Par Ibrahim El Marzouki
Dernière mise à jour : décembre 2018

Tout d'abord, il convient de faire la distinction entre logement et habitat. Un logement est un produit : on parle ainsi de petit logement, grand logement, duplex, appartement, maison individuelle, etc.

Un logement est un produit avec des caractéristiques propres et uniques. C'est un bien localisé, durable, hétérogène, qui répond à un besoin vital qui est de se loger, d'où des enjeux importants.

L'habitat est une notion plus large et plus complexe. Elle regroupe le logement lui-même et les services produits : habitat pavillonnaire, habitat social, habitat dense, etc.

Les politiques du logement et de l'habitat sont encadrées par un corpus législatif, des outils de planification et fait intervenir une relation Etat / collectivités locales où ces dernières occupent une place de plus en plus importante.

1. Quelques dates clés et quelques chiffres

Les premières mesures sont d'ordre « hygiéniste », l'objectif est de lutter contre l’insalubrité. Puis dans l'après-guerre, l'Etat impulse une politique volontariste pour produire des logements en masse et répondre à un double besoin : reconstruire les logements détruits et offrir un logement à une population qui augmente.

1912 : la loi Bonnevay régit la création des Offices Publics et des Habitations à Bon Marché (H.B.M.), organismes de gestion à but non lucratif dont les moyens seront ensuite progressivement renforcés.

1928 : la loi Loucheur fixe un programme global de construction et introduit un nouveau type de logement dit « à loyer moyen », donc un peu plus élevés que les loyers « bon marché ».

1948 : la loi sur la limitation des loyers réglemente les loyers des logements achevés avant sa promulgation et reconnaissance du droit à un logement décent.

1953 : création du 1% patronal, contribution obligatoire des entreprises à l’effort de construction (1 % de la masse des salaires pour les entreprises de plus de 10 salariés).

1954 : appel de l'Abbé Pierre, naissance du mal-logement.

1973 : circulaire Guichard qui annonce la fin de la construction des grands ensembles.

1977 : création des aides au logement (APL, etc.).

1982/1983 : décentralisation et affirmation du rôle des collectivités locales.

Ensuite, vient une série de textes normatifs visant à lutter contre les exclusions, le mal logement, à développer la mixité sociale, réduire les inégalités territoriales, favoriser l'accession à la propriété, planifier la production de logements, affirmer le droit au logement opposable, etc.

On notera notamment :

13 décembre 2000 (loi SRU) : planification et urbaine et mixité sociale (article 55 de la loi, relatif au seuil minimum de logements sociaux à 20%)

1er août 2003 : loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine (loi dite Borloo). Création de l’agence nationale de la rénovation urbaine dotée de plus de 30 milliards d’euros pour la rénovation des quartiers.

6 juillet 2006 : loi ENL (engagement national pour le logement). Cette loi intervient sur tous les maillons de la chaîne, du foncier à l’accès au logement pour tous, en passant par la prise en compte des situations d’urgence. Principales mesures du texte :

  • augmentation de 15 000 euros de l’enveloppe du prêt à taux zéro pour faciliter l’accession sociale à la propriété
  • application d’un taux réduit de TVA à 5,5% pour les accessions sociales à la propriété (destinées aux ménages à revenu modeste) dans les quartiers faisant l’objet d’une rénovation urbaine.
  • unification du statut des offices publics d’HLM et élargissement du rôle de l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat (ANAH) au parc locatif privé

4 mars 2014 : loi ALUR (accès au logement et un urbanisme rénové). Elle poursuite trois objectifs majeurs :

  • réguler les marchés immobiliers et encadrer les pratiques abusives,
  • favoriser l’accès au logement, en protégeant les populations les plus vulnérables,
  • développer l’innovation et la transparence

Quelques chiffres (source INSEE 2016)

Au 1er janvier 2016, la France compte plus de 35 millions de logements.

82 % des logements sont des résidences principales et 56 % des logements individuels.

Le parc locatif social compte près de 5 millions d'unités dans lequel vivent près de 10 millions de ménages.

60% des ménages sont propriétaires de leur logement.

4 millions sont considérés comme des mal-logés (source Fondation Abbé Pierre)

2. Les enjeux sociaux, économiques et urbains

2.1. Les enjeux sociaux

Se loger est un besoin essentiel. Les politiques du logement ont longtemps favorisé une politique du chiffre avec un objectif, loger le plus grand nombre. Le droit au logement trouve sa traduction dans la Constitution et a été consacré dans la loi dite Besson de 1990.

Il désigne le droit des individus à avoir accès à un logement. Il s’agit d’un droit fondamental à valeur constitutionnelle découlant en filigrane du préambule de la Constitution de 1946 :

« La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. Elle garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs »Toutefois, le législateur n'a pas prévu de sanction en la matière.

La loi du 5 mars 2007 institue le droit au logement opposable (DALO). Un droit opposable est un droit qui peut être « opposé » par un tiers à l’autorité chargée de le faire appliquer. Le droit au logement opposable signifie qu’une personne sans domicile est en droit d’exiger auprès des autorités l’application du droit constitutionnel au logement et donc de saisir les tribunaux.

Il est entré en application en 2007 pour les plus fragiles et démunis et s’est étendu en 2012.

Un glissement sémantique s'est opéré et on parle alors non seulement de crise du logement mais aussi de mal-logement.

Enfin, le logement est aussi une question sensible en matière de gestion de l'occupation du parc, avec des politiques plus ou bien affirmées en matière de peuplement.

2.2. Les enjeux économiques

« Quand le bâtiment va, tout va », cette expression bien connue montre à quel point le secteur du bâtiment est stratégique.

Le secteur du bâtiment, c'est des emplois directs et indirects avec plus de 1,5 million d'emplois, plus de 350 000 entreprises artisanales.

Le secteur du logement, c'est aussi une source de revenue pour l’économie nationale : fiscalité sur les entreprises, TVA pour la vente de logements neufs, taxes foncières, etc.

Le logement est à la croisée des enjeux sociaux et économiques puisqu'il représente le premier poste de dépense pour les ménages.

2.3. Les enjeux urbains

Le logement et son extension vocable, à savoir l'habitat, participe directement à la fabrication des villes, aux paysages urbains. L'habitat façonne les villes. Toutes les politiques urbaines intègrent le champ habitat : PLU, PLUI, SCOT

3. Les acteurs

3.1. L'Etat

La politique du logement en tant que telle reste une prérogative de l'Etat.

L'Etat fixe le cadre réglementaire qui régit les politiques du logement avec comme principal objectif ces dernières années de répondre aux besoins des ménages, de garantir un habitat de qualité, de corriger les effets du marché (exemple : le récent débat sur les loyers dans les grandes villes).

De plus en plus, les préoccupations environnementales s'imposent également dans le champ de la construction.

Enfin, le dernier levier pour l'Etat est celui des aides financières : soit celles versées directement aux ménages (aides au logement, prêts à taux réduits pour l'accession), soit celles versées aux constructeurs (minoration TVA, exonération taxe foncière, aides à la pierre, etc.) privées et publics.

L'Etat, via ses agences telles que ANRU et ANAH, agit aussi directement sur les politiques de l'habitat

3.2. Les collectivités locales

Les compétences des collectivités territoriales et des EPCI en matière d’habitat se sont renforcées au cours de ces vingt dernières années.

3.2.1. Les EPCI

Les communautés d'agglomération et les communautés urbaines et les métropoles ont la compétence « équilibre social de l'habitat », elles agissent en matière de programme local de l'habitat (PLH), de politique du logement d'intérêt communautaire, d’actions et d’aides financières en faveur du logement social d'intérêt communautaire, d’actions et opérations en faveur des personnes défavorisées.

Les EPCI peuvent aussi agir en matière d'opérations programmées d'amélioration de l'habitat (OPAH), d’actions de réhabilitation et résorption de l'habitat insalubre lorsqu'elles sont d'intérêt communautaire.

Les communautés de communes peuvent de manière optionnelle déterminer la compétence « politique du logement et du cadre de vie ».

3.2.2. Les communes

Malgré le transfert de compétences aux EPCI, les communes conservent un rôle en raison de leur proximité : obligation des 25 % de logements sociaux, police des immeubles menaçant ruine, droit de préemption….

Elles ont aussi la possibilité d'accorder une garantie d'emprunt ou son cautionnement pour les opérations de construction, d'acquisition ou d'amélioration de logements sociaux et d'apporter à ces opérations des subventions ou des aides foncières.

Les communes doivent également, par leur intervention en matière foncière, par les actions ou opérations d'aménagement qu'elles conduisent ou autorisent ou par des subventions foncières, permettre la réalisation des logements locatifs sociaux nécessaires à la mixité sociale des villes et des quartiers.

Les communes, ou leurs groupements, sont compétentes en matière d’urbanisme depuis la loi de décentralisation de 1983. Elles (ou leurs EPCI) élaborent les documents d’urbanisme (schéma de cohérence territoriale, plan local d’urbanisme, carte communale). Enfin, le maire délivre au nom de la commune les autorisations d'urbanisme (certificat d’urbanisme, permis de construire, d’aménager et de démolir et décisions relatives aux déclarations préalables).

Elles interviennent aussi pour l'attribution des logements locatifs sociaux :

3.2.3. Le département

Les départements exercent une action sociale et solidaire dans le domaine du logement. Ils élaborent et mettent en œuvre conjointement avec l'Etat le plan départemental d'action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées (PDALHPD) pour une durée minimale de trois ans.

Ce plan comprend les mesures destinées à permettre aux personnes et aux familles éprouvant des difficultés de ressources ou de conditions d'existence, d'accéder à un logement décent et indépendant ou de s'y maintenir

La loi du 13 août 2004 a décentralisé aux départements le fonds de solidarité pour le logement (FSL). Il a pour objet d’accorder des aides permettant aux personnes défavorisées d’accéder à un logement décent et indépendant ou de s’y maintenir.

Le Plan départemental de l’habitat (PDH), introduit par la loi ENL du 13 juillet 2006, est destiné à assurer la cohérence entre les politiques menées dans les territoires couverts par des programmes locaux de l’habitat (PLH) et celles menées dans le reste du département.

Il contribue à lutter contre les déséquilibres et les inégalités territoriales et assure la cohérence entre politique de l’habitat et politique sociale.

A la différence des PLH, le PDH n’est pas une démarche décentralisée. Il fait l’objet d’une élaboration partagée et conjointe entre l’État, le conseil départemental et l’EPCI doté d’un PLH ou ayant engagé la démarche.

Il ne comporte pas de programme d’actions. Il doit respecter les orientations du SCoT et les objectifs prévus par les PLH. Il se situe dans un rapport de conformité avec ces documents.

3.2.4. La Région

Les régions ont une action relativement limitée dans le domaine de l’habitat, mais certaines d’entre elles interviennent à travers leurs compétences en matière d’aménagement du territoire ou de développement économique en soutenant des projets de développement urbain.

4. Un outil privilégié : le PLH

Le programme local de l’habitat (PLH) est un document stratégique de programmation qui inclut l’ensemble de la politique locale de l’habitat : parc public et privé, gestion du parc existant et des constructions nouvelles, populations spécifiques. Il est élaboré pour une durée de 6 ans.

Initié par la loi de décentralisation du 7 janvier 1983, incitatif et considéré plutôt comme un outil communal à son origine, il devenu obligatoire et a glissé vers un périmètre correspondant aux EPCI. 

Aujourd'hui, Il est obligatoire pour :

  • les métropoles ;
  • les communautés urbaines ;
  • les communautés d’agglomération ;
  • les communautés de communes compétentes en matière d’habitat de plus de 30 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 10 000 habitants

Au fur et à mesure des évolutions législatives, il est devenu le préalable à une délégation de la gestion des aides à la pierre de l’État et le moyen de gestion de l’obligation d’un quota de logement sociaux imposé à certaines communes.

À la suite de la loi Engagement national pour l’environnement du 12 juillet 2010, le PLU intercommunal devient le principe et le PLU communal l’exception. Il doit désormais couvrir l’intégralité du territoire intercommunal et tient lieu de PLH et de plan de déplacements urbains (PDU) si l’intercommunalité est, pour ce dernier, également autorité organisatrice de transports urbains (AOTU).

Objet et contenu

« Le programme local de l'habitat définit, pour une durée de six ans, les objectifs et les principes d'une politique visant à répondre aux besoins en logements et en hébergement, à favoriser le renouvellement urbain et la mixité sociale et à améliorer l'accessibilité du cadre bâti aux personnes handicapées en assurant entre les communes et entre les quartiers d'une même commune une répartition équilibrée et diversifiée de l'offre de logements. »

Un PLH est constitué de trois pièces complémentaires :

  • Un diagnostic : il porte « […] sur le fonctionnement des marchés du logement et sur la situation de l'hébergement, analysant les différents segments de l'offre de logements, privés et sociaux, individuels et collectifs, et de l'offre d'hébergement. Le diagnostic comporte notamment une analyse des marchés fonciers, de l'offre foncière et de son utilisation, de la mutabilité des terrains et de leur capacité à accueillir des logements. Ce diagnostic inclut un repérage des situations d'habitat indigne, visant à la mise en œuvre du droit au logement[…] ».
  • Un document d’orientations stratégiques : il énonce les objectifs et les principes fixés par l’intercommunalité en matière d’objectifs d’offre nouvelle (nombre, type, etc.), d’amélioration et de réhabilitation du parc existant (public et privé), de renouvellement urbain, de politique foncière permettant la réalisation du programme, de réponses apportées aux besoins de certains publics (mal logés, défavorisés, gens du voyage, étudiants, personnes âgées ou handicapées, etc.)
  • Un programme d’actions : il prend généralement la forme de fiches qui précisent la manière dont la collectivité décline les orientations qu’elle s’est fixées. Le programme détaille par commune et/ou secteur le nombre et les types de logements à réaliser, le nombre et les types de logements locatifs privés à mobiliser, les moyens, notamment fonciers à mettre en œuvre, l’échéancier prévisionnel, et le cas échéant, les orientations relatives pour atteindre les quotas en matière de logements sociaux.
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