notamment au travers du plan d’aménagement et développement durable (PADD).

En matière de déplacements, un nouveau volet s’ouvre avec le projet de loi d’orientation sur les mobilités (en cours de discussion au parlement).

Le projet de loi réorganise la gouvernance des transports et élargit les compétences des autorités organisatrices.

Ce texte propose d’élargir le rôle des collectivités locales, de favoriser les déplacements propres et de lutter contre les inégalités face au transport.

Un des premiers objectifs est de lutter contre les « zones blanches », zones sans offre de transport autre que la voiture et qui représenterait 80% du territoire français. L’intercommunalité aurait le rôle d’AOM en lieu et place de la Région.

Des contrats opérationnels de mobilité seront signés entre les collectivités locales pour mieux articuler et mutualiser l’offre de transport à l’échelle régionale.

Les PDU deviendront des plans de mobilité. Au-delà du changement d’appellation, l’objectif est d’intégrer toutes les formes de mobilités et qu’elles soient accessibles au plus grand nombre.

D’autres actions sont menées par les collectivités : écoquartier, écocités…

La démarche écoquartier n’est plus nouvelle. Elle vise à favoriser l’émergence d’une nouvelle façon de concevoir, de construire et de gérer la ville durablement. L’État a lancé en 2008, la démarche écoquartier, concrétisée en décembre 2012, par la création du label national écoquartier. Le label écoquartier se fonde sur 20 engagements rassemblés dans la Charte des écoquartiers. Ces 20 engagements peuvent s’appliquer à toute opération d’aménagement durable, indépendamment de sa taille et de son contexte territorial et géographique.

La démarche ÉcoCité propose aux métropoles et grandes agglomérations volontaires un accompagnement de l’État pour encourager la mise en œuvre de stratégies territoriales ambitieuses qui intègrent l’ensemble des politiques sectorielles du développement durable.

Le Programme « Ville de demain » est mis en œuvre en deux tranches.

  • La première, entre 2010 et 2014, a permis de sélectionner des projets innovants et écologiques portés par 19 grandes villes françaises qui ont rejoint la démarche EcoCité.
  • La seconde tranche entre 2015 et 2020, dotée de 320 millions d’euros (160 millions pour les subventions, 5 millions pour le fonds d’amorçage et 110 millions pour les prises de participation), s’inscrit dans la continuité de la première.

Ce sont désormais 31 territoires, dont 13 franciliens, qui sont intégrés à la démarche ÉcoCité et bénéficient à ce titre de l’accompagnement de l’État et du soutien financier du Programme « Ville de demain ».

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