Par BAUBY Pierre, président de RAP (Reconstruire l’action publique), membre du Conseil scientifique d’Europa et Mihaela M. Similie (Popa), chercheur
Dernière mise à jour : janvier 2017

1. Les origines

Jusqu’à l’adoption du traité de Maastricht, qui introduit la culture dans le champ des compétences de la CEE, la coopération culturelle entre les Etats européens avait été développée dans un cadre intergouvernemental, notamment au sein du Conseil de l’Europe (convention culturelle de 1954).

Pour sa part, la Communauté économique européenne a assuré le financement des actions culturelles dès les années 1970 grâce à l’initiative du Parlement européen. Les ministres en charge des affaires culturelles se sont réunis en Conseil seulement à partir de 1982, d’abord de manière informelle puis formelle. La formalisation des réunions du Conseil a permis le lancement de plusieurs programmes (Kaléidoscope – visant l’art du spectacle et des arts appliqués, Ariane – visant les livres et la lecture, Raphaël – visant le patrimoine culturel) et opérations culturels (capitales européennes de la culture). Le traité de Maastricht a donné des compétences culturelles à la Communauté, en exigeant l’unanimité pour l’adoption des actions en matière culturelle.

Le traité de Lisbonne a prévu que l’Union dispose dans le domaine de la culture d’une compétence pour mener des actions à finalité européenne pour appuyer, coordonner ou compléter l’action des États membres (art. 6 TFUE). Le traité exclut expressément de la compétence européenne « toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des États membres ». La culture demeure donc un domaine où la compétence nationale est dominante, même si elle a été à la racine de la construction européenne et dont les traités confirment son concours à la réalisation des objectifs de l’Union et la nécessité d’une action communautaire.

2. Les objectifs

L’article 3 TUE dispose que l’Union européenne « respecte la richesse de sa diversité culturelle et linguistique, et veille à la sauvegarde et au développement du patrimoine culturel européen ».

Le titre XIII, « Culture », précise à son article 167 TFUE les objectifs et les domaines d’action de l’Union et des États membres dans le domaine culturel, en premier lieu pour assurer l’épanouissement des cultures nationales et à titre accessoire pour promouvoir l’héritage culturel commun.

Article 167 TFUE

1. L'Union contribue à l'épanouissement des cultures des États membres dans le respect de leur diversité nationale et régionale, tout en mettant en évidence l'héritage culturel commun.

2. L'action de l'Union vise à encourager la coopération entre États membres et, si nécessaire, à appuyer et compléter leur action dans les domaines suivants:

– l'amélioration de la connaissance et de la diffusion de la culture et de l'histoire des peuples européens,

– la conservation et la sauvegarde du patrimoine culturel d'importance européenne,

– les échanges culturels non commerciaux,

– la création artistique et littéraire, y compris dans le secteur de l'audiovisuel.

3. L'Union et les États membres favorisent la coopération avec les pays tiers et les organisations internationales compétentes dans le domaine de la culture, et en particulier avec le Conseil de l'Europe.

4. L'Union tient compte des aspects culturels dans son action au titre d'autres dispositions des traités, afin notamment de respecter et de promouvoir la diversité de ses cultures.

3. La situation actuelle et les principaux moyens d’action

Le traité de Lisbonne a soumis l’adoption des actions culturelles à la procédure législative ordinaire et a remplacé au Conseil l’unanimité par la majorité qualifiée. Les recommandations dans le domaine culturel sont adoptées par le Conseil sur proposition de la Commission.

Conformément à l’article 107§3d) TFUE, « les aides destinées à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine, quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges et de la concurrence dans l’Union dans une mesure contraire à l’intérêt commun » peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur. Cette dérogation a été introduite par le traité de Maastricht et permet de justifier des aides visant à financer des projets culturels spécifiques (par exemple, des prêt d‘oeuvres entre musées, la numérisation d’oeuvres cinématographiques de patrimoine, un soutien au cinéma et à la production audiovisuelle). En même temps, la Commission considère que le financement public de certaines activités culturelles non commerciales, offertes gratuitement ou contre une redevance minime, ne relève pas des règles relatives aux aides d’État.

Le droit européen prévoit la possibilité pour les Etats membres de prévoir des « exonérations en faveur de certaines activités d'intérêt général », y compris « certaines prestations de services culturels, ainsi que les livraisons de biens qui leur sont étroitement liées, effectuées par des organismes de droit public ou par d'autres organismes culturels reconnus par l'État membre concerné » (art. 132§1n de la Directive 2006/112/CE relative au système commun de TVA). Il prévoit également la possibilité d’appliquer un taux réduit de TVA à certains biens et services culturels (cf. Annexe III de la directive TVA) : la fourniture de livres, y compris en location dans les bibliothèques, les journaux et périodiques (à l'exclusion du matériel consacré entièrement ou d'une manière prédominante à la publicité) ; le droit d'admission aux spectacles, théâtres, cirques, foires, parcs d'attraction, concerts, musées, zoos, cinémas, expositions et manifestations et établissements culturels similaires ; la réception de services de radiodiffusion et de télévision ; les prestations de services fournies par les écrivains, compositeurs et interprètes et les droits d'auteur qui leur sont dus.

En vue de protéger le patrimoine culturel national, l’art. 36 TFUE prévoit la possibilité pour les Etats membres de faire obstacle aux « interdictions ou restrictions d'importation, d'exportation ou de transit, justifiées par (…) des raisons protection des trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique (…) ». Le Règlement 116/2009 concernant l’exportation de biens culturels prévoit des règles en vue d’assurer leur protection par l’intermédiaire d’autorisations d’exportation.

En outre, dans le cadre de la politique commerciale commune, l’art. 207 TFUE prévoit que le Conseil statue à l'unanimité pour la négociation et la conclusion d'accords internationaux dans le domaine du commerce des services culturels et audiovisuels, lorsque ces accords risquent de porter atteinte à la diversité culturelle et linguistique de l'Union.

Les droits d’auteur ont fait l’objet d’une certaines harmonisation au niveau de l’Union : Directive 2006/115/CE relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d'auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle ; Directive 93/83/CEE relative à la coordination de certaines règles du droit d'auteur et des droits voisins du droit d'auteur applicables à la radiodiffusion par satellite et à la retransmission par câble ; Directive 2001/29/CE sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information ; Directive 2001/84/CE relative au droit de suite au profit de l'auteur d'une œuvre d'art originale.

En 2008, l’Union européenne a lancé le projet « Europeana », portail d’ouvrages, publications périodiques, sonores et vidéo dont l’objectif à court terme est la mise en accès gratuit des chefs d’œuvre du domaine public des Etats membres. La réalisation de cet objectif dépend essentiellement des contributions des Etats membres.

Pour la période 2014-2020, l’action de l’Union en matière culturelle est associée à l’action en matière audiovisuelle dans le cadre du programme « Europe Créative » qui regroupe les programmes Media, Media Mundus et Culture (Règlement 1295/2013, pour un total de 1,4 milliards d’euros). Le programme « Culture » a été créé en 2000 par la réorganisation des programmes préalables. Les moyens financiers demeurent pourtant faibles. Pour la période 2014-2020 il est doté d’un budget européen de 455 millions euros disponible pour des projets de coopération transnationaux visant l’acquisition des qualifications professionnelles, un soutient à la mobilité des œuvres, la diffusion de la littérature et la mobilité des professionnels de la culture, ainsi que l’organisation d’événements culturels de dimension européenne. A cela s’ajoutent les fonds octroyés par des fonds structurels. Globalement, environ 0,5% du budget de l’Union est orienté vers des actions culturelles.

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