Par Eric Guérin

Dernière mise à jour : juillet 2019

Les institutions politiques que nous connaissons ne sont pas de simple assemblage empirique. Elles sont le fruit de l’histoire politique de notre pays mais également le fruit de systèmes différents. Dans chaque système il existe un certains nombre de composant qui sont invariable ; à commencer par l’Etat lui-même.

L’Etat est la forme normale d’organisation des sociétés. Sous sa forme primitive et dans la Grèce hellénistique les Etats ont la taille des cités (Athènes, Sparte …). Dans leur forme moderne les Etats se sont constitués sur les fondements de la nation ; soit ils ont aidé à la formation du sentiment national ; soit le sentiment national à précédé la formation de l’Etat ; soit encore la constitution de l’Etat a été concomitante à celle de la nation. Aujourd’hui, l’ensemble de la planète est composée d’Etats. Sur un plan juridique l’Etat est devenu la forme normale d’organisation des sociétés.

1 Les théories de l’Etat

La théorie juridique a eu beaucoup de mal à définir ce qu’était l’État. Plusieurs écoles se sont affrontées sur ce terrain, mais trois grandes perspectives peuvent résumer ces débats.

La première théorie est celle de Maurice Hauriou dite la théorie de l’État de puissance. Elle remonte aux écrits de Nicolas Machiavel, de Thomas Hobbes et de Jean Bodin. L’État est caractérisé par sa souveraineté interne et externe. L’État est un Léviathan dont la fonction est de maintenir l’ordre dans la société dont il assure la direction. L’État incarne ici l’intérêt général et dispose alors d’un certain nombre de prérogatives qui émanent de sa souveraineté. Il a notamment le pouvoir de créer le droit et de prendre des actes qui s’imposent aux individus sans leur consentement.

La seconde approche de l’Etat est celle de L’État de droit décrite par Hans Kelsen et le positivisme juridique. Cette conception de l’Etat conduit à penser que ce n’est pas l’Etat qui produit le droit mais l’ordre juridique qui produit l’Etat (la hiérarchie des normes). L’État ne serait alors que l’émanation du droit qui limiterait sa puissance d’arbitraire. Cette conception insiste sur la nécessité de soumettre la puissance publique au respect du droit. Pour que l’Etat existe il faut un ensemble de normes juridiques qui obligent l’Etat à respecter le droit et un ordre juridique capable de contrôler l’Etat.

Enfin la dernière approche est celle de L’État de service défendu notamment par Léon Duguit. Pour Léon Duguit, l’État n'est n’a pas de personnalité, ne peut disposer de droits subjectifs et ne saurait être en mesure d’imposer quoi que ce soit à qui que ce soit. L’État est incarné par les institutions, mais il n’a pour fonction unique que de répondre aux besoins collectifs. Dès lors, L’État est l’expression de la solidarité de la société.

2 La définition de d’Etat

La notion d’État se distingue de celle de nation. La nation est en quelque sorte la personnification de l’État. L’État donne un statut juridique à la nation, puisqu’il présuppose l’existence d’une organisation sociale. En France, les notions d’État et de nation sont étroitement liées. La naissance de l’État est en effet indissoluble de l’émergence du sentiment national. Mais pour se limiter à l’étude de l’État, celui-ci se caractérise par trois éléments. Pour qu’il y ait un État, il faut une population, un territoire, et une organisation souveraine. Ces trois éléments sont les éléments constitutifs de l’État.

2.1 Une population

L’État se compose d’individus qui sont les ressortissants de cet État. Peu importe le volume de la population qui compose l’État. Le plus petit État du monde, le Vatican, ne comporte pas plus de 1000 habitants, alors que le plus peuplé, la Chine en compte plus d’un milliard. Le lien juridique qui unit les ressortissants à un État s’appelle la nationalité. La population c'est-à-dire l’ensemble des individus de chaires et de sang qui peuplent le territoire sont reliés à l’Etat par un lien juridique qui peut être soit la citoyenneté soit la nationalité. L’un est l’autre recouvre des réalités sensiblement différentes.

La nationalité : La nationalité est le fait pour une personne physique ou morale de relever de la législation d'un État. Pour les personnes, elle règle leur condition civile (nom, langue, âge de la majorité, mariage, succession, etc..) et leur confère les droits et devoirs liés à la citoyenneté (droit de voter et d'être élu, droit d'accéder aux emplois publics et professions réservées aux nationaux, devoirs de contribuer aux impôts, de participer au service militaire, aux jurys populaires, etc.). La nationalité s'acquiert normalement à la naissance, en général soit par filiation (on parle de « droit du sang », jus sanguinis), soit à la majorité du fait que l'on est né sur le territoire national (on parle de « droit du sol » ou jus soli).

La Citoyenneté : Le citoyen est d’abord celui qui participe à la vie de la cité. C’est donc une personne qui relève de l'autorité et de la protection d'un État et par suite jouit de droits civiques et a des devoirs envers cet État. Chaque citoyen exerce à sa façon la citoyenneté telle qu'elle est établie par les lois et intégrée dans l'ensemble des mœurs de la société à laquelle il appartient. Les citoyens d'une même nation forment alors une communauté politique.

La citoyenneté prend des formes multiples et ne recoupe pas nécessairement le lien de nationalité. Ainsi, un citoyen européen n’a pas nécessairement besoin de la nationalité pour jouir de certains droits politiques dans la cité (droit de vote et d’éligibilité).

2.2 Un territoire

L’ensemble des terres de la planète est normalement constitué en États, alors que les mers (exception faite des eaux territoriales), sont placées en dehors de la souveraineté des États. Dire qu’un État est composé d’un territoire pose le problème de la délimitation et de la reconnaissance de ses frontières, qu’elles soient naturelles ou historiques. Certains États, tel la Palestine, dispose d’une population et d’une organisation politique, mais ont des difficultés à se voir reconnaître un territoire.

2.3 Une organisation souveraine

L’existence d’une population et d’un territoire ne suffit pas pour qu’un État soit constitué. Il faut en outre que celui-ci dispose d’une organisation politique souveraine. Ce qui signifie, d’une part, qu’il existe des institutions capables d’imposer leur volonté et, d’autre part, que ces institutions ne soient pas dans un lien de subordination juridique par rapport à un ordre supérieur. Les collectivités territoriales possèdent une population et un territoire, elles disposent également d’institutions, mais elles ne sont pas souveraines. L’Etat dispose donc du monopole de « la violence légitime ». Cependant, la construction communautaire et dans une moindre mesure la décentralisation sont susceptible de remettre en cause ce postulat.

3 Les différentes formes d’Etat

L’architecture des États peut être plus ou moins complexe. Il existe deux grandes catégories d’architecture. La première qui correspond au schéma de la France est celle de l’État unitaire. La seconde catégorie est celle des États composés.

3.1 L’État unitaire

Depuis 1792, la France est un État unitaire. La Constitution de 1792 pose le principe selon lequel « la République est une et indivisible ». La Constitution du 4 octobre 1958 pose elle aussi le principe de l’unité et de l’indivisibilité de l’État.

3.1.1 Les principes de l’Etat Unitaire

L’Etat unitaire repose sur deux principes qui sont les deux faces d’une même pièce : celui de l’indivisibilité et celui de l’unité.

3.1.1.1 Le principe de l’indivisibilité

Le principe de l’indivisibilité signifie qu’il ne peut pas exister de pouvoir normatif autonome au profit des collectivités infra étatiques. Celles-ci ne disposent de compétences que dans les domaines pour lesquels le législateur leur a expressément transféré cette compétence. D’un point de vue pratique, le principe d’indivisibilité implique que les délibérations des assemblées soient contrôlées par les autorités étatiques (mécanisme du contrôle de légalité).

Le principe de l’indivisibilité n’est pas sans poser certains problèmes, puisque certaines collectivités à statut spécifique peuvent y déroger. Par ailleurs, le principe de l’indivisibilité pose certaines difficultés chaque fois que le législateur veut aménager le statut d’une collectivité particulière (Corse).

3.1.1.2 Le principe de l’unité

Le principe de l’unité implique à la fois l’unité géographique (élément constitutif de l’État), l’unité institutionnelle (des institutions identiques), et l’unité culturelle (peuple français, langue française), de l’État. Comme pour le principe de l’indivisibilité, le principe de l’unité supporte certains aménagements. En outre, si l’État unitaire repose à la fois sur le principe de l’unité et de l’indivisibilité, il existe deux modalités qui permettent de rapprocher les populations du pouvoir central : la déconcentration et la décentralisation. Ces modalités d’organisation de l’État unitaire feront l’objet d’une définition dans les points qui suivent.

3.1.2 Les modalités d’organisation de l’Etat unitaire

L’organisation de l’État en France repose sur deux principes concurrents, la centralisation et la décentralisation. Alors que la centralisation consiste à confier les tâches administratives aux autorités centrales de l’État, la décentralisation constitue le mouvement inverse. La décentralisation a pour finalité de confier les tâches administratives à des autorités non centrales. Si ces deux modes d’organisation sont concurrents, ils ne sont pourtant pas exclusifs l’un de l’autre. Dans chaque circonscription administrative cohabitent des organes décentralisés et des organes déconcentrés, c’est-à-dire des organes qui ont vocation à représenter les autorités centrales au niveau local. Dès lors, il convient d’associer à la centralisation la déconcentration et de leur opposer la décentralisation.

3.1.2.1 La centralisation et la déconcentration

Le concept de centralisation se définit par rapport à celui de décentralisation. En revanche, la déconcentration n’est qu’une modalité d’organisation de la centralisation. Dans un cas comme dans l’autre, il n’existe qu’une seule administration, celle de l’État.

3.1.2.1.1 La centralisation

L’administration centrale a vocation à représenter l’État sur l’ensemble du territoire. Les autorités centrales de l’administration sont aussi les autorités politiques les plus importantes. C’est le Premier ministre qui dirige l’action du gouvernement (art. 21 de la Constitution), et c’est le gouvernement qui détermine et conduit la politique de la nation. Il dispose pour ce faire de l’administration (art. 20 de la Constitution). Chaque ministre est donc placé à la tête de son administration. Le ministre des finances dirige ainsi trois grandes administrations : les impôts, le trésor et les douanes.

3.1.2.1.2 La déconcentration

La déconcentration est une modalité pratique de la centralisation. Elle consiste à placer à la tête de chaque circonscription administrative un représentant du pouvoir central qui disposera d’un pouvoir de décision propre mais qui agira toujours au nom de l’État. La première autorité déconcentrée est le préfet. Il a pour fonction de représenter dans le département ou dans la région l’ensemble des ministères. A côté du préfet, qui bénéficie d’une compétence générale, d’autres autorités déconcentrées à compétences spécifiques coexistent (recteur d’académie, trésorier payeur général, directions départementales…). Ces autorités déconcentrées sont toujours nommées (contrairement aux autorités décentralisées qui sont élues) et sont soumises au pouvoir hiérarchique, ce qui permet au supérieur de contrôler l’action de ses subordonnés et de leur adresser des instructions. Les ministres donnent des instructions aux préfets qui eux-mêmes dirigent les services de l’État dans la région ou le département. Au contraire, dans la décentralisation, il n’existe pas de subordination entre les collectivités territoriales et l’État.

3.1.2.2 La décentralisation

Il y a décentralisation lorsque le pouvoir central transfère la compétence de prendre certaines décisions vers des personnes morales distinctes. Celle-ci peut être technique ou territoriale. La décentralisation technique se fait au bénéfice des établissements publics. Ceux-ci ne disposent que d’une compétence limitée à un ou plusieurs domaines bien déterminés. Ils répondent à ce que l’on appelle le principe de spécialité. Par exemple un hôpital ou une université ou encore le Centre national de la fonction publique territoriale. En France, la décentralisation s’organise principalement autour des collectivités territoriales. La décentralisation géographique renvoie à la notion de collectivité territoriale et de libre administration. Ainsi aux termes de l’article 72 de la Constitution « les collectivités s’administrent librement par des conseils élus ». Une collectivité territoriale se définit donc par l’exercice de compétences propres (le conseil municipal gère par ses délibérations les affaires de la commune) et par le respect du principe électif (élection de ces assemblées au suffrage universel direct).

Les collectivités territoriales disposent donc de la personnalité juridique distincte de celle de l’État et de compétences propres. En même temps, elles doivent pouvoir bénéficier de moyens propres à la fois en personnels (fonctionnaires territoriaux) et matériels, mais également d’une autonomie financière. Cette autonomie financière se traduit par la possibilité pour les assemblées délibérantes des collectivités territoriales de voter le taux des impôts et de disposer librement de l’ensemble de leurs ressources. Cette relative autonomie des collectivités territoriales est toutefois tempérée par les nombreux contrôles qui sont exercés par les services de l’État.

3.2 Les États composés

Il existe deux formes d’États composés. La première forme, la confédération, n’a qu’un intérêt historique, puisqu’il n’existe plus d’État adoptant cette constitution. La seconde forme d’État composé est constituée par l’État fédéral.

3.2.1 La confédération

La confédération est une assemblée d’États qui va plus loin que la simple alliance. Elle exerce pour le compte des États membres des compétences communes, mais les États restent souverains pour l’application des décisions communes. A la différence de la fédération, les décisions prises par les États confédérés ne concernent pas les populations. Elles n’ont pour objet que de régir des relations entre États. Sous certains aspects, l’Union européenne ressemble de près à une confédération.

3.2.2 L’État fédéral

L’État fédéral va plus loin que la confédération dans l’intégration des États membres. Il existe une superposition d’un État fédéral aux États fédérés qui ne sont donc pas souverains. Les États fédérés, étant privés de souveraineté, ne peuvent avoir de relations diplomatiques avec les autres États. D’une certaine façon la fédération est une forme poussée de décentralisation, dans laquelle la Constitution organise la répartition des compétences entre les deux niveaux d’administration. Les États-Unis d’Amérique ou, plus près de nous, l’Allemagne constituent des exemples d’États fédérés.

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