L’éducateur en relation avec les personnes de différents âges, de sexe féminin ou masculin

Modifié par Julien Lenoir le 27 septembre 2018

L’éducateur en relation avec les personnes de différents âges, de sexe féminin ou masculin

Par Sylvie Rivière Le Guen
 Dernière mise à jour : septembre 2018 

o    Points de repères et incidences en termes d’encadrement pour un public d’enfants

o    Points de repères et incidences en termes d’encadrement pour un public d’adolescents

o    Points de repères et incidences en termes d’encadrement pour un public d’adultes

L’éducateur doit donner une signification à sa conduite d’encadrement de publics divers, ce qui suppose

o    qu’il perçoive la réalité des pratiquants dans une approche globale de ceux qui lui sont confiés et qu’il offre les possibilités d’une activité physique adaptée aux aptitudes, possibilités, besoins, motivations de chacun

o    qu’il adosse son expérience professionnelle à de solides connaissances pluridisciplinaires actualisées

o    qu’il articule son savoir expérientiel avec des problématiques de terrain et des réflexions sur le développement des politiques publiques porteuses d’enjeux dans un contexte local particulier (enjeux sportif, éducatif, social, culturel, de santé, économique, politique, d’aménagement du territoire, d’attractivité…)

o    qu’il éveille son attention pour observer et interpréter les conduites des pratiquants, car l’acte pédagogique est un processus mettant en relation des individualités qui s’influencent, interagissent et peuvent perturber la cohésion d’un groupe et limiter la dynamique de réussite ou d’atteinte des objectifs.

Le décret n°2011-605 du 30 mai 2011 portant statut particulier du cadre d’emplois des éducateurs territoriaux des activités physiques et sportives (ETAPS) fixe, en son article 3-I, que :

‘’Les membres du cadre d’emplois des éducateurs territoriaux des activités physiques et sportives préparent, coordonnent et mettent en œuvre sur le plan administratif, social, technique, pédagogique et éducatif des activités physiques et sportives de la collectivité ou de l’établissement public. Ils encadrent l’exercice d’activités sportives ou de plein air par des groupes d’enfants, d’adolescents et d’adultes. Ils assurent la surveillance et la bonne tenue des équipements. Ils veillent à la sécurité des participants et du public. Ils peuvent encadrer des agents de catégorie C ».

Pour les activités de natation, les éducateurs territoriaux des activités physiques et sportives recrutés selon les dispositions prévues au I des articles 5 et 9 du décret n°2011-605 du 30 mai 2011 modifié doivent être titulaires du titre de maître-nageur sauveteur. Les éducateurs territoriaux des activités physiques et sportives exerçant leurs fonctions dans des piscines peuvent être chefs de bassin.’’

L’article 3-II ajoute que :

‘’Les titulaires des grades d’ÉTAPS de 2ème classe et d’éducateur principal des activités physiques et sportives de 1ère classe ont vocation à occuper des emplois qui, relevant des domaines d’activité mentionnés au I, correspondent à un niveau particulier d’expertise. Ils encadrent les participants aux compétitions sportives. Ils peuvent participer à la conception du projet d’activités physiques et sportives de la collectivité ou de l’établissement, à l’animation d’une structure et à l’élaboration du bilan de ces activités. Ils peuvent être adjoints au responsable de service.’’

Les missions exercées entre les trois grades varient cependant selon la taille démographique de la collectivité et son mode d'organisation.

Autant de verbes d’action accompagnant ces métiers, viennent clarifier les interventions de l’ÉTAPS. Intervenir s’oppose à s’abstenir; concepteur d’action (de projets sportifs, d’équipements, d’activités physiques) à visée de changement (éduquer, progresser, retrouver la forme, s’insérer, s’intégrer…), l’éducateur agit sur son déroulement, l’accompagne pour animer un groupe le plus souvent, s’interpose avec autorité si besoin comme agent d’une collectivité qui cadre sa pratique professionnelle dans une politique sportive identifiée et que l’on espère partagée. Il peut être tour à tour éducateur, animateur, entraineur, médiateur, coordonnateur, agent de développement territorial, logisticien, organisateur ou plus en responsabilité d’un secteur, d’un équipement, d’un service. Ce métier « de contact » porte en lui la complexité car l’incertitude est élevée, de nombreux éléments sont en interaction que cela soit dans le travail d’équipe (autres agents, partenaires) ou dans celui avec des pratiquants avec une contrainte temporelle forte pour tenir les objectifs. Participant à la mise en œuvre de la politique sportive définie par la collectivité ou un établissement public de coopération intercommunale au service de l’intérêt général (parfois impulsée nationalement), il applique des instructions (code du sport, code de l’éducation…) tout en ayant une autonomie importante dans l’organisation de son travail. L’intervention est nécessairement conditionnée par le niveau, la taille de la collectivité, l’environnement géographique, social, économique, politique et peut s’effectuer dans différentes organisations (structures de la collectivité, de l’intercommunalité, clubs, école élémentaire, centre de vacances ou de loisir). Ce métier est en évolution constante, on constate:

o    une offre diversifiée et de proximité car le public s’élargit (féminisation de la demande, pratiques autonomes, investissement des espaces urbains) et les politiques s’intéressent de plus en plus aux publics éloignés de la pratique d’APS (jeunes des quartiers de la politique de la ville, retraités…)

o    des pratiques adaptées à la spécificité d’un territoire

o    un renforcement de la sécurisation des usagers et une réglementation renforcée de l’accueil des jeunes

o   de nouvelles situations fonctionnelles (transfert de compétences aux EPCI, projets transversaux, management par projets et objectifs).

L’éducateur mobilise de nombreuses compétences opérationnelles : définir des objectifs, concevoir une planification et un scénario pédagogique, construire et conduire des séances, créer un climat favorable, faciliter l’aménagement du contexte en jouant sur des variables didactiques (ressources humaines et matérielles, espace, temps, groupe, règles d’organisation, intensité de l’effort), offrir des régulations pour lisser les difficultés, choisir des remédiations, évaluer. Ces moyens d’intervention sont multiples : exercice, situation, démonstration, guidage, feed-back, observation…

Qu’il encadre des enfants, adolescents, adultes, séniors, de sexe féminin ou masculin, l’éducateur pour agir efficacement dans le contexte d’exercice de son intervention, doit mobiliser des données qui doivent toujours être nuancées car l’humain dépasse en complexité toutes les modélisations qui tentent de donner sens à sa conduite et il devrait abandonner des formes pédagogiques standardisées pour tenir compte des différences interindividuelles (âge, genre, niveaux de pratique, activité antérieure, rapport au corps, motivations…).

Points de repères et incidences en termes d’encadrement pour un public d’enfants

Il est difficile de formaliser en quelques lignes les éléments généraux caractérisant les différents âges de l’enfance (petite, moyenne, grande enfance malgré des variations individuelles entre enfants du même âge) mais il faut retenir que les processus de développement de l’enfant conditionnent fortement ses capacités d’action et donc les méthodes pédagogiques utilisées auprès de ce public. Les travaux des lois de l’évolution de l’enfant du psycho-généticien Jean Piaget (« Apprendre, c’est prendre conscience et non suivre une voie toute tracée la meilleure fût-elle. »), du docteur en médecine et professeur d’EPS Guy Azemar (« le mouvement actif de l’enfant demeure le support essentiel de l’adaptation »), du biologiste Georges Cazorla, de Donald Wood Winnicott ("le jeu fournit un cadre pour le début de relations affectives et permet donc aux contacts sociaux de se développer") et d’autres, permettent d’avancer quelques repères fondamentaux.

Durant l’enfance, l’organisme se transforme sous l’effet de la croissance, la maturation et le milieu dans lequel il évolue (milieu porteur de la richesse des apprentissages). Pour répondre aux sollicitations de son environnement, l’enfant possède dès sa naissance une force d’adaptabilité importante. Les jeux, l’activité physique, l’action volontaire sur le monde environnant tiennent une place décisive dans le développement harmonieux de tous ces systèmes et fonctions d’autant que le besoin de mouvement est constitutif de l’enfant et permet son développement psychologique1. Tous les travaux de recherche cités en amont invitent à une pédagogie ouverte, concrète, favorisant les prises d’initiatives de l’enfant, le mobilisant dans sa globalité à travers des formes variées d’activité motrice, lui permettant d’exercer ses fonctions locomotrices élémentaires, d’enrichir son répertoire gestuel, d’expérimenter, de tâtonner. Ainsi vont se mettre en place progressivement et dans un processus d’accroissement le potentiel psychomoteur de l’enfant. La motricité d’abord spontanée et globale va s’affiner au fil des expériences avec des coordinations plus fines et une gestualité mieux maîtrisée, c’est plus tardivement qu’une pédagogie technicienne prend sa place dans ce processus de progrès moteurs. Au cours de son développement, les acquisitions se multiplient, s’enrichissent et c’est sur celles-ci que l’éducateur doit étayer sa pédagogie. Le plaisir, facteur de motivation est une composante inséparable de l’activité de jeu qui est nécessaire à l’équilibre psychique et donne accès à l’intelligence (l’intelligence représente ici la capacité à s’adapter à son environnement avec succès). Ainsi les formes jouées sont à privilégier d’autant qu’elles vont permettre de progressivement accéder à une dimension sociale évoluée (prise en compte de l’autre, passage de l’épreuve de la règle à sa nécessité, de l’apparition de la coopération à la solidarité). Pendant l’enfance, la régulation organique ne permet pas toujours une adaptation efficace à l’effort, l’éducateur prendra en compte la nécessaire alternance travail/ repos et n’utilisera pas de procédés qui viennent durablement perturber la croissance.

Chez l’enfant, l’activité physique encadrée est bénéfique pour la santé, les recommandations2 actuelles pour l’acquisition et le maintien d’une bonne santé sont de 60 minutes par jour d’AP d’intensité modéré ou plus élevée. Il faut de plus  inclure selon l’OMS3, dans le programme d'activité physique des activités d'intensité élevée et des activités de renforcement des muscles et des os au moins 20 minutes 3 fois par semaine.

Le Programme national nutrition santé (PNNS) vise à améliorer l’état de santé de la population en agissant sur les déterminants majeurs de la nutrition que sont l’alimentation et l’activité physique, l’agence national de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail  (ANSES) a été saisi pour actualiser face aux comportements sédentaires les repères4 de pratique physique (recommandations pour les enfants de moins de 5 ans et les 5/17 ans). L’objectif de ces recommandations est de permettre l’adoption d’un mode de vie actif dès le plus jeune âge, de favoriser l’activité spontanée, de s’appuyer sur le jeu et le plaisir.

Selon les recherches médicales, la pratique physique diminue la prévalence du surpoids et de l’obésité, a un effet sur le profil métabolique, augmente la densité minérale osseuse, permet la conquête de l’estime de soi et la conscience intériorisée de son corps et procure des bénéfices sur le plan social. A côté de ces bienfaits immédiats, il existe un bénéfice à long terme car les bonnes habitudes de pratique sont souvent pérennes et elles constituent un élément primordial d’une future hygiène de vie et donc de préservation de son capital santé.

Le ministère des Sports et celui du ministre de l’éducation nationale partagent l’objectif commun de développement de la pratique sportive des enfants et des jeunes. Les valeurs admises du sport le place comme outil d’éducation dans le cadre d’un enseignement obligatoire : l’éducation physique et sportive (EPS). Comme le montre l’enquête du CNFPT5 en 2002 « les politiques sportives des villes de plus de 3000 habitants », les valeurs d’éducation par le sport sont partagées par les collectivités, la priorité des communes étant la prise en compte de la demande des jeunes. Ainsi elles peuvent mettre à disposition des personnels qui œuvrent à côté des enseignants de l’école primaire pour des apprentissages fondamentaux en EPS et des apprentissages secondaires dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires (complémentarité et continuité éducatives des différents temps de l’enfant). Le sport scolaire portée par l’union nationale de l’enseignement du premier degré (USEP : 800 000 licenciés en 2015) est lui aussi une composante originale de la politique éducative, il implique fortement les collectivités locales (participation d’éducateurs porteurs dans leur formation d’une forte valence sportive, subventionnement, soutien, aide aux déplacements). A l’interface entre deux systèmes, scolaire et fédéral, ces associations scolaires sont un vivier pour alimenter en apprentis sportifs les associations de proximité, les clubs sportifs, les écoles municipales des sports, et les éducateurs sont des relais pour renforcer les coopérations et partenariats territoriaux (appui technique, politique).

Points de repères et incidences en termes d’encadrement pour un public d’adolescents

Après l’insouciance de la période enfantine, le jeune va progressivement se structurer malgré les doutes et les tensions internes ; à la recherche de son identité, il va surtout évoluer loin de sa sphère habituelle, sa famille (Le Breton6: « L’adolescence est à la fois dépouillement des repères sécurisants de l’enfance et lent cheminement vers l’autonomie de l’âge d’homme ou de femme, mais l’entre-deux est délicat ») Le point de départ de l’adolescence s’inscrit dans le biologique (période pré-pubère et puberté), sa fin est spécifié par des critères sociaux (autonomie dans de nombreux domaines). C’est une période de déséquilibre d’un point de vue des transformations morpho-physiologiques et biologiques de l’organisme, la puberté du jeune va ainsi modifier la construction identitaire en cours, sa relation à son propre corps et au monde (Claire Perrin «  Avec la puberté, l’irruption chez l’adolescent d’un potentiel de sexualité adulte modifie profondément l’image du corps, ce dernier devient avant tout le support du rapport à l’autre »). Les normes de nos sociétés qui prônent la beauté du corps peuvent induire certaines souffrances. C’est aussi une phase de préoccupations et fragilités sur un plan socio-psychologique ; empreint d’une grande émotivité, recherchant les amitiés tout en étant parfois solitaire, en difficultés dans ses relations sociales car préoccupé par lui-même et les transformations de son corps, le jeune oscille souvent entre des comportements opposés. Les enquêtes récentes indiquent que les jeunes constituent le groupe le plus actif physiquement7 mais presque la moitié ne pratique pas en dehors de l’enseignement obligatoire et une diminution des APS de loisirs est observée avec l’âge surtout chez les filles (pratique moins fréquente et peu dans un cadre institué). Les styles de vie des adolescents (sédentarité, habitudes alimentaires, tabagisme, manque chronique de sommeil, loisirs passifs…) entrainent une diminution forte de l’AP dans leur vie quotidienne (peu de trajets actifs) et des loisirs encadrés. Pourtant « La pratique d’une activité physique et sportive apporterait de nombreux bienfaits, qu’ils soient physiques (développement d’un appareil locomoteur ou cardio-vasculaire sain, maintien d’un poids approprié...) ou psychologiques (aide à surmonter l’anxiété...), et participerait aussi au développement des liens sociaux des jeunes »8.

Dans le cadre des séjours de loisirs sportifs, d’animations pendant les vacances scolaires, de l’encadrement des pratiques inorganisées ou dans le milieu associatif, l’éducateur devra construire son contenu pédagogique en synergie avec les caractéristiques des adolescents pour les aider à se construire des repères structurants et à mieux vivre les transformations de leur corps. L’offre sportive et en genre (pratiques sexuées) doit être attractive (permettre une image positive de soi), adaptées aux motivations (activités congruentes à l’identité masculine et féminine) pour créer l’adhésion et procurer du plaisir à agir. Les APS, riches en émotions et incertitudes, doivent permettre aux adolescents de s’affirmer ou de gagner confiance en soi. David Le Breton a démontré l’existence de «prises de risque non réglées », par un choix d’APS ciblées, l’éducateur doit veiller à permettre à l’adolescent de s’éprouver ou de s’affronter dans des prises de risques sécurisées (construire une sécurité active et interactive) et ainsi développer une meilleure connaissance de soi. Face à un rendement énergétique fluctuant, des phases de grande fatigue (effets du développement) et l’hétérogénéité des progressions des adolescents, l’éducateur, toujours à l’écoute, agira sur le contenu des séquences sportives par le biais des variables didactiques. En revanche l’éducateur pourra s’appuyer sur les nouvelles possibilités d’abstraction et de raisonnement de l’adolescent pour faire comprendre les tentatives infructueuses, les échecs et mieux prévenir ses effets néfastes. Pour répondre à leur demande d’autonomie, il pourra avec eux négocier des objectifs en lien avec la pratique, des projets ou le fonctionnement du groupe. Des modes de communication spécifiques lui permettront de répondre à la variable « dynamique de groupe » pour créer la cohésion du groupe, gérer et dédramatiser les conflits, repérer les leaders et des jeunes marginalisées, être juste dans ses décisions et fixer les limites…

Il y a une corrélation entre l’absence ou la baisse de fréquence de pratique sportive chez les jeunes et les milieux sociaux les moins favorisés9 (le niveau de diplôme des parents est un déterminant essentiel, les bas revenus et l’inactivité professionnelle des parents des facteurs aggravants). Certains facteurs culturels sont aussi des freins à la pratique (environnement socio-culturel familial imprégné d’un modèle sociétal). Le rapport « Femmes et sports »10 présente une statistique intéressante : alors que 51% des filles font du sport en France, la proportion tombe à 32% dans les quartiers sensibles, sous le poids de la famille et la pression de l’univers confiné des cités11 sur les comportements des filles et leurs pratiques culturelles.

La puissance publique entend apporter des points de résolution à l’absence de pratique des jeunes dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) d’autant que le taux d’équipements et de licenciés sportifs est très en deçà de la moyenne nationale, cette politique conduite par l’Etat et les collectivités territoriales dans le respect de la libre administration de celles-ci et dans le cadre général de la loi, accompagne des actions spécifiques, éduquer par le sport est au cœur de cette politique. En juillet 2018, un évènement « La rencontre des solutions » autour du sport dans les quartiers QPV a permis à tous ces acteurs de se mobiliser (acteurs associatifs, sportifs, économiques et élus) pour développer l’offre de pratique et d’insertion professionnelle. Il a donné lieu à 11 conventions signés avec des fédérations sportives (FFFA, UCPA, FSGT, Ufolep, FFV), des associations nationales ((Fête le Mur, En passant par la montagne, Agence pour l'éducation par le sport , Sport dans la ville, Centre national d’information sur les droits des femmes et des familles , Play international) pour répondre à des priorités de politiques publiques. Selon les dernières orientations (déclinaison opérationnelle des mesures prises lors du comité interministériel pour l'égalité et la citoyenneté en mars 2015 au titre du plan « citoyens du sport »), le sport a vocation à s'inscrire dans les trois volets du contrat de ville (projet de territoire) : cadre de vie et renouvellement urbain, cohésion sociale, et développement de l'activité économique et de l'emploi. Dans le second volet, le sport pour être pleinement éducatif, doit être encadré, d’où la nécessité d’avoir des éducateurs formés à des actions spécifiques pour des publics éloignés de la pratique sportive. Les associations seront mobilisées et les éducateurs auront un rôle essentiel d’encadrement pour développer l’égalité des pratiques dans les territoires, la recherche de cohésion sociale. Pour la réussite des projets tournés vers l’éducation au sport et à la prévention, le service de proximité au sein d’un service des sports doit poursuivre une politique volontariste facilitant :

o    l’accès à la pratique des habitants du quartier en faisant des propositions pour favoriser les APS du public féminin (pratiques valorisant le corps, l’esthétique permettant de donner confiance en soi)

o    la mixité sociale et du genre dans un deuxième temps,

o    l’aménagement de nouveaux équipements sportifs répondant au renouvellement des pratiques physiques et à l’accompagnement des pratiques « viriles » pour des jeunes de banlieue, développement de l’animation sportive municipale notamment dans des activités de proximité dans les quartiers en QPV pour fidéliser les plus jeunes à une pratique régulière avec l’espoir de les orienter vers une activité en milieu associatif. L’aménagement des espaces urbain, piétonniers et cyclistes, de détente, naturels de loisir pour des pratiques outdoor est aussi une nécessité.

Pour identifier les besoins en termes d’animation, un éducateur sportif référant, porteur d’une culture de projets s’efforcera de construire un partenariat entre le monde sportif, scolaire et socio-éducatif. Ceci permettra d’autre part d’augmenter l’efficacité de la transmission des messages éducatifs dans et par la pratique sportive. Le gouvernement veut d’autre part développer l’emploi sportif, ainsi avant fin 2017, 1000 éducateurs ont été recrutés, leur profil professionnel devra correspondre aux besoins locaux. Agir pour le sport dans les quartiers sensibles, c’est aussi améliorer les conditions de vie dans ceux-ci.

Un autre acteur associatif, l’Agence pour l’éducation par le sport (Apels) a lancé en 2015 un nouveau défi aux collectivités territoriales nommé « Education par le sport dans les villes », il tente de répondre aux problématiques éducatives, d’insertion et de bien-être sur les territoires, de nombreux acteurs sont mobilisés (établissements scolaires, associations, collectivités, entreprises). Une douzaine de villes sont engagées pour construire l’avenir des politiques publiques dans les zones géographiques jugées sensibles, depuis, d’autres ont suivi. En 2018, cette agence sera bénéficiaire de l’enveloppe de 15 millions d’euros promise par le ministre de la cohésion des territoires, Jacques Mézard, pour une politique publique ambitieuse et pour les collectivités, un service des sports moins tourné vers le monde fédéral et la gestion des équipements et travaillant en transversalité avec les autres services municipaux. L‘agence propose des plateformes d’éducation par le sport mobilisant les acteurs concernés, au nombre desquels les collectivités, les associations, mais aussi les écoles, les entreprises et les services sociaux pour une politique repensée autour des besoins des jeunes. L’intercommunalité peut être aussi un échelon pertinent.

Points de repères et incidences en termes d’encadrement pour un public d’adultes

L’allongement du cycle de vie sportive est un phénomène qui s’amplifie au fil des années mais pour avoir une vie physique raisonnée, encore faut-il en avoir eu une, dans sa jeunesse et qu’elle ait été vécue avec plaisir. Des études ont montré un continuum entre la pratique sportive juvénile et celle à la vie adulte même si les adultes n’investissent pas les mêmes activités et tous les milieux sociaux sont concernés ainsi que tous les âges. L’adulte qui a atteint sa maturité fonctionnelle et est en prise avec les responsabilités offre une réalité bien différente de celle de l’enfant et de l’adolescent, en termes de demandes (besoins et motivations se déclinent à travers des perspectives différentes de pratiques : performance, santé physique, bien-être, contacts sociaux, contact avec la nature, épanouissement personnel…) et la forme de stabilité qu’il occupe grâce à son statut, son rôle social, le rende plus disponible pour avoir une activité physique (AP) (le statut social de la femme l’éloigne souvent de la pratique, par exemple après une naissance d’un enfant et surtout de la pratique compétitive). Le potentiel physique de l’adulte dépend inévitablement de sa pratique antérieure (fréquence, intensité, continuité, régularité) et de son mode de vie passé et actuel. Progressivement, à partir de trente ans, les personnes perçoivent des signes d’involution dus à un vieillissement de leur équipement neuro-moteur, une diminution de l’efficacité des capacités d’adaptation à l’effort et des mécanismes de régulation, des difficultés à modifier leurs cadres de référence acquis et une diminution de leur adaptabilité. L’individu atteint son potentiel physique maximal entre vingt et trente ans mais sa forme sportive peut s’entretenir sur des décennies avec un besoin de récupération qui va s’allonger avec l’âge. En revanche l’enquête de 201012 confirme le fait que la pratique d’APS diminue avec l’âge notamment pour ceux et celles dont la pratique était occasionnelle. Certains découvrent la pratique ou retournent à la pratique tardivement quand ils constatent une baisse de leur potentiel moteur (le facteur force est le premier facteur dont la régression est la plus rapide avec l’âge) ou que leur corps offre une image qu’ils refusent tant les sollicitations musculaires qu’ils s’imposent quotidiennement sont faibles. En 201013, parmi les femmes vivant en France qui ont entre 26 et 29 ans, 78 % ont pratiqué au moins une activité physique ou sportive (hors marche utilitaire, marche de loisir et ballade) au cours des douze mois précédant l'enquête.

La massification de l’exercice physique va de pair avec les changements sociaux et culturels de la vie quotidienne et les pratiques sont centrées davantage sur le loisir, l’hygiène, la forme. Loin des activités compétitives, les motivations des femmes sont centrées sur le ludique, l’entretien de soi, la convivialité. En 2014, seulement 1/3 des licences sportives a été délivré à des femmes14 (37,3%), le nombre de licenciées est cependant en augmentation grâce certainement au plan de féminisation demandé aux fédérations sportives (conventionnement Etat/fédérations). Selon les travaux de Catherine Louveau et Michèle Métoudi15, de nombreuses inégalités existent pourtant selon l’âge, le lieu de vie, les revenus, le vécu antérieur, les trajectoires familiales. Le rapport au corps inféré a aussi une prégnance importante dans l’accession à la pratique. L’analyse de Fanny Simöes16, chargée d’études à l’INJEP, démontre qu’un individu en bonne santé et sans enfant a une probabilité plus élevée d’être sportif, que les cadres pratiquent plus que les ouvriers, que les personnes plus aisées pratiquent plus souvent.

Pour préserver leur santé, des recommandations17 existent, par exemple, pour les adultes en bonne santé de 18 à 64 ans, il faut un minimum d’activité pour avoir des bénéfices sur l’endurance cardio-respiratoire, la force musculaire, l’état osseux, la réduction des maladies liées au vieillissement et le bien-être. Les adultes de moins de 65 ans devraient pratiquer au moins, au cours de la semaine, 150 minutes d’activité d’endurance d’intensité modérée ou au moins 75 minutes d’activité d’endurance d’intensité soutenue, ou une combinaison équivalente d’activité d’intensité modérée et soutenue.

Cette activité d’endurance doit être complétée par des exercices de renforcement musculaire (musculation équilibrée) au moins deux jours par semaine. La population va continuer de vieillir (la population européenne des 65 ans et plus va passer de 17% en 2010 à 30% en 2060, en France d’après l’INSEE le nombre de seniors représenteront 1/3 de la population en 2050). Ainsi les recommandations prennent en compte les singularités des séniors réparties selon une typologie de Fabien Pillard18 du CHU Toulouse en trois groupes : les « robustes », les fragiles et les personnes dépendantes. Une pratique physique régulière, quotidienne permet des réponses positives et durables du point de vue de l’état de santé. Ces bénéfices ne seront effectifs que si les conditions de pratiques sont adaptées aux limitations qu’offre l’organisme (suivi médical nécessaire), les compétences de l’éducateur sont ici nécessaires pour les optimiser.

Répondant aux ambitions d’un accès au « sport » pour tous, le métier d’éducateur se distend pour prendre en compte les besoins de nouveaux publics attirés prioritairement par une pratique de loisirs sportifs ou de confort physique. Ainsi, l’ETAPS doit construire sa polyvalence pour répondre à la diversification d’APS avec une ouverture vers des activités inédites pour des adultes (les activités purement sportives diminuent aux effets de l’âge) et des modalités multiples qui ne s’excluent pas forcément. A cette polyvalence s’ajoute une solide formation sur le « vieillissement réussi » (forme d’expertise en santé pour les personnes avançant en âge). La grande hétérogénéité de ce public (besoins, motivations, niveaux de pratique, état de santé, âge…) ne permet pas d’identifier une pédagogie de l’adulte même si à partir de l’ensemble des caractéristiques de ce dernier, on pressent une approche spécifique. Les propositions de contenu (APS, multi-activités, activités de pleine nature, formes innovantes de pratiques, animations socio-sportives, pratiques douces…) seront en lien avec les besoins identifiés et toujours construites pour entretenir la motivation. Les objectifs doivent être clairement énoncés et en cohérence avec les attentes des personnes, ce qui supposent qu’elles soient exprimées. Le travail en groupe nécessitera de respecter les rythmes individuels tout en préservant une dynamique commune. Pour une pratique raisonnée, l’éducateur s’appuiera sur le principe de progressivité (la forme sollicitante sera réservée à l’adulte sportif), mobilisant l’agir et l’engagement de chacun, il saura freiner les excès car accepter de perdre en pouvoir moteur ou physiologique n’est pas évident. Il tiendra pourtant un niveau d’exigence (technique, placement) pour faciliter le progrès et la réussite. C’est surtout l’aspect relationnel qui prévaudra, atmosphère de sociabilité, climat de convivialité et de participation (l’adulte apprend s’il se sent intégré et si on le responsabilise) permettront la régularité d’une pratique durable et l’entretien de la motivation.

Les actions directes envers les adultes sont souvent portées par le monde associatif et le secteur privé. Majoritairement les communes ne s’impliquent pas comme force de propositions car ces pratiques adultes sont volontaires et donc prise en charge individuellement. Elles y viennent progressivement pour répondre au droit d’un sport pour tous, aux injonctions nationales d’un sport-santé et pour rendre attractif leur territoire (politique centrée sur les habitants avec des interventions auprès d’un public féminin et sénior, et mise en accessibilité du patrimoine sportif). Le public adulte (hors adulte sportif licencié dont les aptitudes sont maintenues par la pratique régulière) représente pour des problématiques de santé publique, un public cible qui d’ailleurs n’hésite pas à exprimer la spécificité de ses besoins et d’accompagnement de celles-ci. D’enquêtes19, il ressort un lien fort, que les pratiquants actuels et potentiels font entre sport et forme physique avec une importance donnée au soin de soi et de l’entretien, accompagné d’une flexibilité de pratique et d’une compatibilité avec leur mode de vie. Pour eux un second choix s’impose, celui de choisir d’être en plein air, au contact de la nature. Plus la collectivité est importante, plus il est indispensable de mener à partir des objectifs des politiques, un diagnostic des besoins sur un territoire pour instruire des choix en terme d’offre, de contenus de pratiques tenant compte des réalités locales, construire des partenariats (fédérations sportives multisports affinitaires, organisations multisports de gymnastique volontaire, d’entretien physique et de bien-être, de sport pour tous, professionnels de santé) et permettre la professionnalisation du personnel encadrant pour offrir un service de qualité.

  1. ^ Wallon Henri. Importance du mouvement dans le développement psychologique de l'enfant. In: Enfance. Tome 12 n°3-4, 1959. Psychologie et Éducation de l'Enfance. pp. 233-239.
  2. ^ Ministère de la santé et des solidarités, Plan national nutrition santé, « AP et santé : arguments scientifiques et pistes pratiques », 2005.
  3. ^ OMS, 2011, recommandation mondiale pour l’AP et la santé
  4. ^ ANSES, 2016, Actualisation des repères du PNNS- Révisions des repères relatifs à l’activité physique et à la sédentarité (saisine n°2012-SA-0155)
  5. ^ Dossier sectoriel du pôle sport du CNFPT, 2002
  6. ^ « Adolescente et conduites à risque » Le Breton David, Editions Fabert.
  7. ^ « Le sport chez les jeunes de 12 à 17 ans », SPORTS, STAT-INFO, Ministère des sports, octobre 2002.
  8. ^ « Le sport, d’abord l’affaire des jeunes » Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire, analyse et synthèse n°1, mars 2017
  9. ^ « La pratique sportive des jeunes dépend avant tout de leur milieu socio-culturel », SPORTS, STAT-INFO, Ministère des sports, novembre 2003.
  10. ^ « Femmes et sports », Ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Vie Associative, décembre 2004
  11. ^ « Le sport, c’est aussi pour elle », En jeu, une autre idée du sport, ufolep, décembre 2014
  12. ^ « Les principales APS pratiquées en France en 2010 », Ministère des sports,  STAT-INFO n°11-02, novembre 2011.
  13. ^ Ministère des sports, les chiffres clés du sport, mars 2017
  14. ^ « La féminisation du sport », Comité des 11 tricolores, mars 2016
  15. ^ « Les pratiques sportives des femmes », Louveau C et Métoudi M, INSEP 1988
  16. ^ « Pratiques sportives, une hausse portée par les femmes et les séniors » INJEP analyses et synthèses n°15
  17. ^ Site internet du gouvernement-sports.
  18. ^ Sport dans la cité, « Quelles activités physiques et sportives pour les séniors ? », octobre-novembre, 2000 n°2
  19. ^ « Enjeux et perspectives des industries du sport en France et à l’international », synthèse, Direction générale des entreprises, Pôle interministériel de prospective et d’anticipation des mutations économiques, 2016
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